Compte-rendu, concert, Dijon, Opéra, Auditorium, le 5 janvier 2019. Schubert : Stabat Mater D 383 / Mendelssohn : Le Songe d’une nuit d’été, op. 21 & 61. Gergely Madaras, Sandra Hamaoui, Kaëlig Boché, Christian Immler. Singulier programme puisqu’intitulé « Le Songe d’une nuit d’été », il associe à l’œuvre de Mendelssohn le Stabat mater D 383 de Schubert, d’une nature et d’un propos si différents. Le jeune Schubert a tout juste dix-neuf ans lorsqu’il compose ce Stabat mater (sur un texte allemand de Klopstock), et témoigne déjà d’une maîtrise rare. Familier de ce répertoire depuis son plus jeune âge, il en a assimilé les règles et s’inscrit dans la filiation de Michaël Haydn comme dans celle de Mozart. Pour n’être pas un chef d’œuvre incontournable, c’est une pièce importante par ses dimensions comme par son écriture soignée, qui sollicite trois solistes et le chœur.
Un mauvais rêve, décalé.
On est loin de Pergolèse, qu’il connaissait, et son expression y est plus conventionnelle. Le hautbois solo y brille à l’égal des solistes, ces derniers chantant, outre leur air, un duo et deux trios, le dernier avec le chœur et deux cors. Malgré ces solistes et un choeur remarquables, la lecture qu’en donne Gergely Madaras est décevante, dépourvue de gravité comme de ferveur. Sa direction survoltée surprend, effaçant la grandeur des « maestoso » au profit d’une urgence difficile à justifier. La respiration et le chant y perdent. Les fugues chorales, « Erben sollen sie am Throne », au centre de l’oeuvre, et l’Amen final, sont des démonstrations virtuoses, puissantes et claires, mais sans portée dramatique ou jubilatoire. Ainsi, les « Amen » énoncés sans cesse, très rapides et accentués, donnent un tour ridicule, que n’appelait pas le sujet de Schubert. La voix fruitée, colorée à souhait de Sandra Hamaoui, soprano sonore, au souffle long, nous fait regretter de ne pas l’entendre davantage. Il en va de même du ténor, Kaëlig Boché, égal dans tous les registres, bien timbré et agile. Christian Immler n’a pas les notes basses qu’exige son air, qui n’est pas sans rappeler celui de Sarastro dans la Flûte enchantée.
Le songe d’une nuit d’été est la peinture d’un monde féérique, chargé d’humour et de fantaisie, celui de Shakespeare. C’est un miracle que cette ouverture écrite par un gamin de 17 ans : la drôlerie des elfes et des fées alliée à l’amour romanesque comme à la balourdise des marchands et aux braiements de Bottom, transformé en âne, dans une organisation parfaite et une orchestration géniale. Elle sera suivie de la musique de scène, écrite quinze ans après, à la demande du roi, dont il était le Kapellmeister. Après les flûtes, la magie du fourmillement initial, aérien, est suivie d’un tutti précipité. La plupart des numéros seront soumis à cette même épreuve : la cravache, là où l’on attend l’élégance, le raffinement, l’énergie, la puissance sans la moindre once de violence, … le beau son. Dans le scherzo, le caquet volubile des bois, léger, subtil, nerveux est sacrifié à la nervosité rageuse. La marche puis le chœur des elfes, malgré des tempi rapide (allegro ma non troppo, écrit Schubert) nous valent de beaux moments vocaux, où rayonnent les deux voix solistes. Cependant, après la fièvre du début de l’Intermezzo, le beau solo de violoncelle n’est pas suivi de l’humour des bassons. Comme le nocturne, dépourvu de poésie. Oublions la marche nuptiale, conventionnelle, pour la marche funèbre qui suit. Cette dernière est un bijou rare (andante comodo) que le chef ralentit considérablement, oubliant son côté parodique. Le grotesque rural de la danse bergamasque est sacrifié. Seul le finale, atteint la plénitude attendue. La direction fougueuse, emportée, ne ménage pas le moindre sourire, on passe à côté de l’esprit. L’orchestre, du fait de cette urgence, oublie de chanter. Les phrasés sont systématiquement enflés, grossis au détriment du legato et de la légèreté.
La qualité des chœurs doit être soulignée, tant dans le Stabat Mater, où leur rôle est essentiel, que dans le Songe, auquel seules les voix de femmes participent. Puissants, clairs, articulés et agiles, aux couleurs riches et subtiles, ils n’appellent que des éloges, qui vont évidemment à son chef, Anass Ismat. On regrette seulement que de tels solistes et de tels choristes se soient vu imposer une direction hors de propos, qui limitait leur plein épanouissement.
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Compte rendu, concert, Dijon, Opéra, Auditorium, le 5 janvier 2019. Schubert : Stabat Mater D 383 / Mendelssohn : Le Songe d’une nuit d’été, op. 21 & 61. Gergely Madaras, Sandra Hamaoui, Kaëlig Boché, Christian Immler. Crédit photographique © Albert Dacheux 2019