mercredi 23 avril 2025

COMPTE RENDU, opéra. Varsovie, le 15 août 2019. Jan Stefani (1746 – 1829) Cud mniemany, czyli Krakowiacy i Górale Le Miracle supposé ou les Cracoviens et les Montagnards Varsovie – 1794 

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varsovie-e1531396395212COMPTE RENDU, opéra. Varsovie, le 15 août 2019. Jan Stefani (1746 – 1829) Cud mniemany, czyli Krakowiacy i Górale Le Miracle supposé ou les Cracoviens et les Montagnards Varsovie – 1794   –  La légende raconte que la sirène Mélusine a mené le duc Bolesław II de Mazovie sur un des coudes de la Wisła (Vistule) pour y fonder une ville en son honneur, ce sera la belle Warszawa, Varsovie.  Varsovie est digne de sa devise, Contemnit procellas (résiste aux tempêtes). Telle la sirène guerrière qui orne son blason, la capitale de la Pologne est revenue parmi les ruines après la barbarie des nazis. Au XXIème siècle, Varsovie est un coeur qui bat avec vigueur, avec une vie culturelle passionnante toujours tournée vers la richesse de son patrimoine musical.

Sur les rives de la Sirène… Classiquenews à Varsovie

Connaissez vous Stanislaw Moniuszko et Jan Stefani ?

 

En plus du fabuleux concours Chopin de piano et de son pendant sur instruments anciens, le prestigieux Institut Chopin organise tous les étés le Festival « Chopin i jego Europa » (« Chopin et son Europe »). Pour sa 15e édition cette fabuleuse manifestation a réuni des artistes de taille internationale pour rendre hommage à Chopin et ses contemporains. Ce festival unique en son genre fait la part belle aux interprétations sur instruments d’époque et se concentre aussi sur la musique composée par la talentueuse école Polonaise du XIXème siècle et les œuvres qui ont pour sujet la Pologne et l’héroïque peuple Polonais.

L’identité de cette manifestation, conçue par le directeur artistique Stanislaw Leszczynski, est d’offrir à la musique de Chopin un contexte esthétique et historique pour placer son génie au cœur de la musique Européenne de son temps. En 2019 double célébration puisque le festival se lance dans la redécouverte du fabuleux génie de Stanislaw Moniuszko !

Stanislaw Moniuszko classiquenews portrait opera concert critique operaStanislaw Moniuszko (1819 – 1872) est toujours injustement méconnu en dehors de Pologne. Et pourtant, il a suscité l’admiration de pléthore de ses confrères et de ses contemporains Polonais ou Européens. C’est grâce à l’admirable travail que mènent main dans la main l’Institut Chopin et l’Institut Adam Minckiewicz que des projets fabuleux tels que les derniers enregistrements de la version italienne de Halka ou le Straszny dwór (Le Manoir enchanté) ont été réalisés. Rendons aussi hommage au travail enthousiaste et enthousiasmant du directeur artistique du festival « Chopin i jego Europa », Stanislaw Leszczynski. Grâce à lui, la rencontre entre le richissime patrimoine musical Polonais et des artistes de grande renommée réussit à faire vibrer le cœur du public avec ces chefs d’œuvre.

La Pologne de 2019 est active dans la découverte de son patrimoine musical. La preuve en est l’énergie avec laquelle M. Leszczynski construit une remarquable programmation et des artistes polonais tels que le chef admirable Luckasz Borowicz s’engagent dans la résurrection des plus belles pages de la musique Polonaise.

VARSOVIE, le 15 août 2019 – Salle Philharmonique –  20h

Jan Stefani (1746 – 1829)
Cud mniemany, czyli Krakowiacy i Górale
Le Miracle supposé ou les Cracoviens et les Montagnards
Varsovie – 1794
Première mondiale en version concert

En 1794, la Pologne vivait ses derniers mois comme un état véritablement indépendant. En effet, ce qui jusqu’alors était la glorieuse Rzeczpospolita Obojga Narodów (La République des deux Nations ou Pologne-Lituanie). Cette nation était un des plus grands états d’Europe, s’étendant des rives de l’Oder à Smolensk et le sud de l’Estonie actuelle. Cas unique en son genre, cette République sui generis élisait un roi. D’ailleurs ce fut le cas d’Henri de Valois, ce célèbre « Roi malgré lui » que Chabrier immortalisa, qui deviendra Henri III de France en 1574.

