COMPTE-RENDU, opéra. PARIS, Opéra-Comique, le 30 mars 2019. Adolphe Adam : Le Postillon de Lonjumeau. Michael Spyres / Michel Fau / Sébastien Rouland. Le 13 octobre 1836 fut une grande date dans l’histoire de l’Opéra-Comique avec la création du Postillon de Lonjumeau (sans g) d’Adolphe Adam ; l’ouvrage fut accueilli triomphalement pour sa musique enjoué et le talent de ses deux interprètes principaux. Il connut plus de 500 représentations pendant le XIXe siècle avant de disparaître de l’affiche en 1894… pour réapparaître enfin ces jours-ci dans l’institution qui l’a vu naître. Le Postillon d’Adam, alias Chapalou, c’est d’abord un ténor qui se doit d’affronter, avec une vocalità typiquement rossinienne, l’une des tessitures les plus périlleuses du répertoire. Tout est basé sur sa performance : c’est en chantant son air « Mes amis, écoutez l’histoire », au premier acte – dont Donizetti se souviendra peut-être dans sa Fille du régiment, quatre ans plus tard -, et en poussant un retentissent contre-Ré qu’il est engagé dans la troupe de l’opéra Royal. Devenu célèbre, Chapelou apparaît au II sous les traits de Saint-Phar, le plus adulé des ténors, qui joue les Divos en se produisant devant Louis le quinzième.
Retour réussi du Postillon de Lonjumeau au Comique
De sauts d’octaves en contre-ré,
Michael Spyres rayonne en Postillon
Pour rendre crédible un tel livret et donner à sa musique sa véritable identité, il fallait le plus expert des interprètes, notamment sur le plan vocal. Le nom de Michael Spyres, qui a déjà connu d’immenses succès sur cette même scène et dans répertoire proche, s’est imposé à Olivier Mantei, et le moins que l’on puisse dire est que le ténor américain n’a pas déçu les attentes. Avec sa diction française impeccable (mais un petit accent charmant dans les dialogues parlés), son style parfait, il impressionne surtout par ses sauts d’octaves et ses contre-Ré émis sans effort, qui ont fait délirer le public. A ses côtés, la jeune soprano québécoise Florie Valiquette, avec sa voix fraîche et bien timbrée, trouve des accents d’un beau pathétisme, surtout à la fin du I où cet opéra-comique (qui annonce déjà l’opérette de demain…) bascule dans le drame semi-serio, à l’image du meilleur Rossini. Au II, elle a le piquant et l’espièglerie de Madeleine, l’épouse délaissée par Chapelou, transformée, grâce à un riche héritage, en élégante Madame de Latour, dont elle possède la tierce aiguë et l’abattage. De son côté, l’inénarrable Frank Leguérinel campe le plus crédible des Marquis de Corcy, méprisant et cruel à souhait, et vocalement d’une diction exemplaire. Enfin, le baryton wallon Laurent Kubla, à l’émission franche et sonore, est à la fois le jaloux Biju, rival en amour du Postillon, puis Alcindor, le cocasse compagnon de route de Saint-Phar. (Illustration ci dessus : Frank Leguérinel et Michael Spyres)
Après ses succès dans l’univers lyriques – Ciboulette de Hahn ici-même / avril 2015 ; ou Ariadne auf naxos tout dernièrement au Théâtre du Capitole / mars 2019 -, Michel Fau signe une production qui respecte à la fois certaines règles propres à l’opéra-comique, mais en les revoyant par le prisme de son propre univers, kitsch et fellinien à la fois. Les décors colorés et acidulé d’Emmanuel Charles, la plupart sous formes d’immenses toiles peintes, font penser à l’univers des célèbres photographes Pierre et Gilles, tandis que les costumes baroques de Christian Lacroix sont un régal pour les yeux. Travesti en Rose, la suivante de Madame de Latour, Michel Fau nous fait son habituel numéro, mais avec moins de génie que de coutume ici, l’hilarité qu’il suscite étant plus souvent forcée que naturelle.
A la tête d’un Orchestre de l’Opéra de Rouen chatoyant, le jeune chef français Sébastien Rouland n’a pas peur de s’engager corps et âme dans une œuvre aux visages multiples, et accompagne avec amour ses chanteurs, tout en restituant la verve des pages les plus savoureuses et pétillantes.
Une heureuse résurrection qu’il ne faut surtout pas manquer à Paris… ou à Rouen où le spectacle sera repris pour les fêtes de fin d’années 2019 !
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COMPTE-RENDU, opéra. PARIS, Opéra Comique, le 30 mars 2019. ADAM : Le Postillon de Lonjumeau. Michael Spyres / Michel Fau / Sébastien Rouland. Illustrations : © S Brion 2019 – A l’affiche de l’Opéra-Comique à PARIS, jusqu’au 9 avril 2019 – Diffusion sur France Musique, le 28 avril 2019, 20h