CORONAVIRUS – Covid 19. La résistance à la crise qui s’annonce dans le milieu musical français s’organise. Deux initiatives ont fait jour cette semaine, depuis le confinement imposé aux Français le 18 mars 2020. Depuis aussi l’annulation des productions lyriques et des événements musicaux partout dans l’Hexagone, des questions légitimes se font jour. Alors qu’un collectif d’artistes lyriques s’inquiètent de leur statut et des solutions pour résoudre leur nouvelle précarité, le Centre national de musique, présidé par Jean-Philippe Thiellay, a annoncé la suspension de la taxe sur les spectacles ainsi que la mise en place d’un fond de soutien d’urgence de 11,5 millions d’euros destiné aux TPE/PME dans le domaine du spectacle musical et des variétés. Il est nécessaire aujourd’hui d’agir avec force pour préserver la filière classique qui est durement touchée par la crise sanitaire que nous vivons. Les interrogations s’adressent directement aux Ministres de l’économie, de la culture et au premier ministre.
Face à la précarité de leur statut,
artistes et employés du lyrique en France
demandent des explications sur leur statut
Ainsi dans un communiqué paru le 16 mars dernier, un collectif d’artistes lyriques sensibilisent le gouvernement sur la précarité inquiétante de leur situation. Tous sont privés d’emplois et d’engager et il semble que la singularité de leur statut n’ait pas été pris en considération par le gouvernement d’Edouard Philippe.
Si nous prenons collectivement la parole aujourd’hui c’est que la crise sanitaire actuelle accentue dramatiquement un état de précarité et d’isolement dans lequel nous sommes déjà ». Suite à la fermeture des salles d’opéras et des théâtres ayant programmé des récitals et des ouvrages lyriques, les artistes dont les plus médiatisés ont pris la parole à travers le communiqué : Roberto Alagna, Karine Deshayes, Philippe Jarrousky, Stéphane Degout, Julie Fuchs, Sabine Devieilhe … Autant d’artistes embauchés au « cachet », sous la forme d’un CDD d’usage, qui leur permet de bénéficier du régime d’indemnisation chômage de l’intermittence du spectacle. Le collectif interroge et souhaite des réponses concrètes. Comment seront-ils payés pour les engagements qui étaient prévus mais annulés ? D’autant que le ministre de l’économie, Bruno Le Maire s’engageait solennellement au sujet des entreprises ayant recours au chômage partiel: « aucun salarié ne perdra un centime » (13 mars dernier). Ce serment vaudra-t-il pour les artistes ?
INCERTITUDE ET QUESTIONNEMENT LÉGITIMES
Une incertitude et des questionnements légitimes que lève le collectif soucieux de défendre toutes les personnes qui travaillent dans le domaine de l’opéra : instrumentistes, chefs d’orchestre, techniciens, agents d’artistes, etc. Dans leur communiqué sous forme d’une lettre ouverte, les artistes lyriques et tous les employés de l’opéra en France interpellent les ministères de la Culture, de l’économie ainsi que le Premier ministre ; ils font savoir la nécessité d’obtenir des « réponses claires face à la gravité d’une crise qui menace l’avenir d’un grand nombre d’artistes et accentue fortement la précarité dans laquelle se trouvent déjà certains d’entre eux ».
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La lettre du collectif dans son intégralité :
Communiqué du 16 mars 2020
» Dans le contexte sanitaire difficile que connaît actuellement le pays, les artistes lyriques réunis en collectif souhaitent, dès aujourd’hui, attirer l’attention des pouvoirs publics sur la gravité des situations professionnelles et personnelles qu’entraîne la crise actuelle.
Nous avons bien conscience que l’urgence est aujourd’hui de s’occuper des personnes les plus fragiles face à ce fléau dont il faut impérativement stopper la propagation mais il est important de réfléchir à ses conséquences sociales.
La totalité des institutions du milieu de la musique classique, maisons d’opéras et salles de concerts, ont décidé d’annuler l’intégralité de leurs représentations.
Si nous prenons collectivement la parole aujourd’hui c’est que la crise sanitaire actuelle accentue dramatiquement un état de précarité́ et d’isolement dans lequel nous sommes déjà. De plus en plus de théâtres annoncent désormais leur fermeture complète et nous assistons à une accumulation inédite de ruptures unilatérales de contrats dans toute notre filière : notamment chez les solistes, les artistes du chœur, instrumentistes, chefs d’orchestres, metteurs en scène, danseurs, techniciens, figurants, chefs de chant, agents artistiques que nous aimerions tous associer à notre démarche. Notre métier est une passion mais cela ne doit pas nous faire oublier la réalité: la rupture sèche d’un ou de plusieurs contrats concernant les prochains mois signifie l’arrêt total de notre activité professionnelle ainsi qu’une perte immense d’opportunités artistiques, en particulier pour les plus jeunes d’entre nous.
Dans le droit du travail français, les artistes du spectacle vivant sont salariés en « CDD d’usage ». Ces contrats, négociés directement avec les entreprises organisatrices sont le fruit de longues années de travail et d’attente. Par ailleurs, ils ouvrent droit au régime d’indemnisation chômage dit de «l’intermittence du spectacle ». Ces contrats sont essentiels pour nous à plus d’un titre. Tout d’abord, ils constituent notre principale et souvent unique source de revenus. D’autre part, il s’agit d’un enjeu de carrière : un contrat peut avoir des conséquences décisives dans le développement d’une carrière artistique. Enfin, ils sont les pièces centrales du calcul de nos heures qui nous permettent de bénéficier du filet de sécurité́ indispensable que constitue l’intermittence.
