mardi 22 avril 2025

CRITIQUE CD événement. LULLY : Alceste, 1674. Véronique Gens, Cyril Auvity, Nathan Berg… Les Epopées / Stéphane Fuget, direction (1 CD Château de Versailles Spectacles, fév 2024)

A lire aussi
Emmanuel Andrieu
Emmanuel Andrieu
Après des études d’histoire de l’art et d’archéologie à l’université de Montpellier, Emmanuel Andrieu a notamment dirigé la boutique Harmonia Mundi dans cette même ville. Aujourd’hui, il collabore avec différents sites internet consacrés à la musique classique, la danse et l’opéra - mais essentiellement avec ClassiqueNews.com dont il est le rédacteur en chef.

Après avoir enregistré – pour le Label Château de Versailles Spectacles – une Intégrale des Motets de Jean-Baptiste Lully (lire ci-après nos recensions des volumes III et IV), Stéphane Fuget et son ensemble Les Epopées ont gravé – lors d’un fabuleux auquel nous avons eu la chance d’assister – la deuxième tragédie lyrique du maître florentin : Alceste.

 

 

Une œuvre fondatrice aux multiples visages
Créée en 1674, Alceste ou le Triomphe d’Alcide marque un tournant dans l’histoire de l’opéra français. Deuxième tragédie lyrique du duo Lully-Quinault, elle puise son inspiration dans la mythologie grecque, adaptant librement la pièce d’Euripide. Si l’œuvre fut un succès public, elle suscita aussi des controverses, notamment pour son audace à mêler comique et tragique. Ces contrastes, aujourd’hui considérés comme une richesse, contribuent à la vitalité de la partition, entre scènes héroïques, divertissements légers et moments d’une profonde émotion.

Une partition aux couleurs variées
Dès le prologue, dédié à la gloire de Louis XIV, Lully déploie une orchestration somptueuse, mêlant trompettes éclatantes et musettes pastorales. L’acte I s’ouvre sur un spectacle maritime, dominé par le fameux duo des Tritons, tandis que l’acte II alterne entre le fracas des combats et la tendresse des adieux d’Alceste et Admète. La mort de l’héroïne donne lieu à une déploration poignante, portée par le Chœur de l’Opéra Royal, avant qu’un rebondissement ne ramène Admète à la vie. Les enfers, évoqués à l’acte IV, offrent un contraste saisissant, mêlant grotesque (avec le nocher Charon, magistralement campé par Guilhem Worms) et grandeur mythologique. Enfin, l’acte V célèbre le triomphe d’Alcide, couronné par des danses exubérantes.

Une interprétation électrisante
Stéphane Fuget, à la tête de son ensemble Les Épopées, livre une lecture dynamique et nuancée de cette partition. L’orchestre, richement coloré, restitue avec brio les contrastes de l’œuvre, des pianissimi délicats aux forte enflammés. Les musiciens, particulièrement les vents et les percussions (dont Laurent Sauron, remarquable), apportent une énergie contagieuse. Le continuo, soutenu par des instrumentistes aguerris, enrichit la texture sonore, tandis que les interventions du violon solo (Hélène Houzel) ajoutent une touche de virtuosité.

Un plateau vocal d’exception
Véronique Gens, en Alceste, impose une présence tragique et vocale magistrale. Son timbre, à la fois pur et expressif, brille particulièrement dans les scènes de déchirement, comme le duo d’adieux avec Admète. Cyril Auvity incarne ce dernier avec une élégance touchante, tandis que Nathan Berg prête sa voix puissante au rôle d’Alcide. Parmi les basses, Guilhem Worms et Geoffroy Buffière se distinguent par leur autorité, tant dans les rôles sombres (Charon, Pluton) que dans les passages plus légers.

Du côté des voix féminines, Camille Poul (Céphise) et Claire Lefilliâtre (La Gloire) apportent des couleurs contrastées, entre douceur et éclat. Le Chœur de l’Opéra Royal, préparé par Lucile de Trémiolles, joue un rôle central, passant avec aisance des lamentations funèbres aux célébrations triomphales.

Un héritage vivant

Si Alceste peut sembler moins aboutie que Atys, elle reste une pierre angulaire durépertoire lyrique français. Cette nouvelle version, enregistrée à l’Opéra de Versailles, s’impose déjà comme une référence, alliant rigueur historique et engagement passionné. Stéphane Fuget y confirme son affinité avec le style de Lully.

Entre tragédie antique et faste baroque, Alceste continue de captiver, prouvant que les contrastes qui firent sa polémique en 1674 sont aujourd’hui sa plus grande force.

 

 

_______________________________________________________________________________________
CRITIQUE CD événement. LULLY : Alceste, 1674. Véronique Gens, Cyril Auvity, Nathan Berg… Les Epopées / Stéphane Fuget, direction (1 CD Château de Versailles Spectacles / Parution en avril 2025). CLIC de CLASSIQUENEWS printemps 2025 !

 

PLUS d’INFOS sur le site du label discographique CVS Château de Versailles Spectacle :  https://www.operaroyal-versailles.fr/articles/label-discographique-boutique-en-ligne/
Derniers articles

Découvrez d'autres articles similaires

- Espace publicitaire -spot_img