Collection Opera House
(Deutsche Grammophon)
Nouvelle moisson de gravures opportunes, en coffrets doubles ou triples, la majorité datant du début des années 1960 dont deux productions où Dietrich Fischer-Dieskau se révèle convaincant: le Comte des Noces sous la direction de Jochum, Mandryka aux côtés de Lisa della Casa, sous la baguette de Keilberth. Rendons grâce aussi à DG de rééditer le Trouvère version Serafin avec Carlo Bergonzi et Fiorenza Cossotto, sans omettre également les deux opéras qui nous rappellent le feu vocal de « La Scotto », Bohême et Traviata (deux productions dirigées par maestro Antonino Votto)… Notre présentation respecte la chronologie des enregistrements.
Giacomo Puccini, La Bohême
Florence, Teatro Communale, 1961
Très honnête version pleine de vie… à défaut de grâce et d’inspiration. Le timbre de Scotto ne colle pas vraiment à celui de Mimi, et Gianni Poggi sans avoir la classe d’un Bergonzi dans le rôle de Rodolfo, se montre ardent et subtil. Comme pour la production milanaise de La Traviata (lire-ci après d’une année postérieure), le plateau ne manque ni de tonus ni de puissance vocale. Antonino Votto porte à bout de bras l’Orchestre du Mai Florentin avec aplomb et autorité dramatique. Avec Renata Scotto (Mimi), Gianni Poggi (Rodolfo), Jolanda Meneguzzer (Musetta), Tito Gobbi (Marcello). Coro e orchestra del maggio musicale Fiorentino. Antonino Votto, direction (2 cd DG 0 28947 75618 7)
Wolfgang Amadeus Mozart, Cosi fan tutte
Berlin, 1962
Version proche de l’excellence: orchestre ciselé, chambriste, à l’articulation jubilatoire (Berliner Philharmoniker), dont l’assise et la puissance sont canalisés par un chef visiblement amusé, saisi par la pétillance d’un Mozart plein d’esprit, lui-même chauffé à blanc par l’invention complice de Da Ponte. Eugen Jochum insuffle à chaque soliste, le feu sacré qui est dérèglement, fragilité, angoisse et panique des coeurs éprouvés. Arbitre des palpitations, le Don Alfonso, philosophe et humaniste de Dietrich Fischer-Dieskau s’impose par cette délectation viennoise de dire et de chanter le texte mozartien. Les deux couples interchangeables trouvent ici un quatuor des plus vraisemblables: Irmgard Seefried (Fiordiligi), Nan Merriman (palpitante Dorabella), Ernst Haefliger (Ferrando), surtout Hermann Prey, le plus grand Guglielmo de la discographie. Incontournable! Avec Irmgard seefried (Fiordiligi), Nan Merriman (Dorabella), Hermann Prey (Guglielmo), Ersnt Haefliger (Ferrando), Don Alfonso (Dietrich Fischer-Dieskau), Erika Köth (Despina), Rias Kammerchor, Berliner Philharmoniker. Eugen Jochum, direction (3 cd DG 0 28947 75669 9).
Giuseppe Verdi, La Traviata
Milan, Scala, 1962 Scotto a plusieurs fois gravé le rôle de Violetta Valéry. On préfère ordinairement sa prestation dirigée par Muti chez Emi, car elle y dispose d’un partenaire solaire en la personne d’Alfredo Kraus… dans le rôle d’Alfredo. Ce même Kraus qui en 1957 lui conseillait non sans raison et avec quelle intuition (!), de perfectionner sa technique du bel canto, l’amenant à chanter La Somnambula… Pourtant en écoutant attentivement la lecture milanaise, on se félicite que DG réédite une lecture plus qu’émouvante où la cantatrice compose avec le ténor Gianni Raimondi, un duo à la santé vocale éclatante. Il est vrai que Renata Scotto chantait Traviata depuis l’âge de 18 ans. Avec Renata Scotto (Violetta Valéry), Gianni Raimondi (Alfredo Germont), Ettore Bastianini (Giorgio Germont), Coro et Orchestra del Teatro alla Scala. Antonino Votto, direction (2 cd DG 0 28947 75665 1).
