dimanche 20 avril 2025

COMPTE-RENDU, opéra. SAINT-ETIENNE, Opéra, le 8 mars 2019. GODARD : Dante. Gaugler, Marin-Degor, Vesperini / Gerts

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Jean-François Lattarico
Jean-François Lattarico
Professeur de littérature et civilisation italiennes à l’Université Lyon 3 Jean Moulin. Spécialiste de littérature, de rhétorique et de l’opéra des 17 e et 18 e siècles. Il a publié de Busenello l’édition de ses livrets, Delle ore ociose/Les fruits de l’oisiveté (Paris, Garnier, 2016), et plus récemment un ouvrage sur les animaux à l’opéra (Le chant des bêtes. Essai sur l’animalité à l’opéra, Paris, Garnier, 2019), ainsi qu’une épopée héroïco-comique, La Pangolinéide ou les métamorphoses de Covid (Paris, Van Dieren Editeur, 2020. Il prépare actuellement un ouvrage sur l’opéra vénitien.

COMPTE-RENDU, opéra. SAINT-ETIENNE, Opéra, le 8 mars 2019. GODARD : Dante. Gaugler, Marin-Degor, Vesperini / Gerts. Révélé il y trois ans à Munich, lors d’un mémorable concert et enregistré dans la foulée avant une reprise à Versailles, le Dante de Benjamin Godard reçoit enfin les honneurs d’une recréation scénique. Mise en scène et direction d’acteurs efficace pour une partition qui regorge de beautés compensant une intrigue quelque peu statique.

 

 

 

La lyrique Comédie

 

DANTE godard paul gaugler frederic caton

 

 

 

En apparence, le drame d’Édouard Blau et de Benjamin Godard reproduit la structure du Grand Opéra : quatre actes, une juxtaposition de tableaux plus qu’un entremêlement d’intrigues complexes, une grande importance accordée aux masses chorales et une inscription dans l’Histoire, ici la Florence du XIIIe siècle troublée par les luttes intestines entre Guelfes et Gibelins. C’est un bref et dramatique interlude qui nous plonge directement au cœur du sujet à travers un double chœur véhément opposant les deux factions rivales. Le lien avec le poème de Dante est assez ténu et c’est à un épisode de la vie sentimentale du poète que l’intrigue de l’opéra s’intéresse : à la rivalité politique qui sert de toile de fond à l’histoire, fait écho la rivalité amoureuse entre Dante et son ami Simeone Bardi pour la jeune et belle Béatrice. Celle-ci est secondée par sa confidente Gemma, tandis que l’ombre de Virgile sert de contrepoint au voyage du poète dans les Enfers – précédé d’une très entrainante tarentelle – occasion pour évoquer quelques épisodes de la Divine Comédie (Paolo et Francesca, Ugolin) opposés à une vision fantasmée du Paradis dans une synthèse dramatiquement efficace.
La mise en scène de Jean-Romain Vesperini, les décors sobres de Bruno de Lavenère et les costumes superbes de Cédric Tirado, constituent un écrin idéal pour cette recréation (quelques colonnes entourées d’une passerelle et des escaliers en hélice), un décor unique amovible permettant de suggestifs changements d’angle, magnifié par les lumières chaleureuses de Christophe Chaupin.
La distribution réunie pour cette recréation mondiale, qui diffère de celle du disque (seule Diana Axentii fit partie de la première aventure) brille par sa cohésion et sa cohérence. Dans le rôle-titre, le ténor Paul Gaugler révèle des accents héroïques souvent convaincants, une légèreté de timbre qui trahit la fragilité du personnage, même s’il est parfois à la peine quand il est sollicité dans le registre aigu (« Ah, de tous mes espoirs ») ; la Béatrice de Sophie Marin-Degor n’est pas vraiment la jeune fille de quinze ans qu’elle est censé incarner et si son chant traduit sa riche et longue expérience, notamment dans ses brillants aigus, le registre médium manque de moelleux et la diction en pâtit quelque peu (« Comme deux oiseaux que leur vol rassemble »). L’autre interprète féminine, la Gemma de la mezzo Aurhélia Varak, bouleverse par un timbre mordant, riche et ample, notamment dans la romance du dernier acte (« Au milieu de vous, dans ce monastère ») et dans le superbe duo avec Bardi au début du second acte (« À lui, dès son enfance »). Mais la palme revient justement au baryton Jérôme Boutiller, incarnation admirable du noble chant à la française ; diction et projection impeccables, chacune de ces interventions est un concentré d’énergie pathétique qui rendrait sublime le plus médiocre livret. Dans le rôle de l’ombre de Virgile, la basse Frédéric Caton est sombre à souhait dans ses interventions de la vision dantesque du 3e acte. Contraste saisissant avec le timbre solaire de son écolier Diana Axentii qui, bien que souffrante le soir de la première, a fort bien tiré son épingle du jeu dans son ode à Virgile. Le héraut d’armes Jean-François Novelli, qu’on ne voit pourtant guère sur scène, complète efficacement la distribution.
Dans la fosse, la baguette alerte de Mihhail Gerts rend justice à cette partition qui combine efficacement les registres – les volutes miroitantes de la tarentelle et celles hypnotiques du tourbillon infernal –, privilégiant dans tous les cas une grande lisibilité des pupitres. On saluera également la magnifique prestation des chœurs (préparés par Laurent Touche), plus engagés encore qu’au disque. Malgré quelques menues coupures, cette résurrection du Dante de Godard poursuit le travail de défrichage de l’opéra de Saint-Étienne qui se poursuivra en mai avec la rare Cendrillon d’Isouard.  Dernière demain, mardi 12 mars 2019.
http://www.opera.saint-etienne.fr/otse/saison-18-19/saison-18-19//type-lyrique/dante/s-495/

 

 

 

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COMPTE-RENDU, opéra. SAINT-ETIENNE, Opéra, le 8 mars 2019. GODARD : Dante. Paul Gaugler (Dante), Sophie Marin-Degor (Béatrice), Jérôme Boutiller  (Bardi), Aurhélia Varak (Gemma), Frédéric Caton (L’ombre de Virgile / Un vieillard), Diana Axentii (L’écolier), Jean-François Novelli (Un héraut d’armes), Claire Babel, Émilie Broyer, Brigitte Chosson, Véronique Richard (Les religieuses), Jean-Romain Vesperini (mise en scène), Claire Manjarrès (assistante à la mise en scène), Bruno de Lavenère (décors), Cédric Tirado (costumes), Christophe Chaupin (lumières), Laurent Touche (Chef de chœurs), Orchestre symphonique Saint- Étienne, Mihhail Gerts  (direction). Photos : © Cyrille Cauvet – Opéra de Saint-Étienne

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