lundi 12 mai 2025

CRITIQUE CD événement. ANTI-MELANCHOLICUS. JS BACH : Cantates BWV 131, 13, 106 – Alia Mens / Olivier Spilmont (1 cd Paraty)

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Enregistré en sept 2021 à Montreuil-sur-Mer, voici le 2è volet des Cantates de JS Bach par l’ensemble Alia Mens sous la direction de son créateur le claveciniste Olivier Spilmont.  Classiquenews avait souligné en son temps la remarquable réalisation du 1er volet, également édité par Paraty, «  La Cité Céleste » où les musiciens n’accomplissaient pas qu’une énième prière collective, exprimant les vertiges et les doutes du croyant. Ils réalisaient aussi une somptueuse traversée spirituelle, admirablement construite dans le choix même des cantates. 

Même programme, juste et pertinent, qui relève ici d’une honnêteté intellectuelle et musicale ; laquelle prend sa source dans le livre théologique que JS Bach possédait, intitulé « Anti-melancholicus », claire célébration de l’orthodoxie luthérienne, si chère au cœur du fidèle Bach. 

Dans la BWV 131, première cantate d’un corpus innombrable, Bach souligne encore dans la parure directe et franche héritée de ses prédécesseurs Schütz ou Buxtehude, l’expressivité implorante du pêcheur, l’ardente détresse solitaire du cœur humain que le quatuor vocal incarne : seule la miséricorde divine peut sauver le peuple de ses péchés… Olivier Spilmont exprime jusqu’à la lassitude et la dignité d’une humanité à l’inextinguible attente. La clarté diamantine, cette lisibilité de chaque partie (vocale comme instrumentale : somptueux hautbois d’un bout à l’autre) confine au chambrisme le plus net, et le plus brûlant, accentuant toujours et avec nuance, le relief fraternel d’une lutte où se joue le salut de chacun. Les voix s’entrelacent, se confortent, s’unissent pour un concert spirituel d’une bouleversante communion.

La BWV 13 creuse davantage l’errance du croyant démuni, surtout dépossédé de celui qui doit le sauver (air d’ouverture du ténor Thomas Hobbs auquel succède le recitativo du non moins excellent alto masculin William Shelton) ; seuls, dépouillés, si sublimes dans leur désarroi lacrymal); Alia Mens dévoile sa formidable intensité expressive, entre l’urgence et l’introspection (accord bouleversant des flûtes et du hautbois, sur un tempo saisissant par sa lenteur incarnée), articulant une nouvelle séquence de désespoir où c’est la musique qui annonce la lumière de la Rédemption promise (sublime air de désolation ultime de la basse avec flûte obligée, avant le choral final) : Romain Bockler exprime la ténacité du pèlerin que tout semble abandonner dans un air qui est le plus long (presque 8mn).

 

 

Pour son 2è cd des cantates chez Paraty

Alia Mens confirme de saisissantes affinités
avec les doutes et les espérances de JS BACH

 

 

Tragique lui-même voire dépressif, Bach est un croyant qui certes doute mais espère. C’est bien là toute l’équation d’une architecture ambivalente, subtilement dévoilée ici, capable de gouffres amers (agitée par le désespoir « weltschmerz ») comme source d’éblouissements ; l’âme humaine s’éprouve au diapason de ces deux séquences, deux faces d’un même chemin et que Alia Mens exprime avec la précision et la sobriété d’un geste juste, éloquent. La BWV 106 dite « Actus Tragicus » conclut ce triptyque idéal : un acte noir chargé d’espérance. Si la mort est inéluctable (le dernier souffle est exprimé par le choeur des flûtes à bec), le temps d’anéantissement est aussi celui qui mène à la Résurrection. Christ sur la croix promet le Paradis à l’un des larrons qui l’accompagnent ;  comme l’exprime aussi l’un des 3 chorals qui insiste sur la croyance et la certitude de Siméon, choral de Luther lui-même (fête de la Purification). 

