lundi 1 juillet 2024

CRITIQUE CD, événement. VERDI : QUATTRO PEZZI SACRI, Orchestra e Coro del Teatro alla Scala – Riccardo Chailly, direction – 1 cd DECCA (nov 2023)

A lire aussi

INNO DELLE NAZIONI  (Hymne des Nations) : D’une œuvre de circonstance, commande officielle pour l’Expo Universelle londonienne de 1862, Verdi fait une cantate pour ténor, ici l’excellent Freddie de Tommaso, à la fois tendre et puissant, (et 250 choristes), soit une composition ardente et sincère qui outrepasse l’artificiel et le convenu, intègre les hymnes nationaux dont La Marseillaise de rigueur et édifie une partition solennelle mais pas compassée, à laquelle il apporte le souffle et les bouillonnants contrastes d’une scène opératique. Le sujet déterminé par le librettiste requis pour l’occasion (Arrigo Boito) célèbre la concorde européenne « dans le temple de l’Art ». Ainsi se retrouvent apaisées, l’Angleterre, la France et l’Italie, soeurs fraternelles d’un nouvel ordre pacifié. Comme on aimerait que le bénéfice de la musique soit reconnu comme ici : l’art est de fait, un acteur majeur pour la réconciliation des peuples et meilleure arme pacificatrice.

 

 

TESTAMENT SPIRITUEL DU VERDI OCTOGÉNAIRE… Alors qu’il pensait avoir couronné sa prodigieuse carrière lyrique avec Falstaff, sommet d’un créateur octogénaire, Verdi s’empare dès 1895 du texte du Te deum, auquel il adjoint un Stabat Mater (1896) ; le diptyque est achevé en 1898 ; puis très inspiré, le compositeur ajoute deux airs précédemment composés… pour former ce quatuor miraculeux, les Quatro Pezzi Sacri finales : un Ave Maria composé dès 1889 et des Louanges à la Vierge (Laudi alla Vergine de 1890).

Les Quatre pièces sacrées de Verdi sont moins connues que son Requiem mais pourtant d’une véritable sincérité de ton, profondes, justes, là aussi déchirantes ; le compositeur n’écarte aucun épisode dramatique : prière éthérée (Ave Maria), déflagration orchestrale, vague chorale et maelstrom impressionnants (Te Deum final, la partie la plus développée)…  L’idée de combiner ainsi 4 séquences, fruits d’une genèse éclatée, s’avère particulièrement convaincant. Et Verdi échafaude comme un testament spirituel, l’équivalent de ce que sont les « Quatre derniers lieder » pour Richard Strauss… la synthèse d’une écriture musicale parvenue à son crépuscule, le dernier souffle créateur porteur de recueillement, de résistance, d’espoir sur le devenir humain.

Purgatoire suspendu du premier morceau, l’Ave Maria, préliminaire célèbre la pureté de la Vierge comme en une brume indéfinie et suspendue, un vortex choral où les voix seules, sans orchestre, captivent l’auditeur ;

Puis le Stabat mater, plus dramatique, s’impose dans ses puissants contrastes, marqués, portés dans une urgence tragique (avec la participation de l’orchestre), dans des tempi ralentis – respirations amples et profondes ; distinguons ici la prière de l’ »Eja Mater, fonc amoris… » épisode le plus bouleversant, Verdi ayant cette capacité à exprimer comme nul autre, les forces de compassion, la profonde prière humaniste et fraternelle d’une communauté désormais prête à dépasser les forces contraires… ce qui renvoie à sa propre vie (et ses deuils obligés, répétés).

Ce qui rapproche d’ailleurs ces Quatre Pièces Sacrées de son Requiem et forme une arche fervente unique entre les deux compositions si proches. La lecture pour sincère et impliquée qu’elle soit, sonne souvent dure, et âpre, mais aussi harmoniquement texturé, riche et franche ; voilà qui s’inscrit dignement aux côtés des lectures précédentes signées de verdiens expérimentés, Solti et Abbado, chez Decca aussi, dont la transparence et la finesse nous paraissent tout aussi justes. Riccardo Chailly n’hésite pas à forcer le trait parfois, de façon brutale, produisant des secousses telluriques profondes. Ce qui ajoute au réalisme viscéral de cette approche directe.

Le chef n’en suit pas moins pour autant tout un cheminement fervent et intérieur, cultivant l’esprit du recueillement le plus intense… jusqu’à l’explosion sidérante des premiers accords et tutti du Te Deum ; puis, à 13 mn, le déchirement de la trompette qui à l’appui du chant soliste de la soprano qui sort du chœur, délivre une nuance individuelle et intime, proclamant le salut en un geste suspendu, d’une théâtralité spectaculaire; de sorte que l’effectif s’achève dans un murmure vertigineux, comme pour le Requiem. Cet aspect organique, terrien constitue la qualité première de cette lecture qui confirme la grande cohésion des équipes scaligènes. 

 

 

_____________________________

CRITIQUE CD, événement. VERDI : INNO DELLA NAZIONI / QUATTRO PEZZI SACRI (Orchestra e Coro del Teatro alla Scala – Riccardo Chailly, direction) – 1 cd DECCA classics (enregistré à Milan, Teatro alla Scala, en nov 2023)

- Sponsorisé -
- Sponsorisé -
Derniers articles

BADEN-BADEN. Académie Carl Flesch 2024 : 1er – 14 juillet 2024 (Kluster Lichtenthal), concerts les 13, 14 juillet, 31 octobre 2024 (Kurhaus)

Chaque été, depuis l’an dernier, la Philharmonie de Baden-Baden organise l’Académie CARL FLESCH, une institution musicale estivale prestigieuse qui...
- Espace publicitaire -spot_img

Découvrez d'autres articles similaires

- Espace publicitaire -spot_img