mardi 2 juillet 2024

CRITIQUE, concert. COMPIEGNE, le 7 juillet 2023. JANACEK, SAINT-SAËNS, ESCAICH, F. JOOSTEN, SMETANA. Festival des forêts 2023. Philharmonie de Baden Baden / Heiko Mathias Förster, direction.

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La Philharmonie de Baden Baden a depuis toujours favorisé une active francophilie en particulier en créant des liens visionnaires avec Berlioz, lequel dès 1858, vantait les délices d’une ville écrin, idéale pour la composition. En outre la culture française devait encore s’affirmer en 1862, quand la célèbre mezzo Pauline Viardot s’installait à « Bade », participant même à la création de Béatrice et Bénédicte [9 et 11 août 1862] avec l’Orchestre Philharmonique sous la baguette d’Hector lui-même, pour l’inauguration du nouveau Théâtre de Baden Baden. Déjà un symbole fort du rapprochement des cultures française et germanique.

 

 

Théâtre Impérial de Compiègne
La Philharmonie de Baden Baden
invitée du Festival des Forêts

Il était donc légitime que la Philharmonie de Baden Baden participe aux célébrations du 60 ème anniversaire du Traité de l’Élysee qui favorise l’amitié franco-allemande. En particulier lors de ce concert au Théâtre Impérial de Compiègne où dans le cadre du Festival des Forêts, l’Orchestre allemand proposait un programme tout à fait adapté à la thématique pastorale et sylvestre de l’événement compiégnois (intitulé « Légendes des forets »).

Au programme, défi orchestral dès le début, la Suite en 2 mouvements, rarement jouée, déduite de l’opéra « La petite renarde rusée » de Janacek ; immersion immédiate dans la riche texture d’un orchestre foisonnant, miroitant même, claire expression de la Renarde ; l’opéra le plus bouleversant de Janacek opère une sublimation de l’animal, véritable héros d’une fable musicale qui touche à l’universel, intégré dans le vaste cycle de la Nature éternelle. L’activité de l’orchestre exprime la pensée même de l’animal. Bois et vents fruités, insolents ; cuivres brillants, cinglant, très caractérisés… l’Orchestre fait valoir immédiatement d’indiscutables arguments. Le chef saisit l’architecture, le sens et la direction comme l’efflorescence de timbres et de couleurs que l’on retrouvera en fin de parcours dans le formidable extrait de « la Moldau » de Smetana.
Riche et généreux comme on savait les composer au XIXème, le programme à Compiègne met aussi en avant la personnalité du violoncelliste russe Lev Sivkov, dont la faculté d’incarnation dans une palette très riche de nuances, de tenues de note, s’impose d’emblée dans l’exceptionnel 2ème Concerto de Saint-Saëns. Sur le tapis hautement raffiné que lui réserve l’Orchestre, le formidable soliste séduit, captive peu à peu dans l’énoncé des 2 thèmes principaux du mouvement I, dont il fait un festival de virtuosité assumée, totalement filtrée par son imaginaire décuplé, libéré, entre passion et finesse sidérante, cumulant des phrasés musicalement proches du sublime (!)

Aussi passionné qu’accessible, le violoncelliste nous dit sa passion pour Saint-Saëns ; en particulier son admiration pour le génie du Français dans l’art de construire l’un des concertos pour violoncelle les mieux structuré (avec celui de Tchaikovsky).

Français au programme de ce soir, Thierry Escaich dont l’Orchestre allemand réussit la création française de l’ouverture « ritual opening » inspiré du matériau mélodique et harmonique de son opéra « Shirine » ; La partition plonge dans un univers contrasté, lui aussi suractif où percent les dards, affûtés, presque menaçants des cuivres à l’affût ; chef et instrumentistes réalisent cette transe progressive dans un climat intranquille et fiévreux jusqu’au climax final, libératoire.

« Le grand frêne » présentée en création française (Mouvement III de la Fantaisie pour violon) est d’une écriture tout autant narrative, non moins élaborée par son auteur Fabian Joosten qui met en avant surtout le solo du premier violon de l’Orchestre [Yasushi Ideue, ardent et d’une flamme précise, intense sachant soigner le caractère lyrique de la pièce].

Le dernier Smetana (La Maldau, 2ème mouvement de Ma Patrie) illustre parfaitement la thématique pastorale du programme ; l’essor fluvial du sujet dans ses excroissances et rebonds permanents d’un pupitre à l’autre, sa liquidité subtile ensorcelante, dès le début entre les deux flûtes qui se passent le thème initial dans une fluidité dialoguée, se dévoilent totalement délectables… Les instrumentistes retrouvent cette opulence sonore, et cette vivacité du geste déjà constaté dans le Janacek initial. L’Orchestre redouble d’intentions expressives dans un tempo plus rapide qu’à l’accoutumée mais dont le fil organique n’est jamais rompu. La mise en place, la lisibilité contrapuntique, la gestion du souffle, le choix des respirations, l’éclat des timbres de surcroît magnifiés par la superbe acoustique du théâtre (à la fois détaillée et analytique), sont particulièrement convaincants, d’autant plus dans un programme aussi éclectique. Une grande soirée de fraternité internationale, célébrant la Nature dans le cadre d’un festival des plus écologiques et durables : voilà un bien beