mercredi 14 mai 2025

CRITIQUE, festival. COLMAR, Festival International de Musique de Colmar (Eglise St Matthieu), le 6 juillet 2024. ADES / BRITTEN / ELGAR. Ed Lyon (ténor), Orchestre Symphonique de la Monnaie, Alain Altinoglu (direction)

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Emmanuel Andrieu
Emmanuel Andrieu
Après des études d’histoire de l’art et d’archéologie à l’université de Montpellier, Emmanuel Andrieu a notamment dirigé la boutique Harmonia Mundi dans cette même ville. Aujourd’hui, il collabore avec différents sites internet consacrés à la musique classique, la danse et l’opéra - mais essentiellement avec ClassiqueNews.com dont il est le rédacteur en chef.

Au lendemain d’un enthousiasmant concert d’ouverture au Festival International de Colmar, on retrouve Alain Altinoglu et les forces vives du Théâtre Royal de la Monnaie de Bruxelles dans un répertoire 100 % anglais cette fois, centré autour des figures de Benjamin Britten et Edward Elgar. Mais c’est avec une courte pièce de Thomas Adès, l’Ouverture de son opéra “The Tempest” (créé en 2004 à Covent Garden) que débute la soirée, en évoquant les flots tempétueux d’une mer déchaînée, mais dont les débordements intempestifs sont ici parfaitement maîtrisés par le chef français. 

 

 

Place ensuite à la bien trop rare (car magnifique !) Sérénade pour ténor, cor et cordes, op. 31 (1943) de Benjamin Britten, qui met ici face à face le ténor anglais Ed Lyon et le corniste Jean-Pierre Dassonville, dans un dialogue coloré au cours duquel la parole circule de manière fluide, de l’un à l’autre. Composée en 1943 à l’intention de Peter Pears, ce ouvrage comprend huit sections différentes s’inspirant de différents poètes britanniques dont Charles Cotton, Alfred Tennyson, William Keats, Ben Johnson et John Keats. Huit sections pour huit climats différents réunis autour des thèmes de la nuit et de la mort : après un Prologue et un Epilogue confiés au seul cor (naturel), la Sérénade déploie une Pastorale évoquant le soleil couchant où les deux hommes s’entretiennent de concert ; un Nocturne étincelant où le cor se fait l’écho de la voix ; une Elégie plus sombre qui voit le cor prendre le dessu dans un beau solo soutenu par les contrebasses et les cordes en sourdine ; un Chant funèbre qui laisse le ténor s’exprimer sur un fond de cordes graves, avec une entrée secondaire du cor dans un climat de deuil et de colère retenue ; un Hymne où cor et ténor rivalisent de virtuosité dans des vocalises étourdissantes ; un Sonnet qui s’avère le moment le plus lyrique de la sérénade, porté par la complicité entre cordes et voix. Les deux solistes réunis sous les voûtes de l’Église Saint-Matthieu de Colmar nous livrent de cette joute originale une interprétation hautement convaincante, où l’on admire les qualités vocales d’Ed Lyon – dont on connaissait déjà les qualités de timbre, de projection et de diction -, autant que la belle sonorité toute en nuances et la virtuosité sans faille du corniste Jean-Pierre Dassonville, cor solo de l’Orchestre Symphonique de la Monnaie.

En seconde partie de soirée, la musique anglaise reste à l’honneur avec une exécution des enthousiasmantes Variations Enigma Op.36 (1899) de Sir Edward Elgar, une page autrement plus célèbre, car fondatrice de l’ère moderne de la musique britannique. Avec sa formation qui lui est entièrement dévouée, Alain Altinoglu exalte ici les longueurs aussi divines que crépusculaires de cette page symphonique, dont il porte la durée d’exécution à près de quarante minutes. Diffusant une salutaire chaleur brahmsienne, l’interprétation met tout particulièrement en exergue les grandes variations de caractère lyrique, dont, bien entendu, le fameux Nimrod mais aussi la Romanza. Compensant le nombre (par rapport au concert de la veille, qui affichait complet…) par un bel enthousiasme, le public alsacien fait une fête au chef français et ses aux musiciens, qui ne boudent pas leur plaisir non plus, en affichant ostensiblement tout le bonheur qu’ils éprouvent à travailler avec lui. Il s’ensuit un bis, la célébrissime première des marches de Pomp and Circumstance, écrite deux ans après les Variations, et qui leur vaut une standing ovation.

Vivement de les retrouver, ensemble, en début de saison au Théâtre Royal de la Monnaie de Bruxelles !

 

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CRITIQUE, concert. COLMAR, Festival International de Musique de Colmar / Eglise St Matthieu, le 6 juillet 2024. ADES / BRITTEN / ELGAR. Ed Lyon (ténor), Orchestre Symphonique de la Monnaie, Alain Altinoglu (direction). Photos (c) FIC – Bertrand Schmitt.

 

VIDEO : Kaëlig Boché interprète la « Sérénade pour cor et ténor  » de Benjamin Britten

 

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