Sur un Steinway D, au large spectre sonore, à la fois puissant et détaillé,( aigus et graves à égalité, la prise de son sublimant même le toucher du pianiste des plus inspirés), Jean-Nicolas Diatkine signe ici un nouvel album totalement convaincant.
Comme son Liszt précédent, ce nouvel opus Chopin, – aux œuvres pourtant tant de fois abordées et écoutées (Préludes, 3ème Sonate,…) éclaire le jeu magicien d’un orfèvre du clavier, dévoilant toutes les émotions présentes dans l’écriture chopinienne, sans en privilégier l’une plutôt que l’autre ; c’est dans cette éloquence équilibrée qui éclaire chaque pièce que l’intensité et l’hypersensibilité de Chopin triomphent ici ; frère de Schubert dans ses accents intimes ; frère tout autant de Beethoven, tant le pianiste sait tout en détaillant, souligner la puissance architecture de chaque morceau. Avec, marque personnelle, une vitalité joyeuse, une irrépressible énergie qui est feu et exaltation simultanément.
Le programme est d’autant plus délectable qu’il s’avère généreux, ajoutant aussi les fabuleux 24 Préludes … Le pianiste a souhaité ainsi revenir aux sources de la prononciation chopinienne, en particulier retrouver ce naturel chantant que Chopin tentait de réinvestir sur le clavier en écoutant les chanteurs… Phrasés, respiration, … l’interprète soigne chaque élément d’une langue comme régénérée. A la suavité simple des mélodies, qui jaillissent entre intimité et tendresse, Jean-Nicolas Diatkine souligne tout autant la clarté de la structure et ce festival de spontanéité qui semble électriser les 24 Préludes…
La maturité à la fois crépitante et tendre du pianiste signe là un enregistrement magistral. CLIC de CLASSIQUENEWS automne 2023. Prochaine critique complète à venir dans le mag cd de classiquenews
_______________________________
CD événement, annonce. Jean-Nicolas DIATKINE, piano : CHOPIN. Sonata n°3, 24 Préludes… (1 cd Solo Musica) – Enregistré en Autriche, en avril 2023. CLIC de CLASSIQUENEWS Automne 2023.
CONCERT
Jean-Nicolas DIATKINE en concert
PARIS, Salle Gaveau
Lundi 4 décembre 2023, 20h30
Au programme : BEETHOVEN (Sonate n°14 opus 27, Six Bagatelles opus 126), LISZT (Sonate en si mineur), CHOPIN (Sonate n°3 en si mineur opus 58).
Infos et réservations directement sur le site de la Salle Gaveau :
https://www.sallegaveau.com/spectacles/jean-nicolas-diatkine-piano-4
___________________________________
ARTICLES précédents JEAN-NICOLAS DIATKINE sir CLASSIQUENEWS :
ANNONCE concert Liszt à Gaveau (2 juin 2023) :
PARIS, GAVEAU, le 2 juin. JEAN-NICOLAS DIATKINE, piano. LISZT, SCHUBERT, WAGNER… Récital événement autant pour l’artiste engagé, défricheur de l’absolu, capable de fouiller jusqu’au tréfonds de l’œuvre, révélant ses pépites enfouies ; que pour l’instrument aussi car Jean Nicolas Diatkine joue un piano Schiedmayer de 1916, parfaitement restauré dont le timbre et le format sonore s’accordent au choix des pièces abordées à Gaveau.
Le programme reprend pour une large part les œuvres jouées dans le dernier cd du pianiste : soit plusieurs perles conçues par Schubert et Wagner mais transcrites par le magicien Liszt. La ciselure verbale du lied schubertien, l’extase lyrique wagnérienne sont ainsi sublimées par l’écriture du Liszt transcripteur qui dans ce jeu d’adaptation et de relecture, offre au clavier la possibilité de suggérer tout en finesse. JN Diatkine prend soin de recueillir et respecter à la lettre les indications du transcripteur, en particulier le recours à la pédale qui ne dilue pas le contrepoint ni le relief de chaque voix mais permet de détacher et articuler (staccato de Ständchen de Schubert). Le chant multiple des harmonies gagne en force et en suggestion poétique, d’autant que les plans simultanés sont restitués sans dilution.
