Compte-rendu, concert. Paris, Philharmonie, le 9 mai 2017. Adams, Tchaïkovski, Berlioz. Hilary Hahn (violon), Leonard Slatkin (direction), Orchestre national de Lyon. Proposant un programme très contrasté (trois œuvres, trois époques, trois styles différents), c’est avec une pièce contemporaine du compositeur américain John Adams, The Chairman Dances, que débute ce soir le concert à la Philharmonie de Paris. Jouant sur de subtils décalages entre les instruments, la mise en place de cette pièce exige une précision impeccable, assurée de bout en bout par Leonard Slatkin à la tête de l’Orchestre national de Lyon. Sur un ostinato rythmique passant d’une voix à l’autre, trahissant l’influence du courant minimaliste, chaque intervention se fait par petite touches, à l’image des innombrables points de couleur d’un tableau de Seurat. Différents thèmes se succèdent, dans lesquels Adams se réfère aux multiples influences qui font la musique américaine, depuis le jazz de Gershwin jusqu’aux musiques hollywoodiennes de Bernard Herrmann. Mais on perçoit aussi par moments des harmonies qui nous rappellent le compositeur anglais Michael Nyman, contemporain de Adams et influencé comme lui par la musique minimaliste. La pièce se termine dans un grand decrescendo où les instruments disparaissent les uns après les autres, pour ne plus laisser entendre que l’ostinato aux percussions, jusqu’à extinction totale du son.
Vient ensuite le Concerto pour violon de Tchaïkovski, porté par la soliste américaine Hilary Hahn. Après une introduction orchestrale dynamique et percutante, le violon solo entre en scène. Quel son ! Quelle précision dans les attaques ! Quelle netteté dans chaque note ! Hilary Hahn apporte un soin à chacun de ses gestes, longuement étudiés et scrupuleusement travaillés. La jeune femme, prodige du violon, joue avec ce quelque chose qui semble nous dire que le talent ne suffit pas : à l’entendre, on prend conscience des heures de répétition nécessaires en amont pour obtenir une telle perfection dans la sonorité. Au-delà de l’aspect technique, Hilary Hahn est également capable de s’approprier la partition en y apportant sa propre interprétation, sa propre vision de l’œuvre qu’elle nous fait partager. Avec elle, la musique prend son temps, respire, et gagne tout son sens. À ses côté, Leonard Slatkin affiche une sereine décontraction, attentif à sa soliste, suivant les inflexions de ses phrases et respectant ses temps de pause. Après un premier mouvement haut en couleurs, le second laisse place à la douce plainte d’une mélodie typiquement russe. Au son feutré de son violon en sourdine, Hilary Hahn nous emmène cette fois dans un monde empli de poésie.
Avec ses phrases, ses respirations, ses intonations, c’est une véritable histoire qu’elle nous raconte. Dialoguant avec elle, l’orchestre manque par moments d’un soupçon de subtilité et de douceur dans ses réponses, parfois un peu trop brusque dans les attaques. On retient cependant un solide quatuor des bois solistes, irréprochables du début à la fin. Sans transition, le deuxième mouvement enchaîne avec le troisième, un Allegro vivacissimo tournoyant de virtuosité. Ovationnée par le public (qui n’avait d’ailleurs pu se retenir de l’applaudir dès la fin du premier mouvement…), Hilary Hahn nous gratifie d’un extrait de la Partita n°3 de Bach, compositeur cher à son cœur, avant de quitter la scène.
Enfin, la Symphonie fantastique de Berlioz vient clore le programme de la soirée. Aucun qualificatif ne saurait mieux exprimer la teneur de cette œuvre que celui de « fantastique » : originale dans sa forme de symphonie à programme, inédite pour l’époque, entêtante dans son idée fixe qui revient sans cesse sous différentes formes, innovante dans son orchestration. Chaque mouvement nous entraîne dans un univers irréel, au son des harpes virevoltantes du bal, des effets d’échos entre le cor anglais et le hautbois en coulisse (au balcon pour l’occasion…) dans l’univers pastoral de la scène aux champs, et surtout des cloches (cette fois jouées en coulisse) soutenant le thème implacable du Dies Irae dans le sabbat final. Tout au long de l’œuvre, Leonard Slatkin fait preuve d’une maîtrise incontestable des plans sonores : un simple geste de la main gauche suffit à imprimer à l’orchestre, de manière immédiate, la nuance adéquate, depuis le fortissimo au pianissimo subito. Passé le délire et l’exubérance du dernier mouvement, le chef nous ramène un peu de douceur avec, en bis, la Barcarolle des Contes d’Hoffmann d’Offenbach, faisant délicatement écho au bal de la Symphonie de Berlioz.
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Compte rendu concert. Paris, Philharmonie – Grande salle Pierre Boulez, le 9 mai 2017. John Adams (1947) : The Chairman Dances, Piotr Ilitch Tchaïkovski (1840-1893) : Concerto pour violon en ré majeur op. 35, Hector Berlioz (1803-1869) : Symphonie fantastique op. 14. Hilary Hahn (violon), Orchestre national de Lyon. Leonard Slatkin, direction.