mercredi 16 avril 2025

CRITIQUE CD événement. CIELS D’OR. Trio HYADÉE : Marielou Jacquard (soprano), Anastasie Lefebvre de Rieux (flûte) et Constance Luzzati (harpe) – 1 cd Voces8 records, 2024.

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Les Cieux invoqués dans ce programme jubilatoire suscitent toutes les ivresses poétiques ; ils promettent entre rêve et réalité, une expérience musicale totale qui s’invite et nous porte ; à travers l’engagement du Trio Haydée, le cycle mène ici vers des rives constamment enchantées ; les 3 musiciennes ont la faculté de séduire et d’enchanter ; elles invoquent constamment l’énergie féerique des 17 partitions choisies, toutes signées de compositrices romantiques, modernes et contemporaines dont chaque œuvre jalonne ainsi un parcours particulièrement cohérent.

 

 

L’album témoigne d’une entente évidente ; les 3 interprètes Marielou Jacquard (soprano), Anastasie Lefebvre de Rieux (flûte) et Constance Luzzati (harpe) s’accordant dans une complicité millimétrée, à l’écoute des 1001 nuances de chaque texte ; car outre sa valeur musicale, il s’agit aussi d’un corpus littéraire qui saisit tout autant par les thèmes abordés : ivresse émotionnelle, évasion, ineffable langueur, perte, féerie évanescente…

Parmi une collection d’inédits ou de pièces méconnues, distinguons plusieurs perles ; d’abord le relief poétique aigu et les climats d’étrangeté onirique voire enivrés des 3 mélodies de Grace Williams (1906-1977) « Songs of sleep » : ligne ondulante et serpentine de la flûte ; résonances célestes, aériennes de la harpe magicienne s’accordent au charme de la voix, à la fois déclamatoire et mystérieuse, comme une pythie délivrant une série d’énigmes enchantées. Belle inquiétude passionnée de Rosy Wertheim (« Trois chansons » en français) ; tandis que la sensualité plus harmonieuse voire nostalgique d’Elisenda Fabregas (née en 1955) évoque texte oblige, la séduction suspendue d’un nocturne amoureux.
La Litanie (10), éperdue, libre voire délirante d’Édith Canat de Chizy (née en 1950) à la fois enivrée et tendue, dont le chant très incarné, et même halluciné, est constamment porté, encouragé par la flûte, s’impose également. Ligne tortueuse, syncopée, comme embrasée, … : la flûte semble provoquer la chanteuse dont les intervalles vertigineux, une vocalité extrêmiste et intranquille expriment les élans d’une âme lyrique et inquiète. Par sa durée (plus de 10 mn), la partition s’apparente à une cantate qui ose ouvrir, découvrir, explorer, à mesure que la partition avance ; exprimer l’inconnu sur les cimes de l’ivresse et de la liberté totale, d’autant plus exaltées, fluidifiées que dans cette pièce majeure, la voix est en dialogue avec la seule flûte.

L’auditeur succombe tout autant à la tendresse de Marguerite Roesgen (12 : « Pantoum ») ; à l’évocation du « Rossignolet » de Pauline Viardot (13), où la flûte fluide épouse le chant éperdu de la cantatrice ; c’est aussi, Clémence de Granval, tempérament romantique (1828 – 1907) qui s’affirme ici comme compositrice accomplie ; sa « Villanelle » semble y fusionner le style romantique lyrique à son époque, équation personnelle qui allie la langueur enchantée d’une Leïla (des Pêcheurs de perles de Bizet) et la sensibilité éperdue d’une Antonia (des Contes d’Hoffmann d’Offenbach)… Soudain surgit toutes les héroïnes de l’opéa français du XIXè, ce chant qui pleure avec une élégance rare ; mais la perte de la tourterelle qu’évoque la flûte ondulante et aérienne, peut être finalement une échappée salvatrice pour le volatile enfin libéré… claire référence à la condition des femmes d’alors, corsetées, enfermées dans des situations honteusement, systématiquement étriquées.
Avec les 3 Songs de Grace Williams, la révélation pour nous demeure le climat suspendu, enchantée de « Reflets »(15) de Lili Boulanger (1893-1918) sur le somptueux texte de Maeterlinck, aussi énigmatique et sensuel, libre et vaporeux que le livret de sa pièce symboliste Pelléas et Mélisande. Les harmonies profondes, inquiètes expriment tout un continent de sensations justes et nuancées. Et les 3 voix, chant, harpe et flûte, se marient avec natuel dans l’arrangement de Marianne Schofield.

La pièce purement instrumentale (pour harpe) d’Édith Lejet (1941-2024) : « De lumière et de cieux embrasés » (16) crépite et s’embrase littéralement, convoquant tous les reflets mordorés que peut produire la divine nature. Enfin l’ultime pièce du cycle « Aube » de Joséphine Stevenson (née en 1990) s’affirme telle la plongée dans une incantation nocturne aux accents chamaniques ; l’œuvre contemporaine souligne dans ce sens la direction poétique de tout le programme qui emporte l’adhésion par son chant onirique, d’une irrésistible puissance suggestive ; la voix constamment intelligible, souple et nuancée cisèle chaque image du texte que les deux instruments exaltent davantage : pertinent choix pour une conclusion. Le titre « Aube » produit une dernière inspiration, comme une promesse, l’envol d’un ineffable espoir… Magistral.

 

 

 

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CRITIQUE CD événement. CIELS D’OR. Trio HYADÉE : Marielou Jacquard (soprano), Anastasie Lefebvre de Rieux (flûte) et Constance Luzzati (harpe) – Grace Williams, Rosy Wertheim, Elisenda Fabregas, Edith Canat de Chizy, Pauline Viardot, Clémence de Granval, Lili Boulanger, Edith Lejet, Josephine Stephenson… – 1 cd Voces8 records – enregistré à Paris en 2024. CLIC de CLASSIQUENEWS hiver 2025

 

 

LIRE aussi notre annonce présentation du cd Ciels d’or par le Trio Haydée : https://www.classiquenews.com/cd-evenement-annonce-trio-haydee-ciels-dor-1-cd-voces8-records/

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