Récital de Jean-Nicolas DIATKINE, piano
Jeudi 2 Juin 2022 à 20h30
SCHUBERT, WAGNER
Transcriptions par Liszt
Comment la musique peut dire et exprimer les mots de la poésie ? Jean-Nicolas DIATKINE interroge dans ce programme entre verbe et note, la capacité de l’instrument à parler et à chanter : « la musique prend alors la place des mots dans l’ordre poétique, et le serviteur devient roi ».
Dans les pièces de ce programme qui aborde l’imaginaire de Schubert et de Wagner, Jean-Nicolas Diatkine précise : « Dans ses transcriptions des lieder de Schubert, Liszt a tenu à faire imprimer, au-dessus de la portée, le texte du poème mis en musique. Il donne par ce moyen à l’interprète de précieuses indications sur le phrasé et l’accentuation qu’il désire ».
Illusionniste, Liszt transcripteur opère une sublimation de Schubert et de Wagner en touchant au plus près l’essence des partitions originelles. Au service des opéras de Wagner, leur ampleur et leur puissance onirique comme leur acuité psychologique, le piano de Liszt devient symphonique, à l’écoute des passions des héros wagnériens. Il reste à l’imaginaire du pianiste d’en exprimer la sincérité comme la justesse poétique. Récital événement.
_______________________
Programme :
Schubert-Liszt : Sélection de mélodies transcrites pour piano
(Dont Le Roi des Aulnes, Marguerite au rouet, Ave Maria, Sérénade…)
Liszt : Ballade n°2
Wagner-Liszt : Transcriptions d’opéras
Le Choeur des Pèlerins (Tannhäuser)
Le rêve d’Elsa (Lohengrin)
L’admontion de Lohengrin (Lohengrin)
La mort d’Isolde (Tristan et Isolde)
La Marche Solennelle vers le Saint-Graal (Parsifal)
VOIR :
https://youtu.be/ccGdyNl2LTw
Jean-Nicolas DIATKINE joue Schubert-Liszt : »Auf dem Wasser zu singen »
CRITIQUE CD : LISZT par Jean-Nicolas Diatkine
CRITIQUE CD événement. LISZT par Jean-Nicolas Diatkine, piano (1 cd Solo Musica – mai 2022)
Chez Schubert, le pianiste révèle combien le clavier est à la source de la mélodie, il se fait chant lui-même ; les doigts agiles et mobiles expriment littéralement la voix du poète. Autant que les chanteurs, et fins diseurs dans le cas des lieder, le piano chez Liszt,… chante. Il parle et murmure, aussi suggestif et nuancé que la voix : tel serait le dessein du Hongrois, capable sous le feu acrobatique, d’exprimer au piano seul, l’âme du verbe schubertien. Difficile de rester de marbre à l’écoute des standards tels « Auf dem Wasser zu singen », « Gretchen am spinnrade » dont le pianiste en phase et d’une flexibilité royale, maîtrisant des phrasés tout en filigrane, fait des joyaux de subtilité et d’énergie sonore. Le clavier nous parle et chante tout autant pour l’Ave Maria, dans le dramatique fantastique d’ »Erlkönig ».
Dans le mystère (et la réussite) de ces transcriptions, Jean-Nicolas Ditakine souligne combien l’alchimie lisztéenne engage toute la palette sonore du clavier dont il fait un formidable creuset, jouant de la pédale pour créer ce halo harmonique, sorte de « sfumato », lequel pourtant ne dilue jamais la clarté ni le relief du contrepoint comme de la mélodie. Grâce à l’interprète, le piano de Liszt dessine et brosse simultanément, il chante et accompagne. Prouesse lisztéenne par excellence et qui ne peut se réaliser que grâce à l’éloquente agilité du pianiste. Qui réconcilie la virtuosité et le cœur ; l’hyperséduction et la sincérité.
JEAN-NICOLAS DIATKINE
transcriptions de Liszt d’après Schubert et Wagner
De la Ballade n°2 de Liszt, Jean-Nicolas Diatkine plonge dans le vaste chaudron narratif d’un compositeur vraisemblablement inspiré par le mythe de Héro et Léandre : de la fureur des vagues écumantes, le piano fait surgir l’amour conquérant du jeune homme, audacieux nageur pour rejoindre sa belle. Puis c’est l’enfer d’une mer déchainée qui entraîne à la mort le trop audacieux Héro. Si bien nommé. Le piano de Liszt, la digitalité liquide et libre du pianiste ressuscite ce tumulte romantique, amoureux et tragique que Wagner saura recycler pour lui-même, piochant ici et là, divers motifs pour son Vaisseau Fantôme… jusqu’à l’ivresse extatique de Tristan (leitmotiv de la mort d’amour d’Isolde) : voilà le creuset lisztéen pleinement révélé, foisonnante inspiration pour Wagner, son futur gendre.
