mercredi 23 avril 2025

Christa Ludwig, mezzo. Les 80 ans. Rééditions cd et dvd: bilan

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Les 80 ans de Christa Ludwig
Rééditions cd et dvd

Emi et Deutsche Grammophon rendent hommage au legs légendaire que la mezzo allemande, Christa Ludwig, 80 ans, le 16 mars 2008, nous laisse aujourd’hui. Le Midem 2008 a salué comme il se doit l’exquise artiste, professionnelle acharnée, défendant coûte que coûte et la vraissemblance et le style. Un modèle pour tous les chanteurs d’aujourd’hui et de demain. Arthaus de son côté réédite un double coffret qui met l’accent sur la diseuse douée d’un sens dramatique exemplaire, ciselant le verbe comme soignant la ligne et la musicalité. Bilan des publications parues pour les 80 ans de la diva, parmi les mezzos les plus captivantes du XXème siècle.

Le coffret Emi, sobrement intitulé « The Art of Christa Ludwig » (5cd) brasse large: il permet de mesurer le génie vocal de l’interprète en de multiples facettes dont le sujet interroge en son coeur la projection incarnée du verbe. La suprême mélodiste se hisse au sommet dans les lieds de Brahms (cd1), Mahler, Schumann et Reger (cd2), Schubert, Wolf, Richard Strauss (cd3), sans oublier la magicienne du legato et de l’articulation chez Ravel, Saint-Saëns, (cd4). Mentions spéciales à l’écoute de la Rhapsodie pour alto de Brahms phénoménale et surtout l’intégralité de Der Abshied (Chant de la terre de Mahler: 29 minutes d’enchantement enregistrées en 1966), les deux « joyaux », sous la baguette acérée et vive, palpitante du grand Otto Klemperer. Lequel dirige aussi l’intéressée chantant Elvira du Don Giovanni de Mozart (1966). Avec Klemperer, l’héritage Ludwig semble même essentiel chez Emi puisque nous retrouvons chef et diva dans les Wesendonck lieder de Wagner (1962), D’ailleurs, tout ici est résumé et les extraits valent témoignages mémorables, rendant compte des rôles importants: Adalgisa dans Norma (avec Callase,n 1960, prise scaligène de 1960), Carmen (Seguedilla en allemand avec Rudolf Schock). Enfin, l’opus ne serait réellement complet sans le chef avec lequel Christa Ludwig a surtout travaillé: Karajan que l’on retrouve donc en 1956, pour la conclusion de l’Acte III du Chevalier à la rose avec Stich-Randall et Schwarzkopf. « The art of Christa Ludwig », coffret de 5 cd Emi classics.

Le coffret Arthaus permet de voir la cantatrice à deux moments dans la »fin » de carrière. 1994: récital intimiste (Charles Spencer, piano) à l’époque de sa tournée d’adieu, dans Die Winterreise de Schubert et un cycle complémentaire de lieder de Mahler, Wolf, Richard Strauss et Leonard Bernstein… Vienne, 1999: masterclass où l’interprète, professionnelle de la scène, et aussi pédagogue à tempérament, indique quelques données clés pour réussir une incarnation à trois élèves chanteurs: Marcus Pelz (baryton), Stella Grigorian (mezzo), Valerij Serkin (ténor): importance du legato, justesse de la notion de geste vocal, recadrage déterminant sur l’incarnation physique et sur le jeu… à la fois tendre et autoritaire, pleine d’humour (et d’anecdotes sur Karajan entre autres et sa connaissance du répertoire), Christa Ludwig décortique, analyse chaque inflexion de la voix et du corps, reprécisant pour chaque air choisi ce qui est en jeu. Les deux séances pédagogiques sont des incontournables. Après Lotte Lehmann qui eut l’audace de l’aborder, le cycle plutôt masculin du Winterreise est défendu par une immense interprète qui hélas ne dispose plus de la palette vocale qui fit sa légende. Même le cycle des lieder complémentaires manque de cette respiration qui a fait la magie de ses récitals publics. Est-ce parce qu’ici, la chanteuse est seule devant la caméra sans une audience réelle pour la porter en complicité? Non obstant, les fans seront touchés par la carrure et l’instinct musical d’une diva qui en 1994, tire sa révérence. Christa Ludwig, « The Birthday Edition » (2 dvd Arthaus).

Reste le meilleur pour la fin. Et c’est DG, le prestigieux label en or, qui dévoile l’un de ses trésors d’autrefois. Vienne, 1964: la voix est souveraine avec cette élégance réaliste, pleine d’une énergie dramatique à la fois opulente et terriblement efficace: Christa Ludwig incarne la femme du teinturier, personnalité capricieuse, possessive, narcisique, dans La Femme sans ombre de Richard Strauss, sur les planches de l’Opéra d’état, sous la baguette du démissionaire, Herbert von Karajan. Enregistré sur le vif en juin, la production est la dernière du chef autrichien qui avait déjà signifié sa rupture le 8 mai précédent. La performance est sidérante de fluidité, d’aisance, de feu: de vérité. Certes à ses côtés, son mari dans la vie et sur la scène: Walter Berry chante Barak, le teinturier, celui qui suscite la compassion dans la conscience de l’Impératrice (incandescente Leonie Rysanek!). Karajan en 1964, bien avant Böhm, dans la décennie suivante, avait déjà tout mis en place, offrant le premier jalon légendaire de la discographie straussienne. Saluons Deutsche Grammophon de rééditer ce joyau indiscutable (La femme sans ombre, « Die Frau ohne Schatten », 3 cd Deutsche Grammophon. Live mono du 11 juin 1964).

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