Charles Mellin
(1698-1649)
La Paix et les Arts, 1627
Réalisée puis livrée en septembre 1627, la toile aujourd’hui conservée à Rome dans le palais de la famille commanditaire, le Palazzo Barberini à Rome, dévoile la maturité du peintre français, originaire de Lorraine, au moment où son maître Simon Vouet, quitte la ville éternelle. C’est donc outre la complexité du thème allégorique, la manifestation d’une maturité nouvellement acquise par l’un des peintres de la colonie française de Rome, les plus doués de sa génération.
Miracle pictural d’un jeune trentenaire
L’oeuvre propre au milieu romain des années 1630, manifeste la gloire politique du clan Barberini, lequel donne au Vatican, un pape: Urbain VIII, pontife fastueux et guerrier qui fit fondre les bronzes restants du Panthéon pour couler la matière du baldaquin de Saint-Pierre et celle de nouveaux canons pour le Vatican! Urbain renforça aussi la défense du Château-Saint-Ange, demeure fortifiée des papes… Le politique armé revêt cependant en protecteur des arts, un tout autre visage, celui de la magnanimité et de la grandeur, propice à l’harmonie et à la perfection culturelle. Mécène du Bernin et de nombreux autres génies du plein baroque, Urbain VIII se révéla d’une intuition artistique visionnaire. Pour preuve ce premier grand chef-d’oeuvre du jeune peintre Charles Mellin, qui tout en rendant hommage à son maître Simon Vouet, à son sens souple et dynamique des formes comme à leur traitement opulent et suave, est capable d’un tempérament original, tel ce frémissement palpitant des étoffes et des matières et ce réalisme plus accru que chez son maître Vouet.
Musique concordante du théorbe
Ici, la muse de la peinture peint une allégorie de l’éternité (une femme tenant deux boules en or dans ses deux mains selon l’iconographie de Cesare Ripa). Au-dessus d’elle, la Paix armée et casquée comme Athéna, incarne la toute puissance du Pape qui permet ce miracle. A l’unisson de l’activité de la peinture, trois autres « grâces » personnifient chacune la noble tranquillité offerte par le prince magnanime. Face à la peintresse, deux femmes couronnées de lauriers, l’Intelligence et l’Intellect, inspirent la création picturale. Elles sont à la fois l’aliment de l’idéal du peintre et aussi les gardiennes de la pratique de son art, qui exige concentration, précision, réflexion, élévation… Mais ce jardin hautement moral, où règnent l’équilibre et la sérénité créative ne pourrait se maintenir sans l’accord conclusif de la musique, laquelle est incarnée au centre de la toile, par une joueuse de théorbe. L’ample instrument semble résonner: il imprime à la composition générale son dynamisme et sa tension rythmique. C’est l’une des rares représentations musicales dans l’oeuvre de Charles Mellin, rival et contemporain de Nicolas Poussin à Rome, et l’une des citations d’un théorbe d’une parfaite poésie. Le tableau est conservé aujourd’hui à la Galleria Nazionale d’Arte Antica di Roma, Palazzo Barberini. Dimensions: 3,50m (hauteur) x 2,54m (largeur).
L’oeuvre de Charles Mellin, dessins et peintures, est l’objet d’une passionnante exposition à Nancy puis à Caen, au Musée des Beaux-Arts, jusqu’au 31 décembre 2007: « Charles Mellin, un Lorrain entre Rome et Naples » (Philippe Malgouyres, commissaire). C’est l’un des événements culturels de la rentrée, au chapitre des expositions remarquables de notre agenda 2007.
Crédits photographiques
© David Tonnelier 2007 pour classiquenews.com