Le Sextuor de 1939 (avec le piano de Franck Braley) remarquablement écrit, affirme dans cette transcription, la volubilité expressive d’un Poulenc habile dans ses contrastes, génie d’une rythmique conquérante ; l’Allegro outre son énergie déterminée du début, déploie ses harmonies étranges parfois âpres en seconde période ; le Divertissement est tout en souplesse et langueur, ondulation et riante insouciance et d’une fragilité onirique quasi mystérieuse (dernière mesure) ; quant au dernier Final, l’allure rythmique, la précision dynamique et la rutilance des timbres expriment au plus juste ce retour à l’humeur quasi fantasque des caractères enchaînés. Les solistes de SAXO VOCE trouvent le ton juste entre précision, caractérisation et nuances suggestives. L’éloquence et le plaisir du jeu collectif sont immédiatement perceptibles : ils accréditent cette transcription pour saxophones.
SAXO VOCE
Magie des 4 saxophones
Une somptueuse texture musicale d’une onctuosité rêveuse s’affirme dans Légende, poème symphonique de Caplet (1905) : l’œuvre est aussi rare que d’un raffinement quasi envoûtant… les timbres ronds et percutants relancent constamment la tension dramatique. Et l’on comprend la justesse pastorale de l’écriture, sa volonté de rendre hommage à la séduction timbrée, la plasticité sonore des saxophones ainsi associés.
Davantage inscrit dans une danse introspective qui soigne surtout son déploiement voluptueux, les deux mouvements du Concerto (1949) du marseillais Henri Tomasi (mort en 1971) s’imposent, avec lle saxo alto de Jean-Yves Fourmeau ; c’est ici une révélation tant l’acuité expressive, ce mordant cuivré des saxos, leur entente collective, le sens de l’écoute et la précision de chacun, tissent une soie musicale d’un fini impeccable, spécifiquement dans l’Andante (le plus développé dépassant les 11 mn) lequel captive par ses éclats mordorés remarquablement calibrés, la cohésion d’un son collectif qui tend toujours vers un balancement suspendu.
Non des moindres, le conte « Le Roi qui n’aimait pas la musique », composé par Karol BEFFA (né en 1973), sur le texte de Mathieu Laine, outre l’onirisme mordant de son action (un tyran jaloux, envieux, égoïste, finalement « humanisé » par ses sujets musiciens), permet aussi sur un plan pédagogique, de présenter la famille des saxos : soprano (léger et gazouillant), baryton (gros et pensif), alto (emporté et passionné) et ténor (tendre et courageux), sans omettre leur complice, le pianiste (sensible et créatif). La conception est astucieuse et pourrait indiscutablement susciter l’intérêt des jeunes spectateurs… Sans musique, la discorde, le chaos s’imposent à mesure que le pouvoir d’un roi narcissique le rend fou… mais tout change quand le tyran devient fraternel grâce aux rythmes magiciens de la musique… L’histoire compose une légende onirique et lumineuse qui se termine par la noce éternelle de la nomade avec le voyageur, union – emblème d’un monde musical, réenchanté. Tout en complicité et suavité, les instrumentistes, 4 saxos et le pianiste, conduit par le récit dit par Charles Berling, relèvent tous les défis dont le compositeur a truffé la partition (écarts, déplacements, déhanchements rythmiques…) autant de « contraintes » techniques qui magistralement réalisées, articulent et expriment toutes les nuances d’un texte très juste. On ne sautait imaginer programme mieux conçu, équilibré, contrasté, soulignant les mille nuances sonores dont sont capables les saxophones.
________________________________
CRITIQUE CD événement. SAXO VOCE : Le souffle des légendes : Beffa, Caplet, Poulenc, Tomasi (1 cd Indésens) – Durée : 1h13mn – enregistré à Paris, juil et nov 2021 – CLIC de CASSIQUENEWS
LIRE aussi notre présentation du concert SAXO VOCE / Le souffle des légendes, Salle Colonne, mercredi 24 avril 2024, 20h : https://www.classiquenews.com/concert-et-cd-evenement-saxo-voce-le-souffle-des-legendes-1-cd-indesens-paris-salle-colonne-mer-24-avril-2024/