La rupture de ces contrats est normalement encadrée par le droit du travail mais, la situation actuelle étant sans précédent, nous obtenons une pluralité́ de réponses de la part de nos employeurs. Un certain nombre d’entre eux font leur maximum pour ne pénaliser personne, au risque parfois de mettre en danger leur trésorerie, cependant certains chanteurs semblent devoir renoncer à l’intégralité de leur salaire.
Sommes-nous dans un cas de force majeure ? Si oui, l’épidémie du Covid-19 caractérise-t-elle un « sinistre relevant d’un cas de force majeure » au sens de l’article 1234-4 alinéa 2 du code du travail ? Le cas échéant, cette disposition d’ordre public prohibe une rupture unilatérale du CDD à l’initiative de l’employeur sans indemnité́ au profit du salarié, nonobstant toute clause contractuelle contraire.
– Sommes-nous, en tant que salariés (même en CDD d’usage) éligibles à la procédure de chômage partiel annoncée ? Si ce n’est pas le cas, est-il juste que nous soyons exclus de la promesse de l’État de ne laisser aucun salarié perdre son emploi ? – Comment seront décomptées les heures perdues dans le calcul de notre statut ? – Quelles compensations aux pertes d’opportunités sont envisageables ?
Nous avons besoin de réponses claires face à la gravité d’une crise qui menace l’avenir d’un grand nombre d’artistes et accentue fortement la précarité́ dans laquelle se trouvent déjà certains d’entre eux. Nous en appelons à notre Ministère de tutelle, ainsi qu’au Ministère de l’économie et à Monsieur le Premier Ministre. L’art et la culture sont essentiels à notre société et au rayonnement de notre pays dans le monde. Nous en sommes les fiers représentants en France et ailleurs. A ce titre nous méritons de ne pas être traités comme de simples variables d’ajustement soumis aux décisions arbitraires de certains employeurs.
Nous demandons qu’aucune décision relative aux annulations de contrats et au règlement des salaires ne soit prise tant que le cadre légal n’a pas été́ défini. Nous sommes prêts à consentir des efforts dans cette épreuve commune mais, en aucun cas, à en sacrifier notre avenir d’artistes.
Nous espérons tous rapidement retrouver la scène et notre public, notre plus grand soutien. Une fois cette épreuve surmontée, il sera indispensable, dans le pays de l’exception culturelle, que s’ouvre un débat de fond sur la protection statutaire de nos métiers du spectacle. «
Signataires :
Roberto Alagna
Kévin Amiel
Guillaume Andrieux
Jean-Luc Ballestra
Stanislas de Barbeyrac
Cassandre Berthon
Christophe Berry
Julien Behr
Benjamin Bernheim
Thomas Bettinger
Yann Beuron
Jean-Vincent Blot
Jean-François Borras
Jean-Sebastien Bou
Ambroisine Bré
Raphaël Brémard
Chloé Briot
Hélène Carpentier
Albane Carrère
Nicolas Cavallier
Adèle Charvet
Nicolas Courjal
Marianne Croux
Marianne Crebassa
José van Dam
Thibault de Damas
Stéphane Degout
Camille Delaforge
Mireille Delunsch
Antoinette Dennefeld
Léa Desandre
Karine Deshayes
Charlotte Despaux
Sabine Devieilhe
Jodie Devos
Olivia Doray
Pierre Doyen
Julien Dran
Cyrille Dubois
Yoann Dubruque
Alexandre Duhamel
Philippe Estèphe
Mathilde Etienne
Aude Extrémo
Loïc Felix
Jean-Paul Fouchécourt
Julie Fuchs
Christophe Gay
Paul Gay
Véronique Gens
Anne-Catherine Gillet
Emiliano Gonzales Toro
Olivier Grand
Sébastien Guèze
Delphine Haidan
André Heijboer
Eric Huchet
Enguerrand de Hys
Philippe Jaroussky
Caroline Jesteadt
Marc Labonnette
Florian Laconi
Marc Laho
Jean-Christophe Lanièce
Marion Lebègue
Aimery Lefèvre
Marie Lenormand
Alix Le Saux
Lionel Lhote
François Lis
Philippe-Nicolas Martin
Clémentine Margaine
Héloïse Mas
Rémy Mathieu
Elodie Méchain
Régis Mengus
Anaïk Morel
Laurent Naouri
Stéphanie d’Oustrac
Eléonore Pancrazi
Julie Pasturaud
Patricia Petibon
Gabrielle Philiponnet
Anthea Pichanick
François Piolino
Camille Poul
Marie Perbost
Julie Robard-Gendre
François Rougier
Pauline Sabatier
Francesco Salvadori
Chantal Santon-Jeffery
Vannina Santoni
Anas Séguin
Jean Fernand Setti
Philippe Talbot
Jean Teitgen
Marie-Ange Todorovitch
Catherine Trottmann
Béatrice Uria-Monzon
Florie Valiquette
Mathias Vidal
Guilhelm Worms