Compte rendu, opéra. Metz, Opéra-Théâtre, le 21 décembre 2017. Benatzky : L’Auberge du Cheval blanc. Cyril Englebert / Paul-Emile Fourny. La légèreté, l’insouciance, une certaine puérilité sont de saison, où il est de bon ton d’éluder tous les problèmes, tous les soucis. Cette opérette populaire emprunte à la revue et à la comédie musicale, par son dynamisme et son aspect spectaculaire, en conservant ses références tyroliennes et viennoises, avec l’ajout bienvenu de références belge, nous allons voir pourquoi, une fois.
Un Belge au Tyrol
Un glossaire du parler bruxellois, distribué aux spectateurs à leur entrée en salle, donne le ton : c’est bien sous le signe de l’humour belge qu’est placée cette relecture de la partition. La mutation du Marseillais Napoléon Bistague (l’industriel fabricant de tricots) en Léon Tonneklinker, roi de la praline, est bienvenue. Le parler savoureux, plus vrai que nature (rôle de composition de Laurent Montel, qui n’est pas belge), de ce nostalgique d’Ostende, qui citera Brel, Bienvenue chez les ch’tis, bien que confiné au récit, est un des atouts de cette production. Autre personnage substitué : Le professeur Hizelmann disparaît au bénéfice d’un maestro Desgrieux [Dég’ Rieu ?], clone d’un néerlandais faisant des viennoiseries musicales lucratives, dont chacun aura reconnu l’original. Le Marseillais et le juif que moquait le texte original ont donc été remplacés par un Bruxellois et un musicien. On ne perd pas au change. Le metteur en scène, Paul-Emile Fourny – d’origine wallonne – et son assistante, Pénélope Bergeret, s’ils ont conservé l’intégralité de la partition en deux actes, ont choisi de réécrire les textes parlés, pour notre plus grand bonheur.
Les plus anciens se remémorent le livret, un peu désuet : Léopold aime la belle Josefa, sa patronne, qui lorgne vers un client, avocat, lui-même épris de la fille d’un industriel (ici, chocolatier). L’arrivée inopinée de l’Empereur François-Joseph – dont la très jeune femme, au caractère bien trempé, se prénomme maintenant Melania, on se demande pourquoi – précipitera l’action, et conduira à un triple mariage.
Fantaisie, grâce, légèreté, humour, insouciance, et toujours des mélodies séduisantes qui s’impriment dans les mémoires, la seule ambition est de distraire et de charmer. Le décor, conçu pour se prêter à de multiples transformations, restitue toutes les scènes voulues par les créateurs, avec le grand spectacle (l’arrivée des touristes débarquant du car avec leur guide, bateau voguant sur le lac, voiture de sport etc.), dont la dimension est essentielle à ce type de production. L’auberge est accueillante, bâtiment propret blanchi à la chaux, sur deux niveaux, avec des colombages, des géraniums et des coursives pour accéder aux chambres. Les Alpes, le lac et une route en fond de scène, permettant l’arrivée du car, et d’un cabriolet de sport, comme l’accostage de bateaux … Un escalier monumental (l’Empereur le mérite, mais aussi la revue l’exige, avec ses girls), et la cloison des cuisines seront les seuls additions permettant un renouvellement fréquent du cadre, assorti d’éclairages appropriés. Un régal pour l’œil. Toujours élégants et seyants, colorés à souhait, avec la touche de fantaisie qui sied, les très nombreux costumes y participent, d’une extrême variété, cocasses, d’inévitables tyroliens en culottes de peau, rompus aux danses traditionnelles, mais aussi d’une foule bigarrée sortie tout droit d’une planche de Tintin.
Les airs qui ont fait le succès de l’opérette sont encore dans les mémoires des plus anciens. Ce soir, ils n’ont pas pris une ride, et si certains ont dû fredonner intérieurement tel ou tel, beaucoup ont découvert un répertoire séduisant : Je vous emmènerai sur mon joli bateau ; Tout bleu, tout bleu ; La bonne auberge du Cheval blanc ; Pour être un jour aimé de toi, je donnerais ma vie ; Adieu, adieu ; sont autant de moments de bonheur. Aucun des interprètes ne démérite. Portés par une salle bienveillante et réactive, chacune, chacun va donner le meilleur de lui-même. La distribution totalement francophone, soucieuse de l’intelligibilité des textes, est harmonieuse. Sabine Conzen, excellente soprano lyrique, aux graves solides, donne toute son autorité à Josefa, la patronne. Michel Vaissière, beau baryton, nous vaut un Léopold tour à tour tendre, résolu, puis éméché. Erich Siedler, l’avocat, est Carl Ghazarossian, ténor solide et comédien habile. Ottilie, la fille de l’industriel bruxellois, a tout pour séduire ce dernier, y compris la voix. Le Célestin de Julien Belle est irrésistible en chantant « on a l’béguin pour mes chaussettes ». Les comédiens, Laurent Montel, tout particulièrement portent le spectacle à son meilleur niveau. Mais n’oublions pas les artistes des chœurs comme ceux du ballet, très sollicités, dont les prestations sont toujours remarquables. L’Orchestre National de Lorraine, sous la baguette efficace de Cyril Englebert, joue, au meilleur sens du terme, avec ces musiques viennoises, tyroliennes (avec un accordéon solo sur scène) et ces rythmes balancés de comédie musicale.
La preuve est faite qu’en demeurant fidèle à la partition et à l’esprit qui l’anime, il est possible, sans concessions, de réussir un grand spectacle, où solistes, choristes, danseurs se mêlent sans qu’il soit toujours possible de les distinguer, pour le plus grand bonheur de tous
___________
Compte rendu, opéra. Metz, Opéra-Théâtre, le 21 décembre 2017. Benatzky : L’Auberge du Cheval blanc. Cyril Englebert / Paul-Emile Fourny. Sabine Conzen, Michel Vaissière, Carl Ghazarossian, Léonie Renaud, Julien Belle . Crédit photo : © Arnaud Hussenot – Opéra-Théâtre de Metz Métropole.