Claire Coleman, Fernando Ortega
Que l’on soit ou non croyant importe peu. Si les deux auteurs du présent essai mozartien: l’écrivain Claire Coleman et Fernando Ortega (docteur en théologie et prêtre), poursuivent leur lecture chrétienne des oeuvres de Mozart – un voyage critique et souvent lumineux initié depuis « Beauté et révélation en Mozart » (2008), l’apport pour la compréhension des opéras de Mozart s’en trouve pleinement enrichi.
A contrario d’une vision technico-musicologique, les auteurs s’attachent à décrypter l’esprit et le sens profond des 7 derniers ouvrages lyriques d’Amadeus. Soit d’Idoménée à La Clémence de Titus, de 1781 à 1791, dix années de travail permanent sur le fait lyrique dont la profondeur philosophique et aussi les questions personnelles inhérentes à la vie de Mozart sont éclaircies et mises en perspective avec une pertinence stimulante.
Certes on peut être rebuté à l’idée de croiser la perception globale des oeuvres sélectionnées avec La Divine Comédie de Dante, où le cycle spirituel : Enfer, Purgatoire, Paradis devient grille d’analyse et de décryptage; sous les coups de cette lecture nouvelle et tout à fait non musicale, le fameuse trilogie unitaire de Da Ponte et Mozart (Nozze di Figaro, Don Giovanni, Cosi fan tutte) s’en trouve démantelée, et les ouvrages lyriques recomposés, réinscrits dans une optique autre et tout à fait cohérente cependant.
Rapports éclaircis à la mère et au père, selon une lecture psychanalytique; ce que dit la musique, autrement que le texte…; thème central dans l’oeuvre de Mozart, du Fils…; notions de Paradis (perdu) et de Royaume à venir (quand l’homme aura enfin réalisé la fusion humain-divin)… sont autant de sujets remarquablement exposés, argumentés, reliés et confrontés l’un à l’autre à travers les questionnements que suscitent les 7 derniers opéras.
Les problématiques développées soulignent combien dans l’écriture de Mozart, tout relève du génie le plus pur, de la vérité humaine la plus désarmante et la plus troublante. Les auteurs expliquent comment dans Les Nozze et avant dans L’Enlèvement au Sérail, nous sommes encore dans l’opéra des femmes, sous la domination du mythe maternelle; équilibre modifié avec Don Giovanni puis Cosi, opéras des hommes, où le rapport au père, n’est pas résolu; évolution qui trouve in fine ses réponses et la mécanique de rédemption à l’oeuvre dans La Flûte et La Clémence de Titus.
Les thématiques et lectures sont multiples et souvent captivantes. Au final, ce sont les opéras de Mozart qui gagnent un surcroît d’intérêt: en plus de dévoiler ce qui fait la dévotion particulière de Mozart à Vienne, à la fois frère-maçon et chrétien, les analyses mettent davantage en lumière la structure éblouissante de chaque oeuvre, et la métamorphose spirituelle de Mozart qui s’en dégage en un regard plus général, d’Idomeneo à Titus. Passionnant.
Avec Mozart, un parcours à travers ses grands opéras par Claire Coleman et Fernando Ortega. Editions Lethielleux, 186 pages. Parution: septembre 2010. 17 euros.