mercredi 23 avril 2025

Chorégies d’Orange Du 7 juillet au 3 août 2007

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Chorégies d’Orange
(84),
Du 7 juillet au 3 août 2007

Opéras les 7 et 10 juillet, 28 et 31 juillet 2007. Concerts les 9 juillet et 3 août.

Et le toit, demandait-on ?

Le toit en auvent si haut perché au dessus de la scène… Eh bien, il a « tenu », non seulement pour protéger des intempéries – sa fonction principale -, mais en tant qu’élément acoustique. Cette acoustique est un haut point de civilisation hérité des chefs-d’œuvre de la théâtralisation antique – et Orange un emblème quasi-légendaire -, tant pis pour l’esthétique du Mur,et comment pouvait-on faire autrement pour protéger l’ensemble des intempéries toujours violentes du climat méditerranéen ? Donc Orange encore et toujours, son Mur-décor-sculpture à faire habiter sonorement et visuellement, sa splendeur et aussi ses contraintes d’horizontalité, de verticalité et de profondeur. Les saisons de Chorégies passent, leur schéma semble s’inscrire dans l’immuable de la pierre : deux représentations lyriques données chacune deux fois, et deux concerts symphoniques-lyriques. 2007 ne voit pas de révolution poindre à l’horizon, et pas davantage dans la programmation où les valeurs incontournables sont prioritairement du XIX ème.

Hyper-romantisme et couleur nocturne

Côté Verdi 2007, nous voilà dans Le Trouvère, écrit en 1853, et qui passe pour le primo assoluto des opéras à chanteurs, là où la voix humaine en toutes ses virtuosités s’inscrit dans la nécessité dramaturgique souveraine. Mais c’est aussi, selon F.R.Tranchefort, « l’apparition d’une coloration générale de l’œuvre (en dépit d’épisodes contrastants), et ici une couleur nocturne, où domine la mélancolie, une tristesse diffuse ». Et voilà qui est probablement plus important que le romantisme échevelé d’un livret qui dans l’Espagne du XVe accumule tous les principes voire poncifs, du mélodrame, avec « la plus énorme collection de situations terrifiantes, d’images fortes, de la prison au bûcher, des camps de tziganes aux chapelles de couvent : l’époque en est pleine, et ces glorieux oripeaux habillent aussi bien des chefs-d’œuvre que de grotesques vaudevilles. » Comment donner du grandiose mais aussi une forme de vraisemblance à cet incroyable mélange de fantastique historique, de folklore et d’art populaire : Charles Roubaud, un habitué d’Orange où il a déjà mis en scène 6 fois, dont 4 dans Verdi, et qui depuis cinq ans est associé aux travaux de Gergiev, semble l’homme « classique » pour une situation hyper-romantique. Le chef milanais Gianandrea Noseda, qui conduira l’Orchestre National de France, est « principal » de la Philharmonie BBC de Manchester, invité à la RAI depuis 2003, directeur musical du Regio de Turin, et il a conduit l’orchestre pour le premier album de la brillante autrichienne, d’origine russe Ana Netrebko : là encore un classico-romantique pour une distribution vocale où brillent l’enfant chéri des Orangeais, Roberto Alagna (Manrico), Susan Neves (Leonora), Larissa Diadkova, qui vient de Saint-Pétersbourg et du côté de chez V.Gergiev (Azucena), et Marie-Paule Dotti (Ines). L’indispensable Janine Reiss veille aux études musicales – Trovatore, comme Butterfly -, qu’elle colore de son expérience d’Abbado à Boulez, Ozawa ou Solti, et de sa glorieuse participation au Don Giovanni de Losey ou à la Carmen de Rosi…

