Après le programme “Destins” (avec notamment la 5ème symphonie de Tchaïkovski), donné il y a deux semaines sous la direction de leur directrice musicale Débora Waldman, l’Orchestre National Avignon Provence s’attaque cette fois à un programme nommé “Héros” (quelle bonne idée d’intituler ainsi chaque concert, en unifiant les divers programmes…), placé sous la battue du chef américain Case Scaglione, directeur musicale de l’Orchestre National d’Île de France (depuis 2019). Il dirige, dans les murs du superbe Opéra Grand Avignon, des œuvres de Milhaud, Bernstein et Beethoven, avec la violoniste allemande Carolin Widmann comme soliste.
En guise de mise en bouche, c’est la rare (et courte) Symphonie de chambre “Le Printemps” de Darius Milhaud qui est donné à entendre, composée et créée à Rio de Janeiro en 1918, et qui a la particularité d’exposer des thèmes, mais sans prendre le temps de les développer. L’ouvrage qui suit est plus “roboratif”, mais malheureusement tout aussi rare, alors qu’elle est l’un des chefs-d’œuvre de son auteur : la Sérénade d’après le Banquet de Platon pour violon solo et orchestre de chambre de Leonard Bernstein. Malgré son titre, la Sérénade (1954) de Bernstein s’avère plus ambitieuse qu’il n’y paraît, ne serait-ce que parce qu’elle est inspirée du Banquet de Platon. On y dénote peu de morceaux jazzy, sinon dans le mouvement final, mais un concerto “néoclassique” servi par le violon chaleureux et coloré de Carolin Widmann. L’accompagnement se révèle sans faille, traduisant une grande confiance en soi et dans la direction du chef américain. Malgré les nombreux, la violoniste n’offrira pas le bis pourtant réclamé par un public plein d’enthousiasme…
En seconde partie de soirée, place à la célébrissime et indémodable 6ème Symphonie (dite “Pastorale”) de Ludwig van Beethoven. Le premier mouvement est bondissant et étincelant, d’une clarté de ligne remarquable, qui permet d’entendre une palette d’effets et de nuances très large, ainsi que la suprématie d’un lumineux pupitre de premiers violons qui sont les inspirateurs de tout l’orchestre. L’Andante est phrasé avec une douceur extrême, offrant un admirable moment de contemplation calme et poétique. On revient ensuite à des impressions plus terrestres avec un troisième mouvement enjoué et allègre, dont le léger déhanchement évoque l’enivrement des danseurs après avoir bu quelques rasades de vin généreux. L’orage est le moment le plus mémorable de la symphonie : l’atmosphère est chargé d’électricité, le timbalier est en pleine forme, énergique à souhait, et la tension ne se relâche que lorsque les nuages s’éloignent, pour un dernier mouvement tonique, acmé d’une joie simple et naturelle.
C’est merveille d’entendre les progrès que l’ONAP a fait depuis que l’excellente cheffe brésilienne est arrivée à sa tête (en 2020), le hissant à une envergure de premier plan – et n’ayant pas à rougir devant des formations plus prestigieuses (comme l’OPS ou l’ONPL en France)… alors félicitations à tous les formidables instrumentistes de l’Orchestre National Avignon Provence !
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CRITIQUE, concert. AVIGNON, Opéra Grand Avignon, le 6 décembre 2024. MILHAUD / BERNSTEIN / BEETHOVEN. Orchestre National Avignon Provence / Carolin Widmann (violon) / Case Scaglione (direction). Photo (c) Emmanuel Andrieu
VIDEO : Carolin Widmann interprète la « Polonaise » pour violon et orchestre de Schubert