lundi 21 avril 2025

COMPTE-RENDU, opéra. TOULOUSE, le 1er mars 2019. R. STRAUSS: Ariane à Naxos. Fau, Hunhold, Savage. Orch Nat Capitole. E.ROGISTER

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COMPTE-RENDU, opéra. TOULOUSE, Capitole, le 1er mars 2019. R. STRAUSS: Ariane à Naxos (nouvelle production). Fau, Belugou, Fabing, Hunhold, Savage, Morel, Sutphen. Orch National du Capitole. E.ROGISTER, direction. Donner l’opéra le plus élégant de Richard Strauss et Hugo von Haufmannstahl, le plus exigeant au niveau théâtral avec des voix hors normes, toutes surexposées, est une véritable gageure que Christophe Ghristi, nouveau directeur de l’auguste maison toulousaine, relève avec brio. Il a trouvé en Michel Fau un homme de théâtre respectueux de la musique, capable de donner vie à Ariane à Naxos en un équilibre parfait entre théâtre et musique, entre le prologue et l’opéra lui-même.
J’ai toujours jusqu’à présent trouvé que la partie musicale dépassait le théâtre et que des deux parties l’une dominait l’autre. Au disque la musique sublime de bout en bout de l’opéra s’écoute en boucle et sans limites, à la recherche de timbres rares et de vocalités exactes. A la scène souvent le prologue est trop ceci ou pas assez cela ; et en fait ne convainc pas ; trop souvent l’opéra peut s’enliser. Pourtant je parle de productions à Aix (avec  l’Ariane de Jessye Norman) ou Paris (avec la Zerbinetta de Natalie Dessay)… Je dois dire que ce soir le travail extraordinairement intelligent et délicat de Michel Fau mériterait une analyse de chaque minute.  L’humour y est d’une subtilité rare et sur plusieurs plans. La beauté des costumes (David Belugou)  et des maquillages (Pascale Fau)  ajoutent une élégance rare à chaque personnage quelque soit son physique.

Ariane à Naxos de Strauss/Hofmansthal
Production géniale à Toulouse

STRAUSS-ariane-capitole-toulouse-opera-critique-annonce-classiquenews-critique-opera-Issachah-Savage-(Bacchus)-et-Catherine-Hunold-(Ariane)---crédit-Cosimo-Mirco-Magliocca

C’est également David Belugou qui a réalisé deux décors intelligents et qui éclairés avec subtilité par Joël Fabing, semblent bien plus complexes et profonds qu’ils ne paraissent. Il est rarissime de trouver à l’opéra travail théâtral si soigné dans un respecte absolu de la musique. Dans la fosse les instrumentistes de l’orchestre du Capitole choisis pour leur excellence jouent comme des dieux sous la baguette inventive et vivante d‘Evan Rogister. Il aborde par exemple le prologue de l’opéra avec une allure presque expressionniste et sèche avant de colorer toute la subtile orchestration de Strauss en son poids exact. N’oublions pas que les 38 instrumentistes demandés par Strauss sont évidement de parfaites solistes ou chambristes avérés, mais ensemble ils sonnent comme un orchestre symphonique complet (dans le final).

Que dire des chanteurs à présent ? Ayant chacun les notes incroyables exigées et des timbres intéressants, dans un tel contexte, ils n’ont qu’à chanter de leur mieux pour devenir …divins dans un environnement si favorable. Jusqu’aux plus petites interventions, chacun est merveilleux. L’Ariane de Catherine Hunold est sculpturale, sa prima Donna caricaturale.  En Bachus,  le ténor Issachah Savage,  est éblouissant de panache vocal avec une quinte aiguë et une longueur de souffle qui tiennent du surnaturel ;  dans le prologue, sa brutalité pleine de morgue un est vrai régal de suffisance, pardonnée après le final. Car la puissance du duo final justement, est historique ; une telle plénitude sonore dépasse l’entendement. La Zerbinetta d‘Elisabeth Sutphen mérite des éloges pour un équilibre théâtre-chant de haut vol, alors qu’il s’agit d’une prise de rôle. Elle passe du moqueur au profond en un clin d’ oeil ; virtuose ou languide, elle peut tout.
Le trio de voix, rondes et nuancées, qui tiennent compagnie à Ariane sur son rocher sont d’une qualité inoubliable que ce soit Caroline Jestaedt,  en Naïade, Sarah Laulan en Dryade ou Carolina Ullrich en Echo. Les quatre messieurs qui accompagnent Zerbinetta ne sont pas en reste au niveau vocal mais jouent également avec beaucoup de vivacité et d’énergie (Pierre-Emmanuel Roubet,  Scaramouche ; Yuri Kissin,  Truffaldino ; Antonio Figueroa,  Brighella).  Philippe-Nicolas Martin, en  Arlequin ajoutant une belle touche de vraie-fausse mélancolie dans son lied.
Dans le Prologue, le compositeur d’Anaïk Morel est très sympathique ; c’est vraiment Strauss lui-même qui se questionne sur la folie d’oser composer des opéras dans un monde si absurde. La réponse est OUI :  la beauté, l’intelligence, la finesse sont le remède à l’absurdité et la bêtise du monde. Aujourd’hui à Toulouse, le flambeau a été rallumé avec panache. Oui en une soirée la beauté peut ragaillardir tout un théâtre et le succès public a été retentissant. Les mines réjouies en quittant la salle du Capitole en disent long sur la nécessité de croire, et ce soir de l’avoir vue réalisée, en cette alchimie subtile  qui se nomme opéra. Génialement, unanimement appréciée, la production capitoline aborde le rivage de la perfection !

 STRAUSS ARIANE A NAXOS capitole critique opera classiquenews mars 2019

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COMPTE-RENDU, opéra. Toulouse, Capitole, le 1er Mars 2019. RICHARD STRAUSS (1864-1949) : ARIANE à NAXOS, Opera  en un acte et un prologue, Livret  de Hugo von Hofmannsthal, Création  le 4 octobre 1916 au Hofoper de Vienne, Nouvelle production du Théâtre du Capitole/Opéra Orchestre  national  de  Montpellier – Occitanie.  Michel Fau,  mise en scène ; David Belugou,  décors et costumes ; Joël Fabing,  lumières ; Pascale Fau ,  maquillages.  Avec : Catherine Hunold,  Primadonna / Ariane ; Issachah Savage,  Ténor / Bacchus ; Anaïk Morel,  Le Compositeur ; Elisabeth Sutphen,  Zerbinetta ; Philippe-Nicolas Martin , Arlequin ; Pierre-Emmanuel Roubet,  Scaramouche; Yuri Kissin,  Truffaldino ; Antonio Figueroa,  Brighella ; Caroline Jestaedt,  Naïade ; Sarah Laulan,  Dryade ; Carolina Ullrich,  Echo; Florian Carove,  Le Majordome ; Werner Van Mechelen,  Le Maître de musique ; Manuel Nuñez Camelino,  Le Maître à danser; Alexandre Dalezan, Le Perruquier ; Laurent Labarbe,  Un Laquais ; Alfredo Poesina,  L’Officier ; Orchestre national du Capitole ; Evan Rogister :   direction musicale. / Photos: © Cosimo Mirco Magliocca / Capitole de Toulouse 2019

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