mardi 22 avril 2025

CD. Réminiscences : Wagner, Liszt, Strauss (Schatzman, Engeli, 2013)

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reminiscence-claves-lisa-schatzman-violon-wagner,-liszt-straussCD. Réminiscences : Wagner, Liszt, Strauss (Schatzman, Engeli, 2013). Saluons le choix très subtil de ce programme tout en finesse et intériorité complice : de Wagner, deux transcriptions (sur les cinq) enchantent littéralement prouvant dans une instrumentation différente à l’original, ici pour violon et piano, la filiation évidente entre Wagner rendu intime, avec Brahms (en écoute aveugle, la plage 5, extraite des Maîtres Chanteurs, prière et ravissement, annonce toute la morsure amoureuse, l’élégance dépressive de Johann…). Le jeu du pianiste manque parfois de nuance et de naturel, plaquant les accords sans guère de langueur empoisonnée qui fait cependant toute la valeur de l’exceptionnelle « Ankunft bei den Schwarzen Schwänen »: où s’écoulent l’ivresse maudite, l’âpreté du poison tristanesque entre amertume et profond désespoir, mais aussi sentiment de révélation et de sombre mystère à l’image des cygnes noirs évoqué dans ce songe wagnérien d’une infinie et absolue langueur mystique. Pour nous, il n’est pas d’oeuvre de Wagner à la fois plus méconnue ni fascinante.
L’entêtant balancement des Liszt (Première élégie) surprend par sa proximité avec… Wagner, mais sur un ton plus exalté et extérieur que son gendre. La parenté climatique d’une pièce à l’autre est évidente et scelle la cohérence de ce programme envoûtant. Am Grabe Richard Wagner (S.135) confirme la couleur introspective et le jeu des hommages entre musiciens.

le violon enchanté de Lisa Schatzman

Les qualités musicales des deux interprètes ne sont pas à discuter : l’examen critique recherche plutôt les fruits de leur entente. Fusionnels dans Romance oubliée de Liszt, inquiétant et rugueux, le drame qui se joue sur la tombe de Wagner laisse un parfum d’étrangeté allusive d’une étonnante maturité, d’une éloquente profondeur. C’est dire aussi la modernité du dernier Liszt surtout lorsqu’il rend hommage à Wagner.
Les deux pièces de Strauss, originellement lieder permettent dans ces tableaux au romantisme vénéneux, embrumé par la langueur et l’ivresse wagnérienne, de détendre la tension d’un programme qui exige concentration et tension.

schatzman-lisa-violon-lyonnaiseDans la Sonate violon et piano (1888), les instruments reprennent leur parties authentiques dans une page inspirée, conçue par un Strauss qui semble faire la synthèse de Schumann, Brahms et Wagner. Ayant déjà à son actif Aus Italien, le jeune Kapellmeister à Munich est sur le point d’achever son poème Macbeth. La Sonate relève de cet héroïsme échevelé ; saluons l’amplitude suspendue des phrases très lyriques que la violoniste française exprime avec une finesse d’élocution idéale, parfois encore « gâchée » par le jeu moins calibré de son partenaire au clavier. L’andante cantabile noté « improvisation » exprime une suprême élégance moins artificielle qu’on l’écrit : sa profondeur se concentre en surface qui n’empêche pas un épisode central plus espressivo furioso très dramatique auquel succède l’enchantement enivré du dernier épisode ; là encore quel dommage que le piano ne se hisse pas au niveau de la violoniste.
Jamais en perte d’inspiration, Strauss se montre tout autant généreux dans le troisième et ultime mouvement : d’une ivresse souvent irrésistible où le violon brille par ses débordements rhapsodiques proche de la forme concerto. Rien ne semble faire reculer la violoniste trentenaire qui séduit immédiatement par sa franchise et son élégance. La lyonnaise aujourd’hui premier violon solo du Symphonique de Lucerne et qui fut la plus jeune élève à 6 ans de Tibor Varga, affirme une sensibilité rare, sertie comme un gemme précieux. Magnifique récital. Si le pianiste avait mieux soigné sa finesse agogique, le disque aurait assurément été un choc de première importance. Mais nous livrer les joyaux encore méconnus de la Sonate de Strauss l’année de ses 150 ans, reste bénéfique et opportun.

Réminiscences. Œuvres de Wagner, Liszt, Richard Strauss (Sonate pour violon et piano opus 18, 1888). Lisa Schatzman, violon. Benjamin Engeli, piano. Enregistrement réalisé en mars 2013. 1 cd Claves
 

wagner grand format

Wagner, ici transposé conserve sain envoûtante langueur suspendue ; il n’est pas d’oeuvre du génie de Bayreuth, à la fois plus méconnue ni fascinante : « Ankunft bei den Schwarzen Schwänen »…

 

 

 

 

 

 

Lisa Schatzman, violon (© Jürg Isler)

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