Compte-rendu, opéra. Lyon, Opéra, le 11 juillet 2016. W. A. Mozart : L’Enlèvement au sérail. Wajdi Mouawad, mise en scène. Stefano Montanari, direction musicale. L’Opéra de Lyon a choisi de clore sa saison avec Mozart, en confiant à Wajdi Mouawad – futur directeur du Théâtre de la Colline – le soin de mettre en images une nouvelle production de L’Enlèvement au sérail (qui est, soit dit en passant, sa première mise en scène d’opéra). En optant pour une réécriture de pans entiers du livret, l’homme de théâtre libano-canadien parvient à mettre à distance l’exotisme convenu et les histoires d’amour contrarié. Sa régie replace au centre des débats l’idéal féminin comme figure tutélaire des sentiments amoureux. En refusant de rejeter et de se moquer des turcs qui les ont retenu prisonnières, Constance et Blondine affirment haut et fort qu’il n’y a pas de frontière à l’amour, et que leur épisode carcéral avait tout d’une belle aventure. La tentative de libération de Belmonte et Pedrillo apparaît paradoxalement comme une initiative maladroite qui contrevient aux amours de leurs fiancées. Mais ce manichéisme Orient-Occident pèche sur la longueur par son systématisme appuyé, et Mouawad manie par trop les bons sentiments en agitant des panneaux sémantiques assez lourds. Le décor très abstrait et peu perturbant d’Emmanuel Clolus justifie néanmoins la lisibilité des messages, et permet à la direction d’acteurs de se déployer sans obstacle.
Longtemps Premier violon au sein de l’ensemble Accademia Bizantina, Stefano Montanari se révèle – à la tête d’un Orchestre de l’Opéra de Lyon dans une forme superlative – comme l’un des triomphateurs de la soirée. Le chef italien marie en effet avec un art consommé l’approche symphonique d’une formation traditionnelle, et les impératifs d’une relecture à l’ancienne. Magnifique de souplesse, de présence, de relief sonore, une telle direction donne à la partition un coup de jeune, car elle en souligne les nombreuses audaces instrumentales qui annoncent clairement des réussites postérieures. (NDLR: l’apport des chefs de la nouvelle génération, pour lesquels la pratique historiquement informée, ne pose aucun problème, ne cesse de démontrer ses bienfaits, appliqués aux orchestres traditionnels, sur nutriments modernes : voir ici toute la démarche d’un jeune maestro comme Bruno Procopio, chef et claveciniste, récent chef invité à l’Orchestre royal Philharmonique de Liège)
La distribution réunie par Serge Dorny tire avec éclat son épingle du jeu. La soprano colorature candienne Jane Archibald est une Constance dont chaque intervention soulève l’enthousiasme ; la vocalise est aisée jusque dans les notes interpolées, alors que les moments introspectifs bénéficient d’un traitement tout en rondeur. Il en va de même pour le Belmonte ardent du jeune et talentueux ténor français Cyrille Dubois, qui fait preuve d’un panache indéniable dans ses quatre airs : généreux, pénétrant, charmeur, son chant frise tout simplement l’idéal. Si l’acteur Peter Lohmeyer ne fait croire à aucun moment aux tourments qu’il menace de faire subir à sa prisonnière (Mouawad en fait au contraire une sorte de philosophe plein de sagesse), la basse bavaroise David Steffens s’avère, lui, très convaincant dans le rôle du gardien du harem (Osmin), dégraissant agréablement son chant pour éviter de conférer des couleurs trop sombres à son sadique personnage. En Blondine, la soprano polonaise Joanna Wydorska fait feu de tout bois, avec sa voix tellement assurée, tirant même un peu la couverture à soi avec une espièglerie presque éhontée dans son affrontement avec Osmin. Enfin, le ténor allemand Michael Laurenz est un Pedrillo simplement parfait, en acteur accompli doublé d’une voix d’une éclatante santé.
Compte-rendu, opéra. Lyon, Opéra, le 11 juillet 2016. W. A. Mozart : L’Enlèvement au sérail. Konstanze : Jane Archibald, Blonde : Joanna Wydorska, Belmonte : Cyrille Dubois, Pedrillo : Michael Laurenz, Osmin : David Steffens, Selim : Peter Lohmeyer. Décors : Emmanuel Clolus ; Costumes : Emmanuelle Thomas ; Lumières : Eric Champoux ; Dramaturgie : Charlotte Farcet. Mise en scène : Wajdi Mouawad. Choeur et Orchestre de l’Opéra National de Lyon. Stefano Montanari, direction musicale.
NDLR : Jane Archibald est d’autant plus familière du rôle de Constanze qu’elle l’a magnifiquement défendu lors d’une représentation mémorable à Paris, TCE en septembre 2015, récemment édité au disque sous la direction de l’excellent Jérémie Rhorer, version de l’Enlèvement au Sérail, couronnée par le CLIC de classiquenews de l’été 2016).
NDLR : Note de la Rédaction.