Compte rendu, concert. Teatro Regio de Parme, le 10 octobre 2017. Récital lyrique Verdi. Béatrice Benzi, piano. Le 10 octobre, jour de naissance de Giuseppe Verdi (1813-1901) est une journée à part dans le déroulement du festival. Nous ne reviendrons pas sur les cérémonies qui se déroulent ce jour là car nous les avions évoquées lors du bicentenaire, en 2013. De fait, le concert prévu en cette journée si particulière se déroule toujours dans une ambiance spéciale et toujours très chaleureuse. Cette année, c’est un récital avec piano qui est offert au public, curieusement venu moins nombreux qu’aux autres soirées auxquelles nous avons assisté.
Gala Verdiano : Une journée particulière au festival Verdi
A l’occasion de ce concert de gala, nous retrouvons avec plaisir Roberto de Candia et Anna Pirozzi, dont nous avons déjà relaté les très belles performances dans Falstaff (le 5 octobre, distribution I) pour l’un et le Requiem (7 octobre) pour l’autre. Nous voyons se joindre à eux trois artistes de valeur, le plus connu d’entre eux étant John Osborn. S’agissant d’un récital avec piano, le concert était présenté par Francesco Izzo, président du comité scientifique du festival Verdi. L’intention était bonne, car l’analyse du style verdien était intéressante malgré un anglais trop rapide et pas toujours très clair. Néanmoins, ces coupures régulières, tous les deux ou trois airs, ont gâché quelque peu la soirée et on peut se demander s’il n’aurait pas été plus judicieux, étant donné la somme importante d’informations que le public devait assimiler en peu de temps, de présenter une conférence sur le sujet avec extraits à l’appui … AVANT le concert.
Avec « L’infamie… O mes amis, mes frères d’armes », tiré de Jérusalem, John Osborn fait une entrée très remarquée. Le ténor américain a une voix comme Verdi les aimait : corsée, puissante, large tessiture, ligne de chant impeccable, diction parfaite. Son duc de Mantoue (Rigoletto – « La donna è mobile ») est arrogant, d’une santé insolente, sans scrupules. Si Anna Pirozzi reçoit un accueil très chaleureux dans « Pace, pace, mio Dio » (Léonora, La forza del destino), « La luce langue » (scène de folie somnambule de Lady Macbeth, Macbeth) lui apporte une ovation méritée ; sa lady est ambitieuse, implacable, glaçante. En revanche, Roberto de Candia apparait fatigué. En effet, le baryton parmesan navigue entre Rome où il chante Fra Diavolo et Parme ou il est présent pour Falstaff et le gala Verdiano. En grand artiste, il assure le spectacle en chantant un Fra Melitone … aigri et colérique. Son « Toh, toh ! Poffare il mondo » est idéal tant le moine apparaît dans toute sa frustration de voyageur malgré lui. Quant à son Renato (Un ballo in maschera), ses doutes et ses angoisses sont transcrits avec force mais sans excès. Martina Belli se montre d’entrée valeureuse ; et elle a le mérite de présenter un extrait du tout premier opéra de Verdi : Oberto conte di Sa Bonifacio. “Un giorno dolce nel core… Oh chi torna l’ardente pensiero” est tout en finesse, parfaitement nuancé ; il fait ressortir les sentiments contradictoires de Cuniza. Cependant, si nous entendons un beau mezzo, corsé, velouté avec une large tessiture, il manque la petite étincelle susceptible de provoquer un triomphe.
La surprise de la soirée vient de Stefano La Colla ; le jeune ténor italien a certes une voix plus claire que celle de John Osborn, mais elle est aussi large et puissante que celle de son collègue. Si le trop court air de Macduff « Ah, la paterna mano » (Macbeth) donne un bref aperçu de son talent, c’est avec « La rivedrà nell’estasi » (Riccardo, Un ballo in maschera) qu’il se révèle. Comme de bien entendu, la soirée se termine par l’inévitable Brindisi extrait de La Traviata afin de célébrer dignement le 204e anniversaire du cygne de Busseto. Le brindisi en question est introduit par quelques pas de valses esquissés par des membres du ballet du Teatro Regio.
Pour ce récital particulier, c’est la pianiste Béatrice Benzi qui accompagnait les cinq artistes invités pour l’occasion. Instrumentiste de talent, Benzi est attentive à chacun et souligne avec talent, chaque mélodie ; quant aux introductions de chaque air, elles étaient jouées avec une pédale douce et dynamique.
Si nous regrettons les « intermèdes » présentés par Francesco Izzo, intermèdes dont nous pensons qu’ils auraient pu – et même dû – faire l’objet d’une conférence à part, c’est un concert de haute volée que nous ont proposé cinq artistes de talent et leur accompagnatrice, accueillis avec chaleur par un public conquis.
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Teatro Regio de Parme, le 10 octobre 2017. Giuseppe Verdi (1813-1901) : extraits de Jérusalem («L’infamie … O mes amis, mes frères d’armes»), Macbeth (“Ah la paterna mano”, “La luce langue”), Un ballo in maschera (“Ecco l’orrido campo…Ma dall’arido stelo divulsa”, “Alla vita che t’arride”, “La riverdrà nell’estasi”), La forza del destino (“Toh, toh ! Poffare il mondo”, “Pace, pace, mio Dio”), Rigoletto (La donna è mobile”), Nabucco (“Oh dischiuso è il firmamento”), La traviata (“Lunge da lei … De miei bollenti spiriti … Oh mio rimorso, infamia”, Brindisi), Oberto, conte di San Bonifaccio (“Un giorno dolce nel core … Oh chi torna l’ardente pensiero”) Anna Pirozzi, soprano, Martina Belli, mezzo soprano, John Osborn, ténor, Stefano La Colla, ténor, Roberto de Candia, barato, Béatrice Benzi, piano.