Claudio Monteverdi
Le retour d’Ulysse dans sa patrie,1640
Mezzo
Du 11 au 31 août 2007
Le 11 août 2007 à 20h45
Le 12 août 2007 à 13h45
Le 21 août 2007 à 15h45
Le 23 août 2007 à 3h45
Le 31 août 2007 à 15h45
Heureuse diffusion défendue par Mezzo en ce mois d’août 2007: alors que l’on fête en 2007, les 400 ans de l’Orfeo de Monteverdi, donc les 400 ans du genre opéra, il est pertinent de mettre en perspective un autre opéra écrit près de 33 ans après son Orfeo. Le retour d’Ulisse, composé en 1640 avant Le Couronnement de Poppée (dernier chef d’oeuvre du Maître vénitien), illustre la maîtrise et l’évolution de l’écriture d’un dramaturge né.
Monteverdi, oracle de la musique
Depuis 1637, quand est inauguré le premier opéra public, avec entrée payante, l’opéra est un genre souverain à Venise. Ainsi l’Andromeda de Francesco Manelli a-t-elle définitivement scellé l’enracinement spectaculaire du théâtre lyrique baroque, au Teatro San Cassiano, et dans la Sérénissime Republica. A Venise, Manelli acclimate le genre de l’opéra mythologique à effets spectaculaires et luxueux décors, en provenance de Rome. Il appartient à Monteverdi, après son premier coup d’essai, Orfeo, génial esquisse de tout l’opéra baroque à venir (Mantoue, 1607) de réussir la difficile alliance entre l’articulation du texte et l’éloquence dramatique de l’action scénique. Grâce à lui, texte et musique s’accordent idéalement. Mieux, a contrario de ce qui va suivre après lui, en particulier chez les Napolitains épris de la seule virtuosité vocale, le texte prime sur la parole. Le verbe et son articulation déclamée imprime même à la musique, son rythme et sa mélodie. Fidèle à son principe esthétique, Montevedi compose sur le mythe d’Ulysse un nouveau « dramma in musica »: drame ou action parlée mis en musique. Le texte est ici primordial. Musique et théâtre doivent l’expliciter, le projeter, le rendre vivant et pleinement compréhensible.
Monteverdi, esprit de synthèse et d’une grande culture, sait reprendre l’opéra à la mode, en particulier la veine romaine transférée à Venise par Manelli.
Monteverdi est le bien le maître incontesté de l’opéra vénitien. Même s’il occupe le poste le plus convoité de la République, maître de la chapelle du Doge, à San Marco, qui l’associerait presque exclusivement à des oeuvres sacrées, le Crémonais se révèle particulièrement actif sur le scène profane et lyrique. Son Arianna (perdue) a été reprise au Teatro San Moisè, patronné par la famille patricienne des Vendramin. Pour cette reprise, Benedetto Ferrari écrit même un sonnet dédié « au Seigneur Monteverdi, oracle de la musique »
Son retour attendu sur les planches vénitiennes reste Ulisse, prévu pour le Carnaval de 1640, au San Cassiano (patronné par la famille Tron).
Ulysse, héros moderne pour un opéra moderne
Composé plus de 30 ans après Orfeo, Ulisse montre l’évolution du métier et les options modernistes de l’écriture. La vocalità, florentine dans Orfeo, s’appuie désormais sur un nouveau mélodisme romain: mélisme libre, épanoui tendant vers la forme de l’arioso, plutôt que recitar cantando. Abandon de la forme madrigalesque, encore vivace dans Orfeo. Ici, les choix et développement de la musique sont dirigés en fonction de leur utilité scénique. Plus d’intermèdes, autonomes de l’action. Monteverdi se montre très à la pointe des nouvelles tendances culturelles, âprement défendues par la nouvelle génération, celle de ses élèves: Cavalli, Cesti, Ferrari…
A l’identique du peintre Rubens qui travaille à la même époque et de la même façon à Anvers, Monteverdi dirige un atelier de disciples, tous excellents, qui écrivent et composent sous son contrôle. Son état ecclésiastique l’empêchait certainement de pleinement revendiquer son oeuvre d’auteur profane (d’autant plus pour l’opéra qui suit Ulisse, « Poppea », dont l’immoralité et la perversité outrageusement triomphante aurait pu lui être reprochée!).
Deux sources nous sont parvenues, le livret de la Bibliothèque Marcienne à Venise (cinq actes, respectant le découpage de Giacomo Bodoardo), la partition de Vienne (trois actes)
L’Ulisse de Bodoardo
Gentiluomo dilettante: Giacomo Bodoardo a de réels talents de dramaturge. Il n’aurait pas pu en être autrement considérant l’exigence poétique et musicale de Monteverdi. D’après les chants XIII à XXIII de l’Odyssée d’Homère, le librettiste de Claudio, aux côtés des allégories mythologiques et pastorales, sait précisément ciseler l’étoffe psychologique des personnages. Pour répondre au compositeur, Bodoardo cultive le mélange (shakespearien) des genres. A l’héroïsme parfois tragique de Pénélope/Ulysse correspond l’amour juvénil, insouciant et printanier de la servante Melantho pour le bel Eurimaque… Sérieux et romance, tragique et sentimental, mais aussi parodie, cynisme, burla (farce: le boulimique et inutil Iro) et travesti… Incontournables registres sans lesquels un bon opéra ne pourrait être réussi.
Mais l’unité du propos tient à son dessein général: esquisser une morale théâtrale, qui en récompensant la vertu de la constance et de la fidélité loyale (entre les époux séparés puis à nouveau réunis, Pénélope/Ulysse), l’ouvrage est ainsi le prototype des opéras serias à venir. Fidèle à l’art théâtral romain, annonciateur des féeries napolitaines à venir, l’Ulisse de Monteverdi associe à la vertueuse exaltation des gestes et valeurs du héros grec, le concours d’effets et de tableaux spectaculaires: divinités exaltées, scène de guerre, tempêtes et naufrages…
Tout l’ouvrage traite de la fragilité humaine (dont l’allégorie dans le prologue, introduit l’oeuvre porprement dite). Le retour d’Ulysse dans sa patrie est soumis au hasard de la providence, c’est à dire dépendant du caprice des dieux. Entre Neptune et Jupiter, Minerve (la véritable protectrice du héros) et Junon, le sort d’un héros se joue.
Illustration
Primatice: Ulysse et Pénélope (Fontainebleau, Galerie d’Ulysse)