jeudi 24 avril 2025

CD: Piano et musique de chambre. Derniers arrivages de décembre 2007 Daniel Barenboim et Jonathan Bis, Trio Chausson et Kim Kashkashian, Zhu Xiao Mei…

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CD: Livraisons de décembre 2007
Piano et musique de chambre

Fin d’année flamboyante pour les amateurs de piano et de musique de chambre. Pas moins de 6 nouveautés dont l’intérêt indique l’activité des projets et des personnalités. A venir en janvier, et de principe, tout autant prometteurs, deux disques que nous sommes impatients de recevoir et d’écouter. Avant une prochaine synthèse à venir d’ici fin décembre 2007, comptant de nouveaux joyaux, notre « bilan cd: piano et musique de chambre », inaugure une nouvelle présentation qui vous permet en temps réel de suivre la vitalité du marché musical…

1. Franz Liszt par Daniel Barenboim (Warner)

La maestro qui vient d’ouvrir la nouvelle saison de la Scala 2007/2008 avec un Tristan enflammé grâce surtout à l’Isolde de Waltraud Meier, a posé la baguette dans le lieu qui l’accueille comme chef principal invité. Daniel Barenboim joue seul au piano plusieurs pièces du Lizst italien, inspiré tour à tour par Pétrarque, Dante et aussi, un compositeur souvent joué sur la scène scaligène: Verdi. Le Bel canto de Liszt s’exprime sous des doigts bercés par la magie du chant (Miserere du Trouvère, paraphrases de Rigoletto…) et le jeu affirmé, véhément et contrasté, parfois âpre du pianiste dilue l’espace et le temps dans les Sonnets de Pétrarque et Après une lecture de Dante. Récital très inspiré qui dévoile la stature affirmée et engageante de l’interprète. Lire notre critique complète de Liszt par Daniel Barenboim (1 cd Warner)

2. Kim Kashkashian, alto. Transcriptions (Ecm)

Encore rare et méconnue en France, l’altiste d’origine arménienne Kim Kashkashian transpose ici avec grâce et intériorité, visiblement inspirée par plusieurs mélodies espagnoles et argentines, signées de Falla, Granados, Ginestra, Montsalvatge, Buchardo… La soliste tout aussi engagée sur la scène contemporaine a créé les partitions que lui a dédié Peter Eötvös par exemple. Le cantabile suggestif de l’alto convoque l’intimisme, le repli, le souvenir, le murmure souverain et opulent, en particulier chez Ginestra (deux Triste) et les canciones de Granados (La Maja Dolorosa) et de De Falla (Asturiana). L’archet semble ressusciter d’anciennes sensations éprouvées lorsque le propre père de l’artiste, baryton, lui chantait des chansons arméniennes et latines. Le style feutré, délicat et d’une lumière affective s’entend à rétablir dans le frottement de la corde, cette vibration enfouie du chant. Le programme est rare, habilement conçu, il profite évidemment de la complicité entre les deux interprètes (au piano, Robert Levin).

3. Jonathan Biss, piano. Beethoven: Sonates Pathétique, Pastorale (Emi classics)

Disciple remarqué de Daniel Barenboim (Emi a édité en dvd dans sa collection des masterclasses du pianiste argentin et de ses élèves, la séance avec son élève), Jonathan Biss dévoile une compréhension naturelle du dramatisme beethovénien, diversement exprimé dans ses Sonates. La Pathétique, d’une énergie première, franche et immédiate, décoche ses accents impérieux dès le premier mouvement, suscitant ses commentaires en réaction , dans les mouvements suivants. Degré supérieur encore avec La Pastorale, que Beethoven n’appela jamais ainsi: le caractère intime prime ici, inervant tout au long des mouvements, cet éclairage infime et personnel qui fait passer l’auditeur en autant de passages émotionnels d’une « conversation privée », comme le précise le jeune pianiste de 26 ans. A l’écoute des inflexions privées de la musique, Bis souligne la douleur qui porte l’opus 90, sa tension continue, entre « colère et résignation », conférant à l’apaisement du dernier mouvement, une couleur schubertienne. Et la beauté de son toucher prometteur se déploie plus encore dans l’opus 109, qui laisse s’épanouir en variations alternées, une écriture qui touche par sa pureté originelle. En plus de les jouer, l’interprète a longuement médité le sens des oeuvres. La notice développe ses idées que le jeu, encore timide parfois, atténue quelque peu. Mais avec le temps, la pensée du pianiste le mènera encore plus loin sur les terres beethovéniennes. Album confidence, donc particulièrement attachant.

