COMPTE-RENDU, concert. Le TOUQUET Paris-plage, Festival des Pianos Folies, le 17 août 2019. Récital Benjamin Grosvenor, piano. SCHUMANN, JANACEK, LISZT… Par notre envoyé spécial au Touquet, MARCEL WEISS. Dans son apparente simplicité, le « Blumenstück » de Schumann constituait une entrée en matière idéale pour saisir le style Grosvenor : recherche de la ligne de chant appropriée, attention au détail des différentes voix, le tout dans un tempo d’une grande souplesse.
Contraste pleinement assumé avec – sans transition – l’attaque brutale des « Kreisleriana » et l’entrée dans l’univers tourmenté d’un Schumann de 28 ans (à un an près l’âge de son interprète) écartelé entre exaltation amoureuse et mélancolie morbide, dans un jeu de
double – Florestan le passionné et Eusebius le rêveur – dont on connait le dénouement tragique. Une bipolarité omniprésente dès la première pièce du recueil, Extrêmement agité, avec une section médiane rêveuse rapidement balayée par la tempête de l’âme.
Le jeu de Benjamin Grosvenor : virtuosité et poésie
Redonner de la cohérence à ce patchwork de sentiments contradictoires, telle est la gageure que Benjamin Grosvenor éprouve quelques difficultés à soutenir, se perdant parfois dans l’anecdote. Cela n’empêche pas d’être séduit par la beauté plastique et l’imagination sonore qu’il déploie, notamment dans les numéros pairs de la partition, dont sourd naturellement l’émotion.
La subtilité de son toucher et sa maîtrise du legato font merveille dans la Barcarolle de Chopin. Mais c’est dans l’univers de Janacek, dans l’écriture peu conventionnelle de la Sonate « 1er octobre 1905 », fragmentée, heurtée, avec sa répétition lancinante de cellules rythmiques, porteuse d’émotions contradictoires, que sa recherche obsessionnelle du détail, de défaut devient une qualité.
» En chaque vision fugitive, je vois des mondes entiers, ils changent sans cesse, étincelant dans les gaies couleurs de l’iris » déclarait Prokofiev, qui, sans doute, aurait aimer entendre le jeune et talentueux Britannique les jouer… Il en interprètera douze sur les vingt du recueil, dans un ordre très personnel. Comme autant de Haïkus, passant du grotesque au mystique, du joyeux au méditatif.
La septième vision, indiquée Pittoresco, la préférée du pianiste, rassemble en moins de deux minutes le maximum de difficultés pour évoquer le jeu de la harpe : touches caressées créant l’illusion de glissandi, profusion des couleurs, maitrise des résonances.
Morceau de bravoure s’il en est, les « Réminiscences de Norma » de Liszt offre à Benjamin Grosvenor l’opportunité de déployer, véritable homme-orchestre, son époustouflante virtuosité pour incarner le drame dans toutes ses péripéties. En gardant son élégance naturelle.
En bis, une « Pièce lyrique » de Grieg, Erotique, et l’endiablée « Danza del gaucho madrero » de Ginastera – chère à Marta Argerich –, ultimes témoignages de la double nature du pianiste, poète autant que virtuose.
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COMPTE-RENDU, concert. Le TOUQUET Paris-plage, Festival des Pianos Folies, le 17 août 2019. Récital Benjamin Grosvenor, piano. SCHUMANN, JANACEK, LISZT… Par notre envoyé spécial MARCEL WEISS. Illustration : photo © service communication ville du Touquet Paris Plage 2019