mardi 22 avril 2025

Cherubini:Médée (1797)France Musique, samedi 29 décembre 2012,19h

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Cherubini: Médée, 1797
France Musique, le 29 décembre 2012,19h

Cherubini, florentin comme Lully ayant trouvé la gloire en France, a 37 ans lorsqu’il compose et livre Médée. Quant il meurt en 1842, son décès donne lieu à des funérailles nationales.
Il a donc marqué le paysage musical hexagonal, accompagnant les dernières évolutions néoclassiques vers le romantisme naissant… , n’en déplaise à Berlioz, son cadet remonté, surtout jaloux de ce que son aîné même vénérable ait obtenu la reconnaissance qu’on lui refusait.

Déjà porté à la scène lyrique par Charpentier (et non par Lully trop occupé à offrir des héros viriles exemplaires à son mécène Louis XIV, d’où la généalogie des Atys, Persée, Roland, Amadis, Hercule à travers Alceste…), le mythe de Médée présente pour les créateurs une figure sombre, contrastée, impuissante et humaine, d’une noirceur tragique et d’une force haineuse criminelle et barbare, prétexte à la sublimation tant recherchée sur le plan poétique, des passions de l’âme.

Médée, 1797

Après Lodoïska, créé avec succès au Feydeau, Cherubini reprend la forme de l’opéra comique (airs alternant avec dialogues parlés), où l’articulation, la prosodie, la déclamation tragique porte toute la tension de l’action. Cherubini arrive à Paris après la révolution de l’opéra opérée par Gluck: s’affirme alors la notion d’un drame haletant où toutes les disciplines associées (chant, musique, danse, dialogues) concourrent à l’articulation et l’embrasement de l’action… De nombreux compositeurs nationaux ou francophones comme Vogel (La Toison d’or où une Médée vorace et furieuse s’exprime en liberté et vertiges inédits, 1786) ou Gossec (Thésée de 1782) préparent le terrain à Cherubini.
De tous, c’est la violence et le déchaînement de haine impuissante de Vogel, ou de Gossec qui préludent le mieux près de 10 ans avant celle de Cherubini, à l’illustration la plus sublime de la figure antique sur la scène tragique.
La vision est aujourd’hui rétablie hasard heureux du calendrier des programmations lyriques depuis cette année 2012. Depuis l’été, de Nuremberg à Metz et Versailles, le CMBV et le Palazetto Bru Zane ont su de concert ressusciter chaque opéra oublié comme pour chacun, les actes d’un drame sur le thème tragique de Médée.
Le néoclassicisme tragique porteur d’une réforme inouïe et propice à l’essor d’une nouvelle école de chant apporte grâce au goût de Marie-Antoinette une évolution spectaculaire des arts… qui fait de Paris et Versailles à la veille de la Révolution et au cours des années 1780, un creuset exceptionnellement actif des arts de la scène.

La Médée de Cherubini profite de cette passionnante évolution ainsi restituée aujourd’hui.
Déjà, conscient d’une nouvelle unité et cohérence dramatique de l’opéra, Cherubini écrit en symphoniste, accordant au flux de l’orchestre des harmonies qui structurent chaque avancée ou catastrophe du drame.
C’était déjà le cas de Thésée de Gossec dont les inovations dans la succession des parties, la création d’une ouverture en situation, le jeu des chants solistes associés au choeur se révèlent très modernes.
Dans l’architecture de plus en plus prenante d’un drame reconstruit, équilibré, redéfini peut ainsi s’épanouir la figure de l’héroïne tragique par excellence: ses exhortations et prières sont aussi intenses que vaines. Voilà une impuissance que la musique sublime jusqu’au tragique le plus terrifiant. Pour se venger d’un Jason déloyal et oublieux, Médée déchirée assassine ses propres enfants qu’elle a eu de son trop lâche amant… Même échec sentimental auprès de Thésée… La furie invective mais accumule les déceptions amères.
Le XIXè romantique tout en sachant mesurer la force d’un tel mythe (Beethoven et Wagner loueront en particulier la maestrià de Cherubini) préférera célébrer des héroïnes moins castratrices, a contrario toutes aussi impuissantes et démunies, mais désormais sacrifiées, passives, dignes et désormais détruites (Norma, Didon, Traviata, et plus loin Elsa, Elisabeth, Brunnhilde, voire d’une certaine manière Tosca…). Cherubini participe à cette formidable histoire, celle des multiples visages de l’héroïne tragique sur la scène lyrique, du néoclassicisme des années 1780 au romantisme flamboyant des années 1800.

DVD Médée de Cherubini par Les Talens Lyriques

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