Bien moins célèbre que son prestigieux voisin de Peralada – qui affichait cet été des noms tels que J. D. Florez, E.M. Westbroek, M. E. Cencic, K. F. Vogt ou encore Diana Damrau -, le Festival de Vilabertran, dédié au divin Schubert, n’a pourtant pas à rougir de sa programmation : D. Röschmann, Sarah Conolly ou le fidèle Matthias Goerne s’y produisent (jusqu’au 29 août) – pour ce qui concerne la musique vocale -, mais le piano (Ignasi Cambra, Ivan Martin) ou la musique de chambre (Quatuor Casals, Quatuor Klimt) y sont également fêtés. Pour cette Schubertiade 2015, c’est à la superbe soprano canadienne Measha Brueggergosman qu’est revenu l’honneur du concert d’ouverture, dans la magnifique abbatiale romane de la cité catalane, où se déroule tous les concerts.
Après avoir reçu le Premier Prix du Concours de Chant de Montréal en 2002, la carrière de la chanteuse afro-canadienne a pris un formidable essor ; elle s’est produite depuis aux quatre coins de la planète. C’est l’une des personnalités artistiques les plus complètes de sa génération, et son répertoire comprend aussi bien la mélodie que le negro spiritual, l’oratorio que l’opéra. Elle ne pouvait débuter son programme sans rendre hommage au dédicataire du festival – par des lieder de Schubert donc. Le timbre chaleureux et habilement changeant de la cantatrice séduit d’emblée le public, qui peut apprécier aussi une approche très soignée du texte : une grande voix qui soit également une diseuse, voilà une magie rare…comme on peut l’apprécier dans les célèbres lieder Ganymed ou La jeune fille et la Mort (Der Tod und das Mädchen).
Après une pause qui permet à l’audience de profiter du superbe cloître roman attenant à l’église, Brueggergosman aborde le célèbre cycle Shéhérazade de Ravel. La caresse et la plénitude de sa voix – que l’on se surprend parfois à comparer à celle de Jessye Norman – y fait merveille. En plus d’une excellente diction de notre idiome, la rondeur du timbre, sa douceur chaude, la sensualité de la ligne transmettent l’émotion et la poésie du texte – comme de la musique – de Ravel. Elle poursuit avec les non moins sublimes Wesendonck Lieder de Richard Wagner, un compositeur qui met en valeur nombre de ses qualités. La précision de la diction permet là aussi une évocation poétique admirable, et la subtilité des nuances s’avère ensorcelante, notamment dans le dernier des cinq Lieder, le somptueux Traüme. En bis, elle offre un negro spiritual où son âme sensible et une émotion à fleur de peau imposent d’abord un long silence avant de laisser place à d’impétueux applaudissements.
Bref une soirée très réussie – à porter également au crédit du piano de Justus Zeyen, dont le toucher souple a su rendre justice aux atmosphères des différentes pièces. Vilabertran est un festival attachant dans un cadre enchanteur… qu’on languit déjà de retrouver l’été prochain !
Compte-rendu, concert. Festival Schubert de Vilabertran, Eglise Santa Maria. Le 20 août 2015. Lieder de Schubert, Shéhérazade de Ravel & Wesendonck Lieder de Wagner. Measha Brueggergosman, soprano. Justus Zeyen, piano.