lundi 21 avril 2025

CD critique. SPONTINI : Olimpie (version 1826). K. Gauvin, K. Aldrich, M. Vidal… Le Cercle de l’Harmonie / Jérémy Rhorer (2 CD Palazzetto Bru-Zane)

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Emmanuel Andrieu
Emmanuel Andrieu
Après des études d’histoire de l’art et d’archéologie à l’université de Montpellier, Emmanuel Andrieu a notamment dirigé la boutique Harmonia Mundi dans cette même ville. Aujourd’hui, il collabore avec différents sites internet consacrés à la musique classique, la danse et l’opéra - mais essentiellement avec ClassiqueNews.com dont il est le rédacteur en chef.

spontini olympie vidal aldrich cd critique classiquenews bru zane bz1035CD critique. Gaspare SPONTINI : Olimpie (version 1826). K. Gauvin, K. Aldrich, M. Vidal J. Rhorer.

Si Cassandre chez Berlioz (Les Troyens) fille de Priam, assiste sans issue ni espérance à la chute de Troie, Cassandre chez Gaspare Spontini (1774-1851) dans Olimpie (1819) est… un homme, comme d’ailleurs Antigone. Autre œuvre, autre genre… Mais Spontini s’inspire de la pièce de Voltaire (1761). Tous deux s’opposent pour l’amour d’Aménaïs / Olimpie, fille d’Alexandre le grand. C’est d’ailleurs Cassandre qui la sauve à Babylone, et la jeune femme aime son sauveur… Mais la mère de la princesse, Statira refuse une telle union : pour elle, Cassandre a tué Alexandre. Spontini manie le sublime tragique (avant Meyerbeer) avec un génie que Berlioz fut le premier à applaudir. Ainsi dans la version de 1819, Olimpie et Statira, la fille et la mère se suicident avant qu’Antigone ne soit reconnue comme la meurtrière d’Alexandre. Laissant Cassandre innocenté, démuni et tragiquement esseulé. Dans la version de 1821, retour au lieto finale et les deux amants, Olimpie et son sauveur, peuvent se marier sous la bénédiction de la mère.

De Rossini, Spontini maîtrise l’élégance seria ; de Gluck, il prolonge la tension tragique, d’une inéluctable souffrance, d’un inflexible dignité. Comme ses prédécesseurs au carrefour du XVIIIème et du XIXème siècle préromantiques (Gossec, Piccini, Sacchini…), Spontini embrase son orchestre d’accents guerriers (les trombones et les cors sont même « trop utilisés » selon Berlioz). On note l’usage pour la première fois du tuba historique ou ophicléïde. La force de l’opéra revient à ses fabuleux contrastes, en règle à l’heure baroque, et qu’ici relance constamment la lyre tragique. Il en découle des enchaînements qui pourront heurter une écoute trop passive… Ainsi l’air de Cassandre (ténor) « Oh souvenir épouvantable », encadré de deux duos (avec Antigone) et surtout, au début du II, la prière de Statira, entrecoupée, commentée par de soudaines intrusions du prêtre Hiérophante (Patrick Bolleire, basse) et du chœur, d’une noblesse irrésistible. Tout cela intègre le collectif et les destinées individuelles avec un sens remarquable du drame et des équilibres poétiques.

Dans ce sens, la direction de Jérémie Rhorer et son Cercle de l’Harmonie, manque singulièrement d’équilibre, de clarté, d’architecture, de nerveuse précision. Cela sonne sec, parfois brutal. Ce qui réduit évidemment les champs expressifs et les plans poétiques d’une oeuvre qui certes est tragique et spectaculaire mais pas moins humaine et profondément raffinée (ne serait-ce que dans le portrait de la fille et de la mère, de leur relation trouble et contradictoire : la subtile et superbe confrontation Olimpie/Statira au II).

Voix du peuple à Éphèse, le Chœur de la Radio Flamande par contre s’impose indiscutablement par des nuances linguistiques qui captivent. Côté solistes, distinguons la Statira de Kate Aldrich, qui cisèle chaque facette, celle de la mère tendre et inflexible, et aussi de la veuve haineuse et vengeresse. Sur les traces de la créatrice, la légendaire Caroline Branchu, aux qualités de tragédienne immenses, la chanteuse américaine trouve le ton et le style justes. Dans le rôle-titre, Karina Gauvin ne parvient pas à rendre son personnage réellement passionnant – un être capable de fureur, de tendresse (mozartienne) et de vérité… – qui ici échappe au concert. Saluons en revanche l’excellente intelligibilité de Josef Wagner dans le rôle du noir et jaloux Antigone. Remplaçant Charles Castronovo, dans le rôle de Cassandre, rôle clé tant il est riche en registres émotionnels, Mathias Vidal déploie un talent rare de diseur et de tragédien, trouvant les éléments psychologiques et les intonations idéales pour exprimer les désirs et les désillusions du prince héroïque. L’ambitus de la tessiture est constamment sollicité, offrant au chanteur une partie digne du théâtre. Rien ne semble fléchir dans son chant tendu, nerveux, lui aussi très respectueux du texte – tant de nuances et de maîtrise contredisant souvent la brutalité (déjà relevée) de l’orchestre.

Dommage car voilà qui comble – mais de façon déséquilibrée – notre connaissance d’Olimpie, aux côtés des auters ouvrages du maître adulé de Berlioz : La Vestale, Fernand Cortez (1809), ou Agnes von Hohenstaufen (1829).

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spontini olympie vidal aldrich cd critique classiquenews bru zane bz1035CD, critique. Gaspare SPONTINI : Olimpie (version 1826). Tragédie lyrique en trois actes. Livret d’Armand-Michel Dieulafoy et Charles Brifaut, d’après la pièce de Voltaire. Karina Gauvin, Kate Aldrich, Mathias Vidal, Josef Wagner, Patrick Bolleire, Philippe Sauvagie. Chœur de la Radio flamande. Cercle de l’Harmonie, Jérémie Rhorer, direction.

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