4. Zhu Xiao-Mei, piano. Bach: Variations Goldberg (Mirare)
Enfant virtuose, la petite chinoise semble promise à une carrière phénoménale. Bien avant Lang Lang et ses prises de risques parfois acrobatiques et flamboyantes, Zhu Xiao-Mei cultive l’intimité évocatoire, le fil ténu des correspondances secrètes. A mille lieux du jeune pianiste, champion célébré de l’écurie Deutsche Grammophon, la jeune femme s’est faite chantre et poétesse des climats indicibles, passeuses comme il en existe que rarement. L’expérience traumatisante des camps de rééducation de l’époque Mao a cassé net sa pratique de l’instrument. Un livre poignant édité chez Robert Laffont raconte ce voyage en enfer… dont l’artiste s’est relevée, grâce au pouvoir de la divine musique, saint baume, rétablissant l’humanité au coeur de la barbarie. Mirare réédite ici un enregistrement déjà paru il y a 17 ans, mais une perle musicale faite d’enchantements et de visions personnelles dont la réserve et la discrétion placent l’égo derrière la partition, tout en imposant une science du rubato phénoménale. Ses Variations Goldberg illuminent par une clarté confidentielle qui se révèle tout au long du cycle, avec infiniment de délicatesse et de lisibilité. Voici l’une des rares interprétations où l’auditeur est saisi par l’enchaînement des épisodes, sans déduire la voie et le chemin qu’emprunte la pianiste en cours d’interprétation. Cette éthique du jeu, sobre et fluide, alerte et essentiel, qui sait tout autant cultiver le naturel et la surprise, cible directement l’âme de la partition.

5. Trio Chausson: Trios de Ravel et Chausson (Mirare)

L’entente à l’oeuvre entre chaque soliste (en particulier le piano murmuré de Boris de la Rochelambert) permet de voyager de la forme cyclique de Chausson dans son Trio de 1881, l’un des joyaux de la musique française, point d’admiration et même de vénération par de nombreux parnassiens dont Marcel Proust, qui déposa le souvenir transfigué de l’oeuvre dans l’évocation de sa fameuse Sonate de Vinteuil, jusqu’aux formes ouvertes et interrogatives du Trio de Ravel écrit juste avant la première guerre (1914): la fluctuation presque capricieuse des climats et caractères qu’alternent Ravel est un défi pour les interprètes qui doivent trouver au tréfond de leur expérience intime, l’intensité et le souffle requis. Devant atteindre cette ligne médiane entre ardeur et mémoire. Ce premier disque révèle le jeu tour à tour ciselé, enfièvré sans appui, habité et musical du Trio Chausson, formation française, qui a remporté en 2005, le concours de Weimar. Première carte de visite, affichant d’indiscutables promesses donc de prochains vaillants succès. L’ensemble se produit à la Folle Journée 2008 (Quintette « La Truite »).

A venir en janvier 2008

6. Rafal Blechacz, piano. Chopin: Préludes (Deutsche Grammophon)

La marque jaune, aux côtés de Lang Lang à présent « sur orbite » annonce pour le début du mois de janvier 2008; le premier récital solo du dernier vainqueur du Concours Chopin de Varsovie 2007, le polonais Rafal Blechacz. Le jeune interprète nouvellement adoubé par DG, est le successeur ainsi du prestigieux Krystian Zimmerman, premier pianiste polonais à remporter la médaille varsovienne. Le jeune pianiste a choisi pour son premier disque de jouer les 24 préludes de Chopin (dont le dernier « traducteur » chez DG fut Ivo Pogorelich) dont certains (n°7 à 12) lui ont permi de remporter le premier tour du Concours Chopin 2006. De la flamme, un jeu embrasé et sensible, une énergie versatile qui lui permet de varier l’approche des microclimats et l’art de la miniature… imposent aujourd’hui un interprète non seulement doué mais profond, qualité compatible avec ses jeunes années (22 ans). Disque attendu, chronique à venir dans le mag cd de classiquenews.com

7. Philippe Cassard, piano. Schubert: Impromptus (Accord)
On sait combien Philippe Cassard médite, réfléchit, mesure l’enjeu de chaque nouvel album. Après un disque Schumann (2004, Ambroisie) particulièrement marquant, le pianiste qui est aussi producteur sur France Musique, de l’excellent magazine hébdomadaire (« Notes du traducteur ») dont les explications sur les coulisses des oeuvres, apportent souvent des révélations lumineuses pour l’auditeur, publie en janvier 2008, un récital Franz Schubert, dédié aux Impromptus. L’écoute et l’analyse de l’artiste devraient s’avérer particulièrement révélatrices des mondes et des chants croisés dans l’oeuvre schubertienne: confessions et réitérations, suggestions et recréations sonores… ce nouvel album s’annonce d’ores et déjà captivant. Précisons que Philippe Cassard fait paraître au printemps 2008, une biographie sur Schubert chez Actes-Sud, et qu’avant, il participe à la Folle Journée 2008 dont le thème générique met en avant l’auteur de La Truite. Philippe Cassard accompagne Donna Brown, soprano, dans plusieurs lieder (le 1er février 2008 à 21h30), entre autres…

Dossier réalisé par la rédaction piano de classiquenews.com: Ernst van Beck, Lucas Irom, Adrien De Vries, Stéphanie Bataille, Anthony Goret et David Tonnelier.

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