mercredi 23 avril 2025

Collection 50 ans Das Alte Werk (Teldec)

A lire aussi

A moins de 11 euros pièce (en moyenne), la collection de rééditions légendaires publiée par Teldec pour les 50 ans de Das Alter Werk retient l’attention et pour la qualité de la majorité des titres, et du fait de leur coût modéré. Le cycle discographique devrait s’avérer être un excellent cru commercial comme une belle opportunité à destination des mélomanes de l’été 2008.

Voici par exemple, plusieurs lectures de Nikolaus Harnoncourt que nous vous présentons par ordre chronologique des enregistrements (occasion de restituer une évolution stylistique dans l’interprétation du chef autrichien): certes beaucoup d’âpreté vive et nerveuse, ce « crin-crin » des origines baroqueuses qui pour certain était marque de fabrique, mais qui souvent associée à une sensibilité des couleurs et de timbres se montre, avec le recul, jubilatoire. A l’instar des couleurs offertes sur les visuels de couverture, quelques natures mortes (de quoi stimuler par les effets de couleurs et textures, votre appétit baroque) qui n’ont de « mortes » que leur nom tant la palette des couleurs révèlent des agencement de tonalités envoûtantes, qu’investissent aussi les instrumentistes du Concerto Köln, dans un excellent opus Vanhal (lire ci-après) propre à l’époque baroque… aux accents déjà préclassiques. Voici donc une série d’approches stimulantes qui justifient pleinement leur réédition.
Teldec
nous a concocté un choix royal en rééditant quelques fleurons de son
label de musique baroque « Das Alte Werk ». Pour les 50 ans de la
collection, voici quelques Harnoncourt légendaires (et pionniers),
d’une furià contrastée toujours d’actualité, plusieurs gravures du
Concerto Köln de première inspiration… Rameau et Telemann, Vanhal et
Salieri… à l’approche défricheuse et audacieuse, souvent
expérimentale vu les années concernées, les interprètes dévoilent
partitions méconnues ou inédites qui méritent d’être rééditées… Tour
d’horizon des premiers arrivages…

1966 et 1988
Telemann: Le jour du jugement, Ino. Harnoncourt

Le jour du Jugement (1762) déploie ses sémillantes verdeurs mais quel panache! Harnoncourt électrise ses troupes dans une seule direction: l’expression voire l’expressivité, avec des ralentis tendres et murmurés, ciselés au clavecin. Max Von Egmont nous assène une leçon de diction éloquente qui saisit par sa musicalité naturelle et justement… expressive. Présence, élégance, dramatisme: la basse illumine la partition. Kurt Equiluz est à l’avenant: même exigence du texte, même précision millimétrée des nuances. Deux diseurs magistraux. Dans le registre des couleurs vocales, Harnoncourt a sélectionné quatre solistes garçons qui accentuent encore l’expressivité vive d’une approche qui se distingue par son engagement et ce rapport exacerbé des contrastes de timbres vocaux (auxquels répondent à l’orchestre, entre autres, le chant assumé des cors naturels). La Cantate Ino (1765), véritable emblème dramatique de l’Aufklärung germanique (Lumières), donnée à Hambourg, Berlin, reste l’une des chefs d’oeuvre pour soprano du grand Telemann. A la lecture fouillée, suractive d’Harnoncourt, Roberta Alexander en 1986, suit les méandres nuancés, la diversité des climats instrumentaux que savent inciser chef et orchestre. La comparaison entre 1966 et 1986, dévoile un travail magistral dans le sens du fini poétique, de la précision des accents, la richesse de la palette dynamique: la fille de Cadmus et Hermione, au destin tumultueux, se prête parfaitement à la théorie des métamorphoses musicales trouvées par le chef du Concentus. La danse des Tritons et ses rythmes fouettés, son opulence vive portée par les cors a des accents ramistes et en même temps annonce déjà les climats néoclassiques du théâtre mesuré du Chevalier Gluck. En connaisseur jamais pédant, Harnoncourt nage dans ses eaux stylistiques comme un poisson dans l’eau. Fini et expressionnisme de grand style, solistes en phase avec la prouesse pyrotechnique de l’orchestre: que du bonheur! (Dert Tag des Gerichts, Ino. 2 cd Das Alte Werk, Teldec)

1972
Rameau: Castor et Pollux. Harnoncourt

La deuxième tragédie lyrique de Rameau (1737) célèbre les vertus de l’amour fraternel et viril. La réalisation d’Harnoncourt est tranchante, sculptée dans un métal qui captive par ses modénatures vives. La battue et le geste souvent hallucinés offrent l’un des tableaux ramélliens les moins français (où est donc cette mesure et cette grâce, cette nostalgie typique qui se retrouvent par exemple approchée par un Christie?). Mais où a-t-on écouté une telle énergie noire, l’âpre résonance de l’opéra français sans maniérisme ni extrapolation mignardisée? Certes les choeurs paraissent engorgés bien peu habités par le texte (à peine articulé). Mais même avec accent et déformations de diction, le sens de l’efficacité, cette quête extrêmiste des couleurs, de l’expression voire de l’expressivité offrent une approche vivante qui est loin de laisser indifférent. Gérard Souzay (qui savonne ses voyelles avec un soupçon d’affectation souvent agaçante), et Jacques Villisech (Jupiter très stylé) labellisent la lecture d’une « patine française minimale ». A l’acte IV, le Castor de Zeger Vandersteene montre ses évidentes limites par des aigus étroits et nasalisés. Il ne s’agit pas de la version du siècle mais l’acuité des couleurs soutenue de part en part par Harnoncourt reste acceptable (3 cd Das Alte Werk, Teldec).