Giuseppe Verdi, Il Trovatore
Milan, Scala, 1962A l’image du visuel de couverture, la scène s’enflamme sans peine dans cette captation scaligène de 1962. Ferrando (Ivo Vanco), capitaine des armées du Conte de Luna est plein d’autorité racée avec une once hallucinée bien huilée pour sa première scène, avec un choeur virile à l’avenant. Hélas, la Leonora d’Antonietta Stella manque de vertige, de spasmes… Heureusement, Carlo Bergonzi (timbre rayonnant, stylé sans maniérisme), Ettore Bastianini (sombre, énigmatique, à la fois commandeur et empereur), surtout Fiorenza Cossotto (invocatoire et autoritaire) campant respectivement Manrico, Luna et Azucena, élève l’interprétation vers l’excellence. A défaut d’une Leonora captivante, voici déjà un trio attachant. D’autant que dans la fosse, Tullio Serafin affirme nervosité et caractère. Excellent crû. Avec Carlo Bergonzi (Manrico), Antonietta Stella (Leonora), Fiorenza Cossotto (Azucena), Ettore Bastianini (il Conte du Luna), Coro et Orchestra del Teatro alla Scala. Tullio Serafin, direction (2cd DG 0 28947 75662 0).
Richard Strauss, Arabella
Munich, Prinzregententheater, 1963Della Casa a enregistré un autre témoignage sous la direction de Solti (Decca). Son timbre « viennois » incarne toute la fragilité, l’impatience feinte, la jeunesse désirante d’Arabella. Mais ici, sous la direction de Keilberth, la jeune femme dispose d’un Mandryka de grande classe en la personne de Dietrich Fischer-Dieskau: abattage ténu, prosodie délicieuse, psychologie à la fois franche et murmurée, rétablissent la carrure virile, fraîche et « paysanne », passionnée et directe du jeune trentenaire croate. La fameuse scène de la remise du verre d’eau, par Arabella à Mandryka, dans lequel elle reconnaît ainsi l’homme qu’elle a choisi d’épouser, reste anthologique. Même si Keilberth n’a pas la nervosité suractive et analytique de Solti, sa direction est attentive à l’expressivité des voix. Le duo Della Casa/Fischer-Dieskau est incontournable. Avec Lisa Della Casa (Arabella), Dietrich Fischer-Dieskau (Mandryka), Annaliese Rothenberger (Zdenka), Karl Christian Kohn (Graf Waldner), Bayerischer staatsopernchor, Bayerisches staatsorchester. Joseph Keilberth, direction (2 cd DG 0 28947 75625 5).
Giuseppe Verdi, Falstaff
Los Angeles, 1982En avril 1982, au Music Center de Los Angeles, Renato Bruson incarne le héros délirant shakespearien avec verve et finesse. D’autant que Giulini, à la tête du Philharmonique de Los Angeles, freine les tempi, articule la farce avec tendresse et humanité. Ce live saisit l’énergie et la cohérence d’une distribution complice: l’humanité du legato de Bruson emporte toute réserve, l’Alice Ford de Katia Ricciarelli est piquante et mordante à souhaits. Fragile féminité, tendre et rayonnante, la Nannetta de Barbare Hendricks sait convoquer sans faiblesse le monde de la nuit, des elfes, des songes et des enchantements… Quant à Mrs Quickly de Lucia Valentini-Terrani, elle impose la même présence scénique. Le portrait vocal des commères de Windsor dispose d’un trio féminin épatant. Les climats que cisèle Giulini sont irrésistibles, de grâce et de poésie. Live des plus convaincants. Avec Renato Bruson (sir John Falstaff), Alice Ford (Katia Ricciarelli), Nannetta (Barbara Hendricks), … Los Angeles master chorale, Los Angeles philharmonic orchestra. Carlo Maria Giulini, direction (Live, 2 cd DG 0 28947 76498 4).
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2007), cycle de rééditions lyrique complémentaires à l’initiative de
Decca et Philips