dimanche 20 avril 2025

Compte-rendu, opéra. Saint-Etienne. Opéra-Théâtre, le 16 février 2014. Camille Saint-Saëns : Les Barbares. Catherine Hunold, Edgaras Montvidas, Julia Gertseva, Jean Teitgen, Shawn Mathey, Philippe Rouillon. Laurent Campellone, direction musicale.

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saint-saens_582_home_barbaresFidèle à sa politique en faveur de l’opéra français et notamment les œuvres rares ou oubliées, l’Opéra-Théâtre de Saint-Etienne permet à son directeur musical, Laurent Campellone, de mener à bien un projet qui lui tenait particulièrement à cœur : remettre en lumière un ouvrage lyrique de Camille Saint-Saëns, endormi depuis sa création à Paris en octobre 1901 : Les Barbares. Ecrit pour le Théâtre Antique d’Orange où la troupe de l’Opéra de Paris devait se rendre – mais les représentations devant le mur d’Auguste n’eurent jamais lieu –, cette œuvre témoigne d’un goût en ce début de vingtième siècle pour les grandes fresques, notamment inspirées par les civilisations antiques, alors que le genre avait perdu de son intérêt durant les décennies précédentes. Mais le compositeur français, plutôt que de sacrifier au péplum spectaculaire, concentre le drame au cœur des rapports humains. Il nous narre ainsi comment le chef germain Marcomir tombe sous le charme de la vestale Floria alors qu’il envahit sa cité, pendant que Livie, veuve d’un consul tombé au combat, recherche le meurtrier de son époux et médite sa vengeance.

Les Barbares tirés du sommeil

La partition s’ouvre par un prologue résumant à la fois l’action et les thèmes musicaux parsemant l’ouvrage, introduction aux climats variés, à la puissance quasi-cinématographique, appelant audiblement une illustration scénique.
On admire tout particulièrement l’évocation des combats, qu’on ne voit jamais durant toute l’œuvre, les échos des chœurs retentissant depuis les coulisses en des effets saisissants, soutenus par un orchestre doté d’accessoires improbables, notamment un gigantesque maillet produisant un fracas formidable. L’écriture instrumentale rappelle autant Wagner que Berlioz, et semble regarder très ouvertement, malgré des accords d’une richesse audacieuse, vers le siècle précédent. Dans le traitement des voix, on ressent la primauté donnée au texte, comme un retour à la tragédie lyrique, les tessitures employées demeurant relativement centrales et peu étendues vers les extrêmes. Ce qui paraît exiger des grandes et larges voix, au vu de l’orchestration déployée en-dessous d’elles.
barbares saint etienne saint saens hunold charly jurineLe Palazzetto Bru Zane et la maison stéphanoise ont tenté l’impossible pour rassembler les vocalités adéquates et ont réuni ainsi une très belle distribution.
On salue sans réserve la Floria idéale de Catherine Hunold, son instrument capiteux et généreux se coulant à merveille dans cet emploi. Avec un timbre rappelant irrésistiblement aussi bien Régine Crespin que Margaret Price, la soprano française démontre une fois encore qu’elle est aujourd’hui la meilleure chanteuse de l’Hexagone pour servir ce répertoire et ces rôles si particuliers.
La clarté du texte demeure ainsi exemplaire de bout en bout, l’aigu sonne sans effort jusqu’à des piani adamantins de haute école, et la musicienne cisèle chaque phrase en grande artiste. On a hâte de la réentendre bientôt à Tours dans la rare Bérénice de Magnard.
A ses côtés, le ténor lituanien Edgaras Montvidas affronte avec les honneurs la vaillance mâtinée de tendresse de Marcomir. Si l’écriture du personnage paraît exiger davantage de largeur dans le médium et un aigu plus éclatant, le chanteur passe l’orchestre sans forcer et assure crânement toutes ses interventions, avec une franchise qu’il convient d’applaudir.
La mezzo Julia Gertseva incarne une Flavie très crédible dans sa haine venimeuse, malgré une couleur vocale parfois métallique et un style français qui demeure à perfectionner. Néanmoins, le travail sur la diction s’avère remarquable de précision, et l’ampleur sonore de cette voix donne une vraie stature à cette femme assoiffée de vengeance.
On retrouve avec plaisir la basse imposante de Jean Teitgen, toujours éclatant et rugissant en Récitant comme en Scaurus. Seule l’émission pourrait, à notre sens, gagner en hauteur et en mordant, pour ainsi percuter encore davantage et rendre le texte plus intelligible encore.
La grande leçon de style et de déclamation lyrique, c’est du côté du Hildibrath de Philippe Rouillon qu’il faut la chercher, son instrument puissant remplissant la salle sans effort, et chaque mot demeurant parfaitement intelligible, grâce à des consonnes projetées avec art et des voyelles d’une clarté devenue rare. Shawn Mathey assurant quant à lui son rôle de Veilleur avec efficacité et probité.
Toujours époustouflant dans ce répertoire, Laurent Campellone galvanise ses troupes, tant le chœur – comme à son habitude irréprochable d’homogénéité et de clarté – que l’Orchestre Symphonique Saint-Etienne Loire, idéal dans cette esthétique musicale, les musiciens prenant visiblement un grand plaisir à servir cette partition rare et si gratifiante pour eux. Grand succès aux saluts, et il ne reste plus qu’à attendre la sortie du disque immortalisant cette redécouverte passionnante. Prochain rendez-vous en 2015, nous y serons !

Saint-Etienne. Opéra-Théâtre, 16 février 2014. Camille Saint-Saëns : Les Barbares. Livret de Victorien Sardou et Pierre-Barthélémy Gheusi. Avec Floria : Catherine Hunold ; Marcomir : Edgaras Montvidas ; Livie : Julia Gertseva ; Le Récitant, Scaurus : Jean Teitgen ; Le Veilleur : Shawn Mathey ; Hildibrath, Le Grand Sacrificateur : Philippe Rouillon. Chœur lyrique Saint-Etienne Loire ; Chef de chœur : Lautent Touche. Orchestre Symphonique Saint-Etienne Loire. Laurent Campellone, direction musicale.

Illustrations : Camille Saint-Saëns, Catherine Hunold © C. Jurine

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