1977-1979
Zelenka: Hipocondrie & Ouverture à 7… Harnoncourt

Jan Dismas Zelenka (1679-1745) est un astre musical de la trempe de Bach. D’ailleurs, son rayonnement artistique le fit appelé très vite, dès son vivant, le « Bach de Prague et de Dresde »… Oeuvre concertante au carrefour des styles français et italien, Hipocondrie (1723) est une pure jubilation où Harnoncourt sait exalter avec de vives aspérités comme un foisonnement inouï de couleurs instrumentales, le génie inclassable du compositeur… qui pâtissant de la rivalité de Hasse, ne put jamais occuper un poste à la mesure de son inventivité. Hautbois et basson en verve dialoguée grâce à un art maîtrisé du contrepoint (Sonate ZWV 181), Harnoncourt électrise ses troupes dans un brillant « caquetage » musical qui donne la mesure du talent de Zelenka dans le domaine non pas vocal pour lequel il fut réputé, mais purement instrumental. Cet album n’a perdu aucune des qualités qui a fait sa jubilation originelle. Mieux, il nous offre l’une des délectations les plus envoûtantes que le directeur musical du Concentus, tous solistes de haute voltige, ait enregistrées. L’album regroupe une collection de joyaux baroques, incontournable (1 cd Das Alte Werk, Teldec).

1996
Vanhal: Symphonies. Concerto Köln


Les 5 symphonies de Vanhal (1739-1813) vont idéalement à l’excellence racée et mordante du Concerto Köln. D’une irrépressible fièvre, étalant des arguments indiscutables (précision et équilibre des pupitres, vivacité et relief des couleurs comme des accents), avec comme rarement des cuivres exaltés, l’unisson des cordes gonflé d’une ardente énergie, des bois et des vents palpitants, le Concerto Köln éblouit par ce fini énergique, cette tension rythmique qui réussit toujours à captiver par sa science unique des alliages. Citoyen aimable de Vienne qui influença certainement le jeune Mozart, Vanhal trouve ici l’une de ses cartes de visite les plus inspirées. D’une magistrale activité. D’une évidente tenue, entre élégance et nervosité à la fois musclée, cinglante et fruitée. Notons dans ce corpus très Sturm und Drang, l’aspérité singulière de la Symphonie C11 qui s’appuie sur une instrumentation différente (bassons mis en avant), ample, d’une exacerbation rare, dont l’expérimentation libre autant que fantaisiste renseigne sur la dimension géniale d’un compositeur trop méconnu. Album décisif. Donc indispensable (1 cd Das Alte Werk, Teldec)

1996
Salieri, Steffan: Andreas Staier, Concerto Köln

Dans le sillon préclassique, le pianofortiste Staier stimulé par la belle ardeur subtile des instrumentistes colonais, cultive jusqu’à maturité, deux sensibilités « galantes » d’une rare fini musical. Si Salieri nous semble uniformément « badin », cependant d’une exquise délicatesse, grâce au sens des contrastes et des couleurs des interprètes (superbe engagement de Staier en particulier dans l’adagio du Si bémol majeur, où l’interprète déploie sa propre cadence), le Concerto de Joseph Anton Steffan (vers 1785), originaire de Bohème, reste la pièce maîtresse de ce récital tout en finesse et transparence: éclairages feutrés, et même secrets qui témoignent d’une ardente originalité (à l’époque où Mozart crée ses propres concertos à Vienne), vitalité fulgurante des l’orchestre, « conversation » ciselée entre soliste et orchestre: tout indique un immense Viennois à (re)découvrir d’urgence aux côtés de Haydn et de Mozart. Superbe album en forme de révélation qui confirme aussi la prodigieuse inventivité interprétative d’Andreas Staier (Concertos pour pianoforte de Salieri et de Steffan, 1 cd Das Alte Werk, Teldec).

Derniers articles

CRITIQUE événement. COFFRET : BRAHMS / GARDINER. Symphonies n°1 – 4. Royal Concertgebouw Orchestra Amsterdam (2021, 2022, 2023 – 3 cd DG Deutsche Grammophon)

18 ans après les avoir jouées et enregistrées avec l’Orchestre romantique et révolutionnaire (2007), John Eliot Gardiner reprend l’étude...

Découvrez d'autres articles similaires

- Espace publicitaire -spot_img