CRITIQUE CD, événement. GENEVA PIANO TRIO. TCHAIKOVSKY : Trio pour piano opus 50. Rachmaninov : Trio élégiaque n°1 (1 cd PARATY)

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3 instrumentistes d’excellence savent jouer en parfaite complicité, certainement portés par leur origine commune et une culture, comme une sensibilité, en partage… Ces qualités expliquent les évidentes affinités comme la grande cohérence de leur jeu collectif. Le programme ajoute à l’intérêt général du présent album… Tchaïkovsky et Rachmaninov dessinent une filiation parmi les plus intenses (et bouleversantes) qui soient.

 

Le jeune Rachma ne tarissait pas d’éloges comme d’admiration profonde pour son mentor et ami. Minoré parce que partition de la jeunesse, son Premier Trio élégiaque de 1892 (Rachmaninov a 19 ans) souffre de l’ombre que lui porte le Trio n°2 (composé en hommage à Tchaïkovski justement). Pourtant – ce que les instrumentistes expriment avec évidence et franchise-, l’œuvre déploie dans la forme Sonate, une grande séduction, même si son caractère est sombre voire lugubre, proprement lisztien ; les instrumentistes savent nuancer l’esprit spirituel d’une oeuvre déjà intensément personnelle ; comme dans le Trio de Tchaïkovski, le piano a la place de choix : il emmène la construction sonore ici, dans le sens d’une marche funèbre, sonnant comme un glas au balancement de plus en plus hypnotique.  Cette prééminence semble particulièrement profiter aux cordes, au violoncelle surtout dont le chant surgit, éblouit, bouleverse, en particulier dans le jeu nuancé, ciselé, habité de Dan Sloutskovsky (par ailleurs membre de l’Orchestre de Chambre de Genève).

Le Trio de Genève (The Geneva piano Trio) déploie pour Tchaïkovsky, les mêmes arguments d’éloquence nuancée à 3 voix : la couleur sincère et tragique de son Trio célèbre le génie d’un ami fauché au printemps 1881, Nicolai Rubinstein, pianiste et compositeur, fondateur du Conservatoire de Moscou en 1866. Tchaïkovski en mémoire d’un grand artiste édifie son opus 50, une partition chambriste avec piano où le jeu des contrastes, et des vertiges entre le forte et le pianissimo, ouvrage l’une des couronnes funèbres les plus déchirantes jamais tissées pour piano, violon et violoncelle (une combinaison dont le compositeur n’était pas très friand, comme il est dit plus loin).

 

L’éloquence chambriste du
GENEVA PIANO TRIO

 

Par son développement formel atypique, l’opus 50 manifeste de la part de Tchaikovsky une œuvre à part, marquée du sceau d’un sentiment profond d’admiration et de sidération vis à vis du grand homme (et de l’ami) qu’il a perdu. Qu’il s’agisse ou non de 11 Variations liées chacune à un épisode de la vie de Nicolai Rubinstein, formant comme son portrait musical, le cycle affirme de somptueux contrastes à partir du thème principal (motif connu de Tchaikovski et de Rubinstein)… berceuse, valse, scherzo, marche, fugue, lamento, mazurka… tout permet aux 3 instrumentistes de varier, colorer, chanter, mais dans le sens d’une conversation souple et expressive, aussi tendre et suave qu’introspective voire inquiète, portée par une urgence que les interprètes savent canaliser selon l’enjeu de chaque pièce.

Le chambrisme, l’intériorité, les allusions affectives, l’activité émotionnelle jaillissent d’un bout  à l’autre avec une intelligence idéale car elle est partagée : la finesse des phrasés de chaque instrument s’avère délectable du début à la fin ;
Le préalable « Pezzo elegiaco » déploie dans son ampleur initiale, cet état de fébrilité mélancolique, au caractère oppressant voire inquiet ; la versatilité expressive des instrumentistes se révèle ensuite jubilatoire ; même nuances et finesse suggestive dans ce qui suit immédiatement, dans le thème initial puis les 10 variations successives…

La lecture qu’en offrent les 3 musiciens pour Paraty, excelle dans la caractérisation, l’individualisation chambriste ; réalisant cette conversation spécifique qui restitue à chaque instrument sa part d’âme, ce chant intérieur porté par une sincérité crépusculaire spécifique. La mort stupéfie et saisit Piotr Illiytch : tout cela s’entend ici ; comme il en exprimera les vertiges ultimes dans sa dernière Symphonie « Pathétique » (qui traverse le miroir).

Piotr nous parle en réalité de sa propre finitude et de sa propre mort ; sur un sujet aussi difficile, le compositeur parvient à exprimer l’ineffable tout en assumant de composer pour un alliage qu’il n’approuve pas (il détestait le frottement violon / violoncelle, mais devait s’en accommoder car sa mécène Mme Von Meck avait besoin de cette formation convenant au trio qu’elle entretenait à demeure (et dont le pianiste n’était autre que le jeune … Debussy). L’éclairage à la fois crépitant, lunaire et d’une ferveur intérieure affirme la très haute sensibilité du Geneva piano Trio. Magistral.

 

 

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CRITIQUE, CD événement. GENEVA PIANO TRIO. Enregistré à Genève, avril 2023. CLIC de CLASSIQUENEWS été 2024. Trio pour piano de Genève / GENEVA PIANO TRIO : Sergey Ostrovsky, violon ; Dan Sloutskovsky, violoncelle ; Irina Chkourindina, piano

 

 

 

Plus d’infos sur le site de l’éditeur PARATY records : http://paraty.fr/portfolio/tchaikovski-rachmaninov/

 

VOIR le TEASER vidéo : https://www.facebook.com/watch/?v=377292945115595

 

 

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