La mort d’Isolde figurant comme un éclat tout aussi intense en fin de programme : subtil et si juste correspondance.
Jean-Nicolas Diatkine souligne combien le piano transcripteur de Liszt n’est pas réduction de la partition originale (orchestrale chez Wagner) mais recréation avec le souffle et l’ampleur de tout l’orchestre : c’est l’imagination et la verve sans limite du poète Liszt, lui-même compositeur qui semble comprendre les enjeux et la vivante activité de la partition wagnérienne. Avec raison, le pianiste parle de l’art lisztéen comme un art de l’illusion ; mais sous ses doigts de magicien illusionniste, l’élan vital, en tension et détente, semble suivre sa propre énergie, révélant à mesure que la partition se déroule, des trésors de combinaisons sonores… inféodant la démonstration virtuose à l’expression juste voire fulgurante. Aux côtés du rêve d’Elsa (Lohengrin), du chœur des Pèlerins (Tannhäuser), la Marche solennelle vers le Saint Graal impose une vision pianistique originale qui est acte de recréation : Liszt compositeur réagence les élements de la source wagnérienne, ose de nouveaux enchainements, distingue de nouveaux champs et contrechamps, édifie une spatialisation et un étagement qui bouleverse l’écoute primitive, avec toujours cette pédalisation (précisément notée) que JN Diatkine fait sienne, produisant les mélanges harmoniques, ce sfumato sonore singulier qui est la révélation du programme.
Le choix du piano renforce la pertinence artistique du programme et conforte l’interprète dans son dessein sonore : révéler le sfumato lisztéen, accomplissement pictural qui restitue le génie harmonique et musical de Liszt, à l’égal de Wagner. En particulier grâce au piano Schiedmayer de 1916 lequel permet simultanément de tenir les basses (en usant de la pédale), tout en ciselant à la main gauche, un staccato arachnéen (Ständchen) ou en réalisant des changements harmoniques ; sur le clavier ainsi préparé (par l’accordeur Laurent Bessières et le facteur Stephen Paulello, dernier facteur de pianos en France !), les lignes et les plans sonores restent distinctement audibles, non dilués, perceptibles conjointement dans le laboratoire souhaité, conçu par Liszt le révolutionnaire. En restituant la lisibilité des registres sonores, le clavier choisi dévoile cette quête du timbre voulu par Liszt dans une longueur de son qui emporte et saisit, pour l’auditeur comme pour l’interprète qui avoue être « emmené dans des mondes qui m’étaient jusqu’alors inconnus ». La preuve là encore que l’intelligence d’un pianiste poète accordé à son instrument au service d’une écriture géniale peut produire un miracle. Cet album en est la concrétisation.
CRITIQUE CONCERT
CRITIQUE, concert. PARIS, Gaveau, le 2 juin 2022. Récital de Jean-Nicolas Diatkine, piano : Liszt, transcriptions des lieder de Schubert / extraits d’opéras de Wagner.
On reste saisi par l’intelligence musicale de l’interprète ; sa figure modeste et humble mais son clavier surpuissant et capable de nuances les plus orfévrées. En abordant les transcriptions de Liszt d’après Schubert, Jean-Nicolas Diatkine expose ses talents de conteur enivré, voire halluciné (Gretchen am Spinnrade d’après Goethe dont il exprime jusqu’à l’infini mélancolique, et les aspirations d’une jeune âme envoûtée) ; pour chaque lied sublimé par la traduction pianistique qu’en délivre Liszt, l’écoute se délecte de cadences de rêve mais l’onirisme des phrases n’écarte jamais ce mordant expressif qui fait jaillir sous les doigts, la vitalité du texte initial, les accents des poèmes mis en musique par Schubert. Le pianiste a à cœur de révéler la vitalité intrinsèque et la vocalité parfois âpre de chaque poème : l’élan schumannien de « Rastlose Liebe » (lui aussi d’après Goethe) ; l’extase suspendue de l’Ave Maria, son temps étiré, flottant ; surtout le dramatisme à la fois noir et angélique de Roi des Aulnes (Erlkönig, d’après Goethe). La sincérité dépouillée et toujours chantante des lieder extraits du Chant du cygne (liebesbotschaft, surtout Ständchen…) révèle aussi une écoute particulière centrée sur le clavier dont l’imagination fabuleuse du pianiste fait jaillir des pépites sonores, des phrasés d’une profondeur bouleversante ; le toucher diseur semble recréer chaque mesure dans une intériorité régénérée.
La volubilité technique et l’art de faire chanter le clavier s’accordent en détachant pourtant toutes les voix simultanées… habile gestion de la pédale… gageure ici car l’instrument (Steinway) n’a pas la technicité ni la beauté des graves du piano Schiedmayer de Stuttgart, spécialement préparé, choisi pour l’enregistrement de ce programme exceptionnel. La capture en studio fait valoir les performances spectaculaires du clavier : ses notes graves remarquables, et médianes jamais lourdes ; ses aigus perlés qui s’envolent et dessinent les arabesques et volutes à l’infini.. Le chant principal redessine l’activité des contre chants : brio et fantaisie pilotent l’essor d’une vocalità pianistique accomplie dont la clé est la mesure, le refus du pathos et d’une théâtralité bruyante, de toute bravoura spectaculaire. Rien n’est joué si n’est audible le sens de son énoncé. La vision poétique est d’autant plus aboutie qu’elle canalise le geste et privilégie l’éclat de la nuance.
Sur son Steinway cependant, le pianiste détache chaque plan sonore afin de ciseler le verbe musical dont il se joue des contrastes, des heurts rythmiques, des nappes harmoniques. Son talent est pictural.
A l’écoute des lieder pourtant sans paroles, le texte et les intentions dramatiques, les abysses psychologiques s’articulent, libèrent la richesse poétique du texte ; les nuances, la profondeur, les scintillements allusives, les paysages schubertiens vaporeux et terrifiants, dramatiques et mystérieux prennent vie (Der Doppelgänger d’après Heine / ultime lied extrait du Chant du cygne dont Jean-Nicolas Diatkine caresse le caractère de gravitas, énoncé comme un long questionnement).
Le piano diseur et poétique
de Jean-Nicolas Diatkine
Certes, le piano de Gaveau n’a pas le spectre expressif ni la spatialité dessiné par l’excellent Schiedmayer ; mais ici, les arrières plans finement dessinés, palpitent, éclaircissant de nouveaux rapport dans l’éloquence d’un discours libéré et comme décuplé, démultiplié, par un geste d’une finesse saisissante, par une imagination ciselée et maîtrisée;
La texture poétique, expressive et si personnelle affirme un tempérament qui pense et re sculpte la musique avec une grâce enthousiasmante. La modestie et la discrétion sont piliers d’une sensibilité musicale littéralement envoûtante.
Puis Liszt s’affirme dans l’immensité de son génie narrateur. La partition au centre du programme dévoile chez l’interprète d’autres somptueuses qualités. Dans la Ballade n°2, poème pianistique aux largesses symphoniques, l’architecture chaotique et terrifiante alterne mouvements souterrains et aspirations éthérées célestes, contrastes saisissants qui cependant développent toute une narration dramatique sur le thème de Léandre et Héro, amants éprouvés, sacrifiés, broyés par la machine océane selon la légende d’Ovide ; ce qui est remarquable c’est la sublimation qu’apporte Liszt, explicité par le jeu de l’interprète ; son regard infiniment tendre pour ses héros et ce don dont il les bénit en exprimant la grâce de leur amour… son piano dit et les gouffres sans fond et le pouvoir immense de l’amour, lequel sublime l’élan des amants dont le pianiste exprime toutes les facettes du sentiment amoureux et tragique.
On invite l’auditeur à revivre cette alchimie poétique en se reportant au cd du programme que les extraits d’opéras de Wagner (Tristan und Isolde, Lohengrin, Parsifal,…) complètent miraculeusement : nouvel album de Jean-Nicolas Diatkine paru en juin chez Solo Musica – CLIC de CLASSIQUENEWS été 2022.
Jean-Nicolas Diatkine est un immense interprète ; son piano murmure et transporte ; sa sensibilité éblouit par sa justesse et sa sincérité. Magistral.
__________________________________
CRITIQUE, concert. PARIS, Gaveau, le 2 juin 2022. Récital de Jean-Nicolas Diatkine, piano : Liszt, transcriptions des lieder de Schubert / extraits d’opéras de Wagner.
______________________________