Le miraculeux Stefani ! 

stefani-jan-polonais-compositeur-concert-annonce-critique-concertLa France a toujours été un pays qui a beaucoup influencé la destinée de la Pologne. Les événements de 1789 et la suite de l’aventure Révolutionnaire ont été vivement ressentis en Pologne et ont fait croitre un jacobinisme certain au sein de la République. Las ce grand état, était entouré des ambitions territoriales d’une Prusse de plus en plus puissante, de l’Autriche avide de nouveaux territoires et de la tsarine Catherine II qui souhaitait pénétrer de plus en plus en occident. En 1772, un premier « partage » de l’immense territoire de la Pologne s’est opéré, sans coup férir. En 1794, le destin de la Rzeczpospolita semblait scellé, en effet en 1793 l’alliance dit « d’amitié » que le régime a signé avec la Prusse était la porte ouverte à son démembrement final qui aura lieu lors de la dernière Diète de la République des Deux Nations à Grodno du 17 juin au 23 novembre 1793. La fin de l’existence de l’Etat Polonais semblait inéluctable et irréversible.

Lors de la création de ce Miracle Supposé le 1er mars 1794 à Varsovie, la fureur couvait dans la capitale à cause de l’inique résolution de partition arrachée par la force des baïonnettes Russes et Prussiennes aux membres de la Diète. Et le livret de Boguslawski, est truffé de « Liberté » et de valeurs de résistance. En effet l’histoire raconte l’arrivée des sauvages Montagnards à Mogila, village de la banlieue de Cracovie, qui risquent d’enlever la belle Basia. Heureusement pour les villageois et malgré l’appel à la fraternité de l’étudiant Bardos, ce sont les héroïques Cracoviens qui repoussent les barbares Montagnards.
L’argument et des extraits éloquents, contrastent avec la réalité que devait vivre la nation Polonaise à l’heure de la création. En effet, coïncidence étonnante, alors que ce Miracle Supposé devait toujours être à l’affiche, le 12 mars 1794 marque le début du soulèvement glorieux de Tadeusz Kosciuszko qui sera maté dans le sang par l’armée Russo-prussienne le 16 novembre 1794. Après ça, la Pologne cessera d’exister tout à fait après le partage de 1795 jusqu’à la fondation du Grand Duché de Varsovie par Napoléon Ier en 1807.

LA RÉSISTANCE DU PEUPLE
L’on peut concevoir ce magnifique opéra comme un véritable appel à la résistance culturelle d’un peuple qui a toujours refusé de céder à l’ambition de ses voisins.

Et l’oeuvre est admirable. Construite comme un opéra comique ou un singspiel, on retrouve des dialogues parlés et des arias pétillants et d’une beauté élégiaque. On sent aisément une influence de l’école de Haydn et aussi de la musique populaire Polonaise. Dès l’ouverture nous sentons le raffinement classique de Stefani, né Tchèque et désormais Polonais. Dès l’ouverture avec les soli de l’harmonie qui dialoguent avec les cuivres et les cordes, ont pourrait comparer cette partition au meilleur de Salieri ou de Martin y Soler.

On retrouve aussi des airs fabuleux, tels que les airs de Basia et le « Jestem dobra » qui aurait pu être un des airs de Susanna dans les Noces de Figaro. Aussi on remarque la très belle Cavatine « Swiat srogi » de l’étudiant Bardos qui nous appelle à la fraternité. Ou bien la très belle Polacca : « Rzadko widac » de Dorota. La partition regorge de merveilleux trésors.

Et l’interprétation est juste … sublime. Malgré l’acoustique très résonnante de la Salle Philharmonique de Varsovie, le Collegium 1704 et son choeur le Collegium Vocale 1704 ont fait honneur à leur belle réputation. Cet orchestre nous a déjà habitué à des superbes versions de Zelenka, Bach, Händel et Vivaldi ; les retrouver dans un territoire plus tardif était une très belle surprise.
Vaclav Luks mène son orchestre avec le même enthousiasme communicatif que pour tous ses projets et dessine les nuances de la partition de Stefani avec précision et une richesse de timbre inégalée. On devine finalement les influences du compositeur mais aussi la maîtrise du style avec des orchestrations liées à la dramaturgie. Vivement que Vaclav Luks et son orchestre poursuivent leur exploration du répertoire classique, on en réclame !

Côté cast, Nous saluons des voix dans l’ensemble très belles et justes. Notre préférence s’est portée vers les sublimes Basia de Natalia Rubis, aux aigus fruités; la Dorota pétillante de Lenka Cafourkova ; les fabuleux Bardos élégiaque de Tomas Selc et Krystian Adam dans les rôles de Stach et Morgal.

Souhaitons retrouver cette belle oeuvre avec des tels artistes un jour sur nos scènes Françaises. Un enregistrement a fixé cette oeuvre au disque et il sortira bientôt dans les bacs en France.

Bartlomiej/ Jonek / Swistos – Vaclav Cizek – ténor
Dorota – Lenka Cafourkova – soprano
Basia – Natalia Rubis – soprano
Stach/Morgal – Krystian Adam – ténor
Bryndas – Jan Martinik – basse
Bardos – Tomas Selc – baryton-basse

Collegium Vocale 1704
Collegium 1704  –  dir. Vaclav Luks

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