Edith Canat de Chizy
Livre d’heures, Vega
Dimanche 16 décembre 2007 à 18h30
Lyon,
Eglise Saint Pothin (Lyon 6ème ardt)
Chœur Britten, L.Mallié, Les Temps Modernes
La compositrice Edith Canat de Chizy confie au chœur de voix féminines Britten (Nicole Corti), à l’organiste Loïc Mallié et aux instrumentistes des Temps Modernes, la (re)création de son Livre d’heures, pour un concert à Lyon le 16 décembre 2007, écho de la parution simultanée d’un disque. « J’étais fascinée par la vie monastique, rythmée par les offices du jour et de la nuit : matines, laudes, vêpres et complies (vers 7 h, 12 h, 17h et 21h), ces 4 offices de l’aube à la nuit, symbole du déroulement d’une vie, de la naissance à la mort, -composant des partitions qui évoquent cette vie si particulière ? Ou un cinéaste, par exemple l’Allemand Philip Gröning, qui a récemment signé un documentaire aux dimensions de très long métrage-poème, Le Grand Silence, tourné en Chartreuse ? Et qui a passé, pour la logique et la réalisation de son projet hors normes, 6 mois au monastère, partageant les règles de vie des moines…
Musicienne du silence
Vous optez pour le cinéaste ? Vous avez perdu, ou vous n’avez pas gagné. Il s’agit d’une compositrice, Edith Canat de Chizy, qui écrivait en 1984 – mais sans préciser qu’elle avait partagé pour autant les rigueurs continues d’une vie recluse – un Livre d’heures fondé sur l’expérience du silence individuel et collectif, du rythme de vie par l’activité incessante du travail et de la prière. Et c’est cette œuvre d’art non point religieux mais sacré (« Le Sacré nous traverse, il surgit, personne ne peut s’en prévaloir ,ni se l’approprier : je reste très réservée par rapport au terme de « musique sacrée ») qu’Edith Canat de Chizy « repropose » au public par l’édition d’un disque, elle-même « portée » par un concert où figurent une autre partition d’elle, Vega (pour orgue) et des œuvres allant du chant grégorien à Olivier Messiaen et Christian Villeneuve, via Mendelssohn. C’est dans la ville où elle est née en 1950, Lyon, que la compositrice retrouve ses racines, au demeurant catholiques (à propos de Vega, elle évoque le souvenir du répertoire post-romantique des longues « sorties » de messe de son enfance)… mais nous n’en saurons pas plus, car à tout âge de la vie, « l’approche du Sacré, c’est une aventure. », selon celle que Mallarmé nommerait aussi « musicienne du silence ». E.Canat de Chizy a en tout cas pris soin, parallèlement à ses études musicales couronnées de lauriers au CNSM de Paris, de suivre une formation supérieure en philosophie et histoire des arts ; elle s’est mise à l’école électro-acoustique du G.R.M., où elle a reçu l’enseignement de Guy Reibel et d’Ivo Malec, eux-mêmes compositeurs à interface (comme on dit aujourd’hui) de sons « technologiques » et de sons traditionnels (vocaux, instrumentaux). Et son chemin a croisé celui de Maurice Ohana, qui l’a conforté dans son idée de vivre une écriture indépendante des modèles dominants (à l’époque de ses « années de formation »), et en réservant une part essentielle de son discours musical à la vocalité poétique (d’où des partitions puisant chez Jean de la Croix, Pierre Reverdy ou Marina Tsvetaeva). Quant à son entrée comme première femme-compositeur chez ces messieurs de l’Institut de France, E.Canat de Chizy dirait probablement que c’est un honneur, une mission…et une obligation « mondaine » (au sens de la philosophie française du XVIIe)…
Le travail de Nicole Corti et du Chœur Britten
Le concert et le disque sont portés par le travail exigeant que mène depuis maintenant plus de 25 ans Nicole Corti, chef de chœur et chef d’orchestre, qui de sa région lyonnaise natale (elle y avait d’abord fondé une école de musique, à Irigny) a commencé, elle aussi, « l’aventure » d’un chœur féminin de très haut niveau, aujourd’hui reconnu internationalement. Ce Chœur Britten a créé beaucoup d’œuvres ( M.Ohana, Adrienne Clostre, R.Pascal, J.M.Morel, N.Bacri, P.Gouttenoire…), et travaille en compagnie d’ensembles chambristes qui se vouent à la musique contemporaine, comme les Temps Modernes (dir. Jean,-Louis Bergerard). Se joint aussi à eux l’organiste-compositeur Loïc Mallié, qui interprète Vega, pièce écrite en 2000, et y ajoute, dans la bonne tradition des tribunes, une Improvisation. Il s’ajoute au Livre d’heures la création mondiale d’une Messe brève pour 12 voix a cappella, elle-même extraite d’une antérieure Messe de l’Ascension. La voix, toujours la voix, c’est aussi celle d’un alto solo chantant le cantique du vieillard Siméon au Temple devant l’Enfant-Christ : « Nunc dimittis servum tuum, Domine , Seigneur , maintenant tu peux rappeler vers toi ton serviteur ». Et aussi, par le relais de l’orgue, l’immense voix de la Nature et des concerts d’étoiles, dont l’inspiration de Vega relaie les « illuminations poétiques » d’un Philippe Jaccottet songeant dans « La Semaison » à « une lumière empruntée qui rôde pendant la nuit autour de la terre, éternellement tournée vers les rayons éclatants du soleil »…C’est tout ce réseau de sacré – on songe aussi et sans grand risque d’erreur à Rembrandt – que les auditeurs écouteront et regarderont se tisser à l’approche des nuits les plus longues de l’année descendante.
Lyon, église Saint-Pothin, dimanche 16 décembre 2007 à 18h30 (Lyon 6ème ardt)
Edith Canat de Chizy (née en 1950) : Livre d’heures, Vega et autres pièces ; F.Mendelssohn ( 1809-1847), Venie Domine ; Olivier Messiaen (1908-1992), Les Bergers ; Christian Villeneuve (1948-2001). Le programme de ce concert est simultanément paru au disque chez Hortus: E.Canat de Chizy, Livre d’heures, Vega, Messe brève. Improvisation de Loïc Mallié. Chœur Britten, dir.N.Corti, Les Temps Modernes.
