La configuration même de la ville de Leipzig, capitale musicale d’une richesse singulière, se prête à la contemplation et à la déambulation. Le centre historique que jalonnent les 2 églises où œuvra Jean-Sébastien Bach, Saint-Thomas et Saint-Nicolas, tient dans une périmètre à mesure humaine ; tout se fait à pied ; le festivalier traverse les vieux quartiers, se fait surprendre par l’intimisme des passages couverts… ville piétonne, Leipzig se révèle ainsi à hauteur d’yeux.
Le charme d’une cité bourgeoise, anciennement prospère, en particulier dans le textile, se dévoile à travers le patrimoine actuel : d’innombrables hôtels d’exposition (nous dirions show rooms aujourd’hui), … construits à la fin du XIXè, convertis à présent en appartements confortables ; … évidemment l’Opéra sur la place Augustus, témoin de l‘essor précoce du genre lyrique dès la fin du XVIIè (à l’égal de Venise et Hambourg) ; sans omettre, à l’extrémité opposée de la même place, le Gewandhaus (et sa dernière architecture bétonnée épaisse) dont la tradition orchestrale remonte dès… 1742 quand les premiers instrumentistes purent se constituer en ensemble grâce au financement de riches marchands. Ainsi essor économique et éclat culturel sont liés depuis le développement de la cité saxonne. Photo : la Place Augustus qui comprend l’Opéra et le Gewandhaus / DR LTM Leipzig Tourism M
2023 : les 300 ans de la nomination de JS BACH
2023 marque les 300 ans de la prise de fonction de Jean-Sébastien Bach comme Director musices de la ville de Leipzig. En 1723, Bach obtenait le poste, entre autres grâce à l’abandon de Telemann qui fut confirmé à Hambourg.
SOIRÉE D’OUVERTURE… Toujours aussi florissant et complet, le BachFest surprend même ce soir d’ouverture (8 juin, Saint-Thomas Thomaskirche) ; pilier de la programmation, les effectifs du choeur de garçons de Saint-Thomas (Thomanerchor Leipzig) dont l’activité exclusivement masculine perpétue la tradition depuis l’époque de Bach, aborde tout d’abord la lumineuse cantate BWV 75 (« Die Elenden sollen essen »), éclatante et tendre, que le chef Andreas Reize, précis et suractif, guide jusqu’au dépassement. Le point d’orgue de la soirée demeure la Cantate contemporaine, commande du Festival pour les 300 ans de la nommination de JS Bach, faite au compositeur Jörg Widmann, pour quatuor vocal, choeur et orchestre ; d’où la présence dans la (vaste) tribune des instrumentistes du Gewandhaus ; on se croirait comme à l’époque de Mendelssohn quand ce dernier ressuscitait les oeuvres de Bach… Mais ici, la puissance alliée au raffinement le plus subtil d’une orchestration flamboyante fonde une nouvelle œuvre à la fois hautement dramatique et expressionniste, dont l’architecture, le choix des textes suivent en réalité un plan spirituel d’une rare cohérence, des ténèbres lugubres au déchirement lumineux et salvateur de la fin. Le génie de Widman déjà auteur d’un opéra (« Babylone ») et d’un oratorio « Arche » (2017, visionnable sur youTube) et qui vient d’être nommé compositeur en résidence au sein du Philharmonique de Berlin pour la saison 2023 / 2024, se dévoile ici, et d’une façon inédite à l’église. Son tempérament économe, sa carrure athlétique, l’écriture qui convoque l’opéra sous la nef donnent raison au festival Bach de lui avoir passé commande. Bach ne faisait-il pas écouter à son cher public fervent, la musique de son temps ? Expérience et partage renouvelés ce soir et avec quelle intérêt musical. L’intelligence des citations empruntant à une vaste collection musicale ancienne, de Bach lui-même à Puccini, Ligeti, Strauss indique un penseur de la musique qui sait architecturer et argumenter le sens et la forme dans un sens expressif hédoniste d’une saisissante intensité. Nous invitons à (re)découvrir et approfondir la connaissance de ce très grand compositeur, un égal de Thomas Adès, son contemporain : les deux fusionnent avec délices, l’analyse critique de la forme et aussi le pur plaisir sonore (écoutez son oratorio ARCHE qui emprunte à Beethoven (Ode à la joie) et Mahler… ou encore sa Messe pour grand orchestre (2019), véritable hymne grandiose et bouleversant d’une spiritualité franche qui s’incarne dans le grand corps orchestral (voir sur youTube : Messe für großes Orchester / WDR Sinfonieorchester Köln : https://www.youtube.com/watch?v=N2EstKjmbvA).