Catéchèse sonore, cathédrale spirituelle, méditation profonde, le geste d’Alia Mens n’a jamais semblé plus riche et nuancé, plus évident et naturel que dans ce nouveau cycle de cantates, en tout point miraculeux. L’acte musical qui articule chaque mot, atteste de l’intelligence d’un Bach parfois apeuré, toujours réconforté par sa croyance intime, capable de toucher et de régénérer. En orfèvre de l’ombre et de la prière, Olivier Spilmont mesure et traque chaque trait d’espérance ; il en exprime toute la sublime sagesse, il en tisse le miel musical pour que dans l’ombre surgisse l’anti-mélancholie comme un éclair qui foudroie, saisit, sauve. Magistral.

 

 

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CRITIQUE CD événement. ANTI-MELANCHOLICUS. JS BACH : Cantates BWV 131, 13, 106Alia Mens / Olivier Spilmont (1 cd Paraty – enregistré en sept 2021 à Montreuil-sur-Mer). CLIC de CLASSIQUENEWS mars 2023. 

 

Aus der Tiefen rufe ich, Herr zu dir, BWV 131
Meine Seufzer, meine Tränen, BWV 13
Gottes Zeit ist die allerbeste Zeit « Actus tragicus », BWV 106 

Alia Mens / Olivier Spilmont, direction

Elodie Fonnard, Soprano 
William Shelton, Alto 
Thomas Hobbs, Ténor 
Romain Bockler, Basse 

Stéphanie Paulet ,Violon 1
Camille Aubret, Violon 2 (BWV 13)
Julien Martin, Marine Sablonnière, Flûtes à bec 
Neven Lesage, Hautbois
Andreas Linos, Josh Cheatham, Violes de gambe 

Octavie Dostaler-Lalonde, Violoncelle
Christian Staude, Contrebasse
Inga Maria Klaucke, Basson
Yoann Moulin, Orgue 

 

 

 

 

 

LIRE aussi notre annonce du CD événement Anti-Melancholicus – 1 cd PARATY / CLIC de CLASSIQUENEWS mars 2023 : …  » L’approche très humanisée privilégie la clarté des lignes, instrumentales comme vocales ; l’assemblée des croyants se précisent à travers les solistes en dialogue, qui doutent, prient, s’enthousiasment. »… https://www.classiquenews.com/cd-evenement-annonce-alia-mens-anti-melancholicus-js-bach-cantates-bwv-131-13-106-1-cd-paraty/

 

 

 

Actualités d’ALIA MENS en mars 2023 : FESTIVAL OSTARA

A Boulogne-sur Mer, Alia Mens et Olivier Spilmont proposent leur festival OSTARA, 2ème édition du 17 au 19 mars 2023 :

 

Pour l’équinoxe de printemps (quand la durée de la nuit équivaut à celle du jour), le Festival OSTARA marque le changement de saison et les promesses que fait naître l’éveil de la Nature, miracle perpétré depuis des siècles… OSTARA souligne ce passage porteur d’espérance. Alia Mens ajoute à présent pour sa 2è édition en mars 2023, l’enchantement sonore, grâce aux concerts que l’ensemble dirigé par le claveciniste Olivier Spilmont présente du 17 au 19 mars prochains, Théâtre MONSIGNY à Boulogne-sur-Mer.

 

 

 

 

 

ENTRETIEN avec OLIVIER SPILMONT

 

Passeur, défricheur et poète avant tout, Olivier Spilmont délivre son BACH, à travers un cheminement intime, spirituel, fraternel qui de l’abandon, passe par le désespoir, avant de s’accomplir dans l’espérance et l’apaisement. Il faut la tension pour la liberté. Il faut l’ombre pour que jaillissent la lumière et l’étoile d’une aube salvatrice. Dans son nouvel album intitulé « Anti-melancholicus », plus inspiré que jamais, Olivier Spilmont nous régale littéralement en images claires et poétiques qui insuffle aux interprétations des cantates, une vérité inédite, faisant imploser fatalité et abandon… Le claveciniste fait jaillir la nécessité intérieure, l’urgence du sens qui soutient chaque cantate, entendue comme un édifice spirituel. Enjeux, itinéraire, options musicales, le fondateur d’ALIA MENS explique les partis pris d’une réussite totale. LIRE NOTRE ENTRETIEN COMPLET

 

 

 

 

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