CD, critique. WAGNER : Les Maîtres Chanteurs de Nuremberg / Die Meistersinger von Nürnberg – Vogt, Hawlata, Volle… Weigle (Bayreuth, 2008, 4 cd Opus Arte). Sans être totalement exceptionnelle, cette production de 2008 emporte l’adhésion grâce au travail orchestral et dramatique du chef Sebastian Weigle et un cast masculin, majoritairement affûté… OPUS ARTE est devenu le label privilégié, fixant les productions présentées les étés à Bayreuth. En voici l’une des plus anciennes, dévoilant le geste iconoclaste et finalement très théâtral voire comique de la fille de Wolfgang (ex directeur in loco), Katharina Wagner (depuis devenue directrice du Festival), qui avait créé sa propre mise en scène des Maîtres Chanteurs en 2007 et qui fut reprise en 2008, comme le montre cet enregistrement.
Que l’on apprécie ou non les frasques déjantées et dans le fond très subversif de l’arrière petite fille de Wagner dans cet exercice qu’elle renouvelle ensuite dans Tristan und Isolde (avec plus ou moins de réussite car la finesse et les références culturelles maîtrisées ne sont guère son fort…), la seule bande audio du spectacle compose la valeur de cet enregistrement, qui place l’orchestre, les chanteurs et le chef au premier plan. On évitera ainsi pour les plus « offusqués » la tentative parfois grandguignolesque qui réussit à renouveler les décors historicisants et traditionnels que convoque le sujet du seul opéra comique de Wagner : ruelles de Bavière, atelier boutique du cordonnier (Hans Sachs), c’est à dire un certain esthétisme sentant bon le terroir et le folklore… Par son geste décalé et peu respectueux du livret, force est de constater que Katharina avait relevé ce défi. Mais est ce suffisant pour développer un regard vraiment pertinent sur l’opéra ? D’autant plus qu’ici, la scénographe inverse les rôles quitte à brouiller l’enjeu des partis en présence : Beckmesser est un moderne (et trouve sa voie, enfin!), quand Sachs et Walther sont rien que des conformistes…
Heureusement Opus Arte nous satisfait avec cet enregistrement purement audio.
Et là réside vraiment l’intérêt de la proposition de 2008; en particulier grâce à la participation des chanteurs : le Sixtus Beckmesser vivant, impertinent, palpitant même de Michael Volle, le Walter agile et angélique du ténor habitué à Bayreuth : Klaus Florian Vogt, champion ainsi du rôle titre de Lohengrin, enfin le David impeccable lui aussi de Norbert Ernst. Seul le Hans Sachs de Franz Hawlata pâtit d’un manque d’aisance manifeste : voix trop petite et brutale pour un personnage cependant habité par l’esprit de fraternité et d’humanité. Voici donc une galerie de portraits des Maîtres Chanteurs, confirmés et candidats, particulièrement affûtée, vive, passionnante en vérité à suivre. Car les confrontations ne manquent pas, comme on le sait dans une partition dont le sujet central est la place dans la société, le sens et la valeur de l’art, poésie et musique, à travers une querelle incisive entre anciens et modernes (l’insolent mais plus que doué, Walther).
Au diapason de la mise en scène pas toujours très fine (comme la ronde finale des révoltés et génies de l’art allemand dont les grosses têtes en carton pâte tiraient à la caricature), l’Eva de Michaela Kaune manque de finesse et sa voix reste tendue.
Saluons la mise en place des ensembles, et la tenue superlative des chœurs du Festival, entité riche en intensité et en couleurs maîtrisées ; il est vrai que l’engagement du maestro Sebastian Weigle est indiscutable, portant depuis son début, l’action de l’opéra; son souffle emporte, parfois plus énergique que détaillé, mais la construction d’ensemble est claire et précise, de toute évidence, c’est une vision qui écarte d’emblée le narratif et l’anecdotique.
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CD, critique. WAGNER : Les Maîtres Chanteurs de Nuremberg / Die Meistersinger von Nürnberg – Vogt, Hawlata, Volle… Weigle (4 cd Opus Arte).
Richard WAGNER(1813 – 1883)
Die Meistersinger von Nürnberg (1868)
Franz Hawlata (baritone) – Hans Sachs;
Artur Korn (bass) – Veit Pogner;
Charles Reid (tenor) – Kunz Vogelgesang;
Rainer Zaun (bass) – Konrad Nachtigall;
Michael Volle (baritone) – Sixtus Beckmesser;
Markus Eiche (baritone) – Fritz Kothner;
Edward Randall (tenor) – Balthasar Zorn;
Hans-Jürgen Lazar (tenor) –Ulrich Eisslinger;
Stefan Heibach (tenor) – Augustin Moser;
Martin Snell (bass) – Hermann Ortel;
Andreas Macco (bass) – Hans Schwarz;
Iógenes Randes (bass) – Hans Foltz;
Klaus Florian Vogt (tenor) – Walther Von Stolzing;
Norbert Ernst (tenor) – David;
Michaela Kaune (soprano) – Eva;
Carola Guber (mezzo) – Magdalene;
Friedemann Röhlig (bass-baritone) – Ein Wachtwächter
Sebastian Weigle, Choeurs et Orchestre du Festival de Bayreuth
Enregistrement public, Bayreuther Fespiele, 7 août 2008.
Coffret 4 CD – Opus Arte – Référence : 7809031117711 – Production été 2018