L’église Saint-Thomas – Thomaskirche – DR
DEAMBULATION URBAINE ET MAISONS DE COMPOSITEURS… Entre deux concerts, au gré de son propre goût, le festivalier à Leipzig peut visiter plusieurs sites d’une haute valeur artistique, égale à ce qu’il peut vivre lors des concerts. Les maisons ou musées dédiés aux compositeurs qui ont marqué l’histoire de la cité sont nombreux. Voilà qui place Leipzig dans le cercle des villes musicales de premier plan avec Vienne ou Salzbourg. Wagner qui est né à Leipzig a son (petit) musée, à quelques mètres de la Nikolaikirche (évocation à peine développée et presque anecdotique qui replace l’enfant turbulent dans les écoles de la commune).
Ce sont surtout les maisons dédiées au couple Clara et Robert Schumann, et à Felix Mendelssohn qui sont les plus recommandables. La Schumann Haus évoque les premières années d’installation des jeunes mariés Schumann : le parcours du visiteur se limite à quelques pièces sur un seul niveau ; on s’y ressource à la fontaine romantique la plus authentique dans l’union unique des deux âmes qui ont mené un combat admirable pour se marier, en particulier en s’opposant à la volonté du père de Clara, l’inflexible mais finalement vaincu, Wieck ;
Non loin de la Schumann Haus, la maison qu’occupa Mendelssohn (Mendelssohn Haus) de 1845 à 1847, soit pendant ses 2 dernières années, est d’une toute autre importance ; un superbe escalier à 2 volées mène à l’étage noble où l’on découvre le bureau de Felix (où il composa entre autres son oratorio Elias, toujours célébré en Angleterre où il fut créé à l’été 1846) ; le salon, la salle à manger avec leurs meubles originaux.
A l’étage, plusieurs pièces constituent le musée Kurt Mazur dont l‘activité à Leipzig, en faveur de Mendelssohn égale ce que ce dernier réalisa pour ressusciter Bach au XIXè. Kurt Masur s’engagea sans compter entre autres pour empêcher la destruction de l’actuelle Mendelssohn Haus afin d’en faire le musée que nous connaissons aujourd’hui. Assurément le projet muséographique le plus convaincant à Leipzig (avec évidemment le musée Bach, à quelque mètre de la Thomaskirche).
Le second concert (9 juin, Nikolaikirche) associent plusieurs cantates de Bach (BWV 50, 95, 48, 60, 90) – programme copieux sous la nef qui semble portée par d’amples colonnes palmes aux ramures élancées. Comme à l’époque de Bach, le chef, ici Hans-Christoph Rademann prend la parole, explique, commente le sens spirituel du texte. C’est l’alternance d’une dévotion soit inquiète (celle du croyant démuni, impuissant en prière) soit rassérénée (au plus près du Christ et comme réconforté par ce dernier) qui structure chaque séquence – la précision de la direction, l’engagement des chanteurs ressuscitent et réalisent les enjeux du rassemblement, moins concert que célébration fraternelle où chacun est invité à méditer sur ses actes, en toute conscience. La musique de Bach favorise cette introspection que prépare le chant des instruments.
A 19h, rendez vous est pris place du marché pour un grand événement en plein air – retransmis en live sur Arteconcert (il sera diffusé probablement sur Arte tv début septembre 2023). Le violoniste Daniel Hope que l’on a croisé la veille en costume bleu Klein en plein tournage au pied de la statue du Cantor, anime cette soirée hors normes intitulée « Tribute to Bach / Hommage à Bach ». Le programme est riche défendu là encore par les instrumentistes du Gewandhaus, le Thomanerchor Leipzig qui sous la direction du même « Thomaskantor » Andreas Reize, remarqué pour sa direction fluide et claire la veille pour le concert d’ouverture, réalise les séquences pour nous les plus convaincantes. En guest star, le pianiste Lang Lang surornemente les Variations Goldberg parfois en sacrifiant la simplicité sur l’autel de la sentimentalité, œuvrant par phrasés des plus fantaisistes ; et curieusement la vedette internationale achève sa performance sans rejouer l’aria initial… voilà qui mérite quelques explications (que nous n’aurons pas). Le public est conquis ; ce qui est primordial. La soirée sous les étoiles apporte sa propre coloration dans la succession des concerts que propose le BachFest : ce soir, les artistes et le publics fêtaient les 300 ans de la prise de fonction de Jean-Sébastien comme directeur de la musique à Leipzig ; célébration réussie, dans la communion et la ferveur (le concert s’est même achevé avec le choral « Jesus bleibet meine Freude » entonné par artistes et spectateurs.
Concert en plein air sur la place du marché de Leipzig, en direct sur ARTE – © classiquenews
Le lendemain, sam 10 juin, à l’heure du déjeuner, autre lieu, autre ambiance : Les Passions de l’Âme et sa leader, le violoniste Meret Lüthi jouaient un programme de « Concerts avec plusieurs instruments ». Dans une salle comble – le Paulinum, ou ancienne église de l’Université (Saint-Paul), reconstruite après avoir été dynamitée en 1968 (heureux effet de l’idéologie de la RDA), les instrumentistes offrent un éventail de pièces concertantes qui profite surtout de l’intervention du trompettiste Dominic Wunderli, précis, nuancé, et de l’excellent hauboïste invité, Benoît Laurent (que l’on a particulièrement apprécié dans sa contribution aux Concerts Royaux de Couperin par les Timbres, il y a quelques années ; ici affûté, flexible dans une version inédite du BWV 1060 pour violon et hautbois). Le programme enchaîne les standards connus (Konzert BWV 1042) et s’achève avec la lumineuse et si arcadienne Cantate pour soprano BWV 51, Cantate festive où Phoebus s’éprend de la belle nymphe Flora dans un parfum de plus en plus enivrant, celui d’une candeur amoureuse avec éclats de la trompette jubilatoire (allelujah final).
Le Paulinum Leipzig – ancienne église de l’Unversité – © classiquenews
Pendant notre (trop) court séjour, diverse, surprenante, la programmation du Festival Bach de Leipzig, n’a délivré qu’une partie de son incroyable charme. Idéalement inscrit dans la cité, le Festival permet au cours des déambulations entre concerts et événements programmés, de vivre au rythme de la ville saxonne.
Pour conclure cette édition 2023, le Festival a soigné la célébration aujourd’hui et demain ; sam 17 juin à 19h30 : Passion selon Saint-Jean par Vox Luminis / Lionel Meunier (direction et Jesus) – à 20h : Concert Bach par Lang Lang et Andris Nelsons au Gewandhaus ; enfin demain dim 18 juin, dernier jour : Cantates à 9h30 (Saint-Thomas) et 10h (Saint-Nikolas) puis final grandiose avec la Messe en si BWV 232 par le Bach Collegium Japan, Masaak Suzuki (évidemment sous la nef de la Thomaskirche, 18h). Incontournable. Rendez-vous est déjà pris pour l’édition 2024, qui aura lieu du 7 au 16 juin 2024.
TOUTES LES INFOS sur le site du LEIPZIG BACHFEST 2023:
Réservations, billetterie
directement sur le site du BACHFEST 2023
www.bachfestleipzig.de
https://www.bachfestleipzig.de/de/bachfest
Ticket orders by phone from abroad:
0049-1806-99 90 00-345 (local tarif)
Mon / Lundi – Sun / dimanche: 10h – 18h CET)
LIRE aussi notre présentation annonce du BACHFEST 2023 :
LEIPZIG : Festival BACH / BACHFEST : 8 – 18 juin 2023. BACH FOR FUTURE
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Approfondir
Les événements de musique à Leipzig
été – automne 2023
Été musical de MDR (à partir du 17 juin 2023)
https://www.mdr.de/musiksommer/mdr-musiksommer-programm100.html
Juillet 2023 : concert en plein air du Gewandhausorchester:
Klassik Airleben (30 juin – 1 juillet 2023)
https://www.gewandhausorchester.de/klassik-airleben/
Marché de Leipzig en Musique (4 – 13 août 2023):
https://www.leipzig.travel/en/event/leipziger-markt-musik
Festival ConSpirito / musique de chambre (3 – 10 septembre 2023):
https://www.conspiritoleipzig.de/en/
Festival de jazz (14 – 22 octobre 2023):
https://www.jazzclub-leipzig.de/en/leipziger-jazztage/
Festival Mendelssohn
Novembre 2023 (31 octobre – 5 novembre 2023):
https://www.leipzig.travel/en/discover/music-and-culture/music#c11506
OPERA DE LEIPZIG
Festival d’opéra tous les 2 ans:
2024 : danse/ballet (21. – 29. Juin 2024):
https://www.oper-leipzig.de/en/leipzig-tanzt
2026 Lortzing comédie musicale:
https://www.oper-leipzig.de/en/lortzing-in-leipzig
GEWANDHAUS
Festival de Gewandhausorchester / tous les 2 ans:
2023 : Gustav Mahler (chaque 10ans / thème Mahler – déjà passé : mai 2023),
2025 : Chostakovitch
Grand concerts du Gewandhausorchester: tous les jeudi et vendredi :
le 8 septembre 2023 commence la nouvelle saison 2023 / 2024
CHOEUR de garçons de Saint-Thomas / ThomasKirche :
Thomanerchor : tous les vendredi, samedi, Motets dans l’église Saint-Thomas
PLUS D’INFOS sur le site de l’Office de TOURISME DE LEIPZIG :
https://www.leipzig.travel/en/service/travel-information/information-for-travel-operators
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