mercredi 23 avril 2025

CD, livre, compte rendu critique Portrait de Marie Jaëll (1846-1925)

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JAELL Marie cd palazzetto bru zane critique review compte rendu livre cd1449483308_ES1022CD, livre, compte rendu critique Portrait de Marie Jaëll (1846-1925). Voici en janvier 2016, 3 cd pour ressusciter la pianiste lisztéenne et compositrice alsacienne Marie Jaëll (1846-1925). Après deux précédents Livres cd biographiques dédiés à Gouvy et Dubois, voici une nouvelle monographie consacrée à une femme exceptionnelle, la pianiste Marie Jaëll : La légende des ours, le Concertos pour violoncelle, les deux Concertos pour piano n°1 et n°2 (1871, 1884), plusieurs pièces complémentaires pour piano seul, son instrument emblématique … sont ici recréés avec l’enthousiasme et l’engagement des réévaluations prometteuses. L’accès du fonds de Strasbourg a permis enfin de révéler la stature de la compositrice aux côtés de la pédagogue (mieux connue) qui reste appréciée et d’une modernité visionnaire. Certes on peut être séduit par l’ampleur symphonique de ses pièces d’envergure tels La légende des ours pour soliste et grand orchestre (la direction d’Hervé Niquet n’évite pas une déclamation parfois superfétatoire ; et la soliste demeure inintelligible…, sa caractérisation dramatique uniforme et lisse, dommage), ou les deux Concertos pour pianos, immédiatement à classer dans le prolongement de l’ardeur et la fièvre mystiques d’un Liszt plutôt inspiré et fidèle à lui-même. Ons era nettement moins convaincus par le Concerto pour violoncelle qui lui aussi manque singulièrement de caractère comme de plan dramatique : il n’est guère que la dernière séquence du mouvement lent qui atteigne une subtilité de ton plus mordante. Certains enregistrement sont les bandes fixées lors du Piano Lille Festival 2012 (les deux Concertos pour piano, de loin les mieux défendus du disque grâce à deux interprètes pleinement investis : Romain Descharmes pour le n°1 et David Violli pour le 2).

La théoricienne et la pédagogue expriment mieux que la créatrice et la pianiste la force d’un tempérament féminin exceptionnellement original à son époque

Marie Jaëll était-elle vraiment bonne compositrice ?

Composés dans les décennies 1870 / 1880, les deux Concertos pour piano affirment de facto la pertinence d’une écriture réfléchie, mûre, puissante, (la presse et les critiques de l’époque soulignèrent jusqu’à en user le terme, sa carrure « virile »). La seule réserve que l’on peut émettre ici serait le culte entretenu d’un romantisme tardif et éclectique, proche de Liszt et donc de Wagner, qui ne s’est jamais vraiment ouvert aux modernisés du début du XXè dans le sillon des modernes, Debussy et Ravel. Jaëll se concentre plutôt sur Franck et Saint-Saëns, aux côtés de Liszt.
« Expression », « vélocité », le piano de Marie Jaëll comme l’écriture de la compositrice manque parfois de profondeur comme de sobriété. On voudrait bien rapprocher ses deux cycles « Les jours pluvieux » et « Les Beaux jours » des … Kinderszenen de Schumann… force est de constater que malgré l’effort demandé (la fine sensibilité de la pianiste Diana Ciocarli pour Les Beaux Jours, entre autres), et les qualités de la compositrice, la versatilité vertigineuse, le double et le trouble, l’ambivalence maladive, dépressive, exaltée si schumaniennes sont totalement absents chez la Française (qui paraît quand même trop doucereuses et parfois démonstrative voire répétitive). Le modèle Lisztéen, approché directement et écouté à Rome en 1868, source de sa vocation intime (une confirmation musicale comme l’expérience de Liszt à l’écoute de la Symphonie Fantastique de Berlioz), demeure omniprésent mais guère dépassé ou régénéré.

 

 

La Clara Schumann française ?

 

JAELL piano Marie_Jaell-Jeune_femmeLa vérité et le tempérament de Marie Jaëll pourraient peut-être plutôt être recherchés du côté de ses écrits, aux interrogations multiples, souvent pertinentes, du côté de l’activité pédagogique de la pianiste effectivement prodigieuse (une Clara Schumann française ?) : le profil de la pédagogue se précise avec une étonnante originalité dans une succession d’écrits et de recueils d’une audace absolue : La musique et la Psychophysiologie (1896), Les Rythmes du regard et la dissociation des doigts (1901), La Résonannce du toucher et la topographie des pulpes (1912). Morte en 1925, Marie Jaëll incarne une force individuelle pourtant admirable dans une société phallocratique voire misogyne, en particulier à l’encontre des femmes compositeures et créatrices. Elle aura traversé l’idéal nationaliste de la Troisième République, connu le symbolisme et le debussysme (en gardant ses distances), cultive ce celtisme gaulois (son poème symphonique Ossiane de 1879, absent du livre cd en témoigne particulièrement). Les amateurs d’un romantisme post lisztéen applaudiront. Les autres plus réservés sur la question des résurrections légitimes ou anecdotiques, écouteront toutes ses oeuvres révélées par le disque comme des curiosités, confirmant ce qu’ils pensaient déjà. Reste les programmateurs : où pouvons-nous entendre du Jaëll aujourd’hui? Force est de constater que depuis le festival de Lille 2012, bien peu de directeurs de salles ont « osé » Jaëll depuis… Le coffret triple a le mérite de poser la question : Marie Jaëll était elle vraiment une bonne compositrice, dans le domaine symphonique (en dépit de l’absence d’Océane qui reste son oeuvre phare), dansel domaine pianistique…? A chacun de répondre selon sa sensibilité grâce à cette compilation opportune. Une réserve sans équivoque cependant : la laideur bien peu attractive de la couverture : où ont-ils trouvé une telle couleur ?!!! C’est bien peu célébrer le lyrisme coloré et raffiné de l’écriture d’une Marie Jaëll, inspirée par les champs lisztéens.

Livre cd, compte rendu critique. Portrait de Marie Jaëll (1846-1925). 3 cd Palazzetto Bru Zane PBZ. ISBN 978 84 608 3017-7. Collection « Portraits », Volume III.

LIRE aussi notre présentation des concerts Marie Jaell au festival Piano Lille Festival 2012

VOIR, approfondir le sujet en visionnant notre grand reportage vidéo dédié à la recréation des Concertos pour piano de Marie Jaëll au Lille Piano Festival 2012, grand sujet vidéo de 22 mn © studio CLASSIQUENEWS 2012 (réalisation : Philippe-Alexandre Pham)

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