Voilà assurément un programme fascinant en ce qu’il est aussi bien composé qu’interprété. S’y distingue le tempérament intérieur, d’une belle suggestivité du pianiste allemand JULIUS ASAL. Une sensibilité déjà mûre se révèle dans un jeu pleinement assumé, d’échos et de réponses entre deux compositeurs apparemment trop distincts pour être a priori associés : Scriabine et Domenico Scarlatti, auxquels le pianiste répond lui-même en deux temps, deux séquences intitulées : « Transition I » et « Transition II »
… sorte de réponses en résonance de l’adagio de la Sonate n°1 opus 6 de Scriabine, seule pièce intégralement jouée. La durée de la galette est elle aussi généreuse (pour un seul cd : soit 1h14mn). La cohérence du parcours en dépend, chaque pièce est à sa juste place, fait sens dans un enchaînement très personnel qui enchaîne les Sonates de Domenico Scarlatti et les Préludes et l’Etude de Scriabine en bon ordre, selon les tonalités et les correspondances harmoniques ; l’ensemble est construit autour des trois mouvements de la Sonate n° 1 de Scriabine, triptyque fascinant par ses vertiges contrastés (rêverie extatique et tritanesque de son adagio, puis matière inquiète, convulsive, crépitante de son dernier mouvement) dont le pianiste déduit ses propres échos (les 2 « Transitions ») et qu’il fait dialoguer fort judicieusement avec l’écriture lumineuse et articulée du Baroque ;
Portrait Julius ASAL © Michael Reinicke
… de quoi souligner très astucieusement le post romantisme mystique de Scriabine, son questionnement délirant et fantastique, son lugubre extatique. Le pianiste semble envoûté par les accords hypnotiques de la série que Scriabine dépose dans l’adagio de sa Sonate n°1 – à la fois marche funèbre alla Chopin, et rêve vénéneux selon Liszt et Wagner. Son jeu ne cesse de suggérer et de questionner en vertiges et perspectives auxquels il demeure difficile de résister. Né en 1997, Julius ASAL à 27 ans touche par son jeu sans artifice, direct et pourtant allusif… De toute évidence un talent à suivre : profond et introspectif qui promet de probables Liszt ou Wagner, Chopin et Schumann tout aussi personnels… chez DG ? A suivre.
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CRITIQUE CD événement. JULIUS ASAL, piano : Scriabine (Sonate n°1
opus 6) / D Scarlatti (1 cd DG Deutsche Grammophon) – enregistré à Berlin en avril 2023 – Parution le 3 mai 2024 – 1 cd Deutsche Grammophon (DG) – CLIC de CLASSIQUENEWS printemps 2024 – plus d’infos sur le site de DG Deutsche Grammophon : https://www.deutschegrammophon.com/en/catalogue/products/scriabin-scarlatti-julius-asal-13328
VIDÉO : Julius ASAL joue « transition II » / extrait de son nouvel album Scriabine / D Scarlatti :