Une ou trois péniches à l’Opéra

Quant à Madame Butterfly, elle est chez Puccini l’un des lieux même de l’interrogation sur la modernité du sujet : entre Cio-Cio-San et son officier américain Pinkerton qui l’abandonne en toute tranquillité, c’est aussi « le heurt de deux cultures, l’incompatibilité entre l’Orient et l’Occident, la supériorité de la race blanche » qui se manifestent par une dramaturgie de la violence. Et dans le cas de l’Extrême-Orient, quelque part entre l’ouverture sur l’Occident décidée par le Japon à l’ère du Meiji(1868), le roman du Français Pierre Loti, Madame Chrysanthème (1887) , et l’opéra Italien de Puccini (1901), les corrélations ne manquent pas et donnent un arrière-plan idéologique saisissant…si toutefois on veut bien ne pas renoncer à le saisir. Quelque chose nous suggère que dans la version orangienne de 2007, on pourrait aller au-delà des tranquilles certitudes émotives de cette Butterfly : la personnalité de la metteuse en scène, Mireille Larroche. Comme l’écrit plaisamment le patron d’Orange, Raymond Duffaut, la scène du théâtre « pourrait contenir trois péniches » (et d’ailleurs, à l’horizontale, à la verticale ?)… Ces trois vaisseaux sont ceux de Mireille Larroche, inventrice en 1982 d’un des concepts-et-lieux de spectacle les plus durablement novateurs de notre époque, la Péniche-Opéra, adaptée au théâtre musical et à bien des expériences pour la musique d’aujourd’hui ou d’hier. Cette ancienne assistante d’Ariane Mouchkine, formée à la philosophie et à la littérature, a beaucoup travaillé dans la création des compositeurs actuels (Dusapin, Prey, Aperghis, Finzi, Campo…) mais aussi pour les baroqueux, notamment les Arts Flo de William Christie. Elle enseigne l’art lyrique au CNSM de Paris. Et il serait étonnant que sa vision des aventures tragiques de Cio Cio San fût de l’ordre traditionnel, en tout cas s’interdise l’imaginaire audacieux. D’autant que ce sera la 1ère de Butterfly sous le Mur…Cela devrait aussi coïncider musicalement avec une implication forte du chef, le Japonais Yutaka Sado, qui a travaillé avec Bernstein et Ozawa, dirige musicalement à Kobe depuis deux ans, et a contribué au retour en forme de l’Orchestre Lamoureux, à Paris. La chanteuse chilienne Veronica Villaroel (Butterfly) , qui était allée étudier à la Julliard School avant de faire ses débuts en Europe au début des années 90, est une spécialiste reconnue de Verdi, Puccini, Boito et Mozart. Elle sera entourée de Marco Berti (Pinkerton) qui est un habitué de Vérone mais aussi du Metropolitan (avec Placido Domingo qui l’a dirigé).
C’est Yukata Sado qu’on retrouve à la baguette du 1er concert, symphonique et soliste-pianistique : Leonard Bernstein y est à l’honneur (ouverture de Candide, danses symphoniques de West Side Story), de même que Gershwin (Un Américain à Paris), et surtout Tchaikovski, dont l’emblématique 1er concerto sera joué par Nikolaï Lugansky, déjà venu à Orange en …
Quant au concert lyrique, où l’Orchestre sera le Philharmonique de Radio-France, dirigé par Kazushi Ono – un Wagnérien qui aime la musique contemporaine -, il permettra d’entendre la rayonnante soprano américaine Renée Fleming évidemment dans des airs de Verdi, de Rossini et de Puccini (le légendaire « Vissi d’arte »), mais aussi du côté de chez les Français fin de siècle, Gounod et Massenet. Un programme qui fut le sujet de son dernier disque chez Decca: « Homage, The Age of the diva« 

Giacomo Puccini (1858-1924), Madame Butterfly, samedi 7 et mardi 10 juillet, 21h30 . Giuseppe Verdi (1813-1901), Il Trovatore, samedi 28 et mardi 31 juillet, 21h30. Concert symphonique (avec Nikolaï Lugansky), lundi 9 juillet, 21h45. Concert lyrique (avec Renée Fleming), vendredi 3 août, 21h30. Information et réservation Tél.: 04 90 34 24 24 ou www.choregies.asso.fr

Crédits photographiques
Portrait de Giacomo Puccini
Geisha (DR)
Renée Fleming (DR)

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