mercredi 23 avril 2025

Claudio Monteverdi: Orfeo. René JacobsArte, samedi 13 octobre 2007 à 22h30

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Claudio Monteverdi
Orfeo
, 1607


Arte, Musica
Samedi 13 octobre 2007 à 22h30

René Jacobs, direction musicale
Barrie Kosky, mise en scène
Opéra enregistré à Berlin, Opera unter den linden en février 2007. 1h50mn.

2007 marque les 400 ans de l’opéra des opéras. Une oeuvre désormais mythique où la musique et son poète glorieux, Orfeo, chante le pouvoir de l’art musical, tout en accusant les faiblesses et la fragilité de l’homme, victime de ses propres passions. Si Orfeo se montre capable d’infléchir les dieux, il succombe à l’emprise de ses désirs, de ses obsessions, de son incertitude. Renoncer, se détacher, vaincre émotions et pulsions: Orfeo est une leçon de morale appliquée.
Le mythe d’Orfeo subit autant de relectures différentes qu’il existe de chefs et de metteurs en scène, prêts à se l’approprier… René Jacobs qui a dirigé la partition déjà à Aix et à Bruxelles, avec la chorégraphe Trisha Brown, revisite les terres du poète de Thrace avec cette fois, pour la scène Berlinoise, durant les Journées baroques de l’Opéra Unter den Linden, le concours de l’Australien Barrie Kosksy.
D’emblée, on relève les références visuelles et picturales de la scénographie et des décors: suréalisme fantastique, à la fois épurée et d’un froideur à la Magritte qui souligne, aspect saillant de la production, le cynisme de l’oeuvre, cette épreuve de la douleur, au cours de laquelle le poète et chantre, Orphée, fait l’expérience de la perte, du renoncement, du déchirement car comme Apollon le lui rappelle en fin d’action: « Rien ici bas ne nous réjouit ni ne dure« . La vision est terrifiante, d’une glaçante ironie.
En cela, la direction de Jacobs plus précise, nerveuse, fouettée, analytique voire tranchante et même grimaçante que jamais, renforce le réalisme sans issue ni douceur de l’intrigue. En homme du nord, doué d’une précision médical et clinique, le chef flamand écarte toute sensualité voluptueuse, cette sensibilité aux chromatismes et à la plasticité qui fait tout le sel des versions « latines » de Jordi Savall ou de l’argentin Gabriel Garrido (qui a signé la version de référence chez K617 avec Victor Torres).
Faut-il dans ce cas défendre le choix de Stéphane Degout? La voix est certes bien placée, l’aisance scénique du comédien évidente mais l’articulation et la projection du texte s’enlisent constamment dans un chant droit, serré, qui manque souvent d’imagination, entre la prière, le désespoir ou l’ivresse du poète amoureux puis veuf. Evidemment l’on comprend que son style détaché, désincarné qui glisse sur toute l’ornementation de la ligne vocale, s’intègre parfaitement dans l’austérité glaciale du projet. Sa voix se prête davantage au personnage de Caronte ou de Plutone (ce dernier, ici chanté, fort bien d’ailleurs, par un habitué du personnage, Antonio Abete). De leur côté, deux rôles féminins se distinguent grâce à leur engagement plus physique et charnel que cérébral, grâce aussi à davantage de subtilité et d’articulation: Musica/Euridice de Sunhae Im, et surtout la Messaggiera/Proserpina de Marie-Claude Chappuis, laquelle a chanté Ottavia dans Aggripina de Haendel sous la baguette de Jacobs (Bruxelles, La Monnaie, mars 2006).
Que l’on apprécie ensuite le style de Degout pour nous hors sujet dans le rôle-titre, est bien sûr une affaire de goût. Le cynisme à l’oeuvre dans la vision du duo Jacobs/Kosky fonctionne à merveille, avec même un superbe tableau des enfers… Par contre, la réalisation filmique n’est pas à la hauteur de la partition ni du théâtre des passions humaines de Monteverdi! Le réalisateur Georg Wübbolt a-t-il eu le temps nécessaire pour « rentrrer » dans l’oeuvre et réaliser ses repérages? On peut en douter au regard du résultat à l’écran: aucun plans serrés sur l’expression des visages, des cadrages flottants, sans distinction des mouvements de scène, ni des changements de décors… dommage.

Claudio Monteverdi: Orfeo
(Mantoue, 1607). Livret d’Alessandro Striggio. Mise en scène: Barrie Kosky. Avec Stéphane Degout (Orfeo), Sunhae Im (Musica/Euridice), Marie-Claude Chappuis (Messaggiera/Proserpina), Arlene Rolph (Speranza), Sergio Foresti (Caronte), Antonio Abete (Plutone), Michael Slattery (Apollo)… Concerto vocale, Akademie für alte Musik Berlin. René Jacobs, direction. Réalisation: Georg Wübbolt.

Crédit photographique
Im Sunhae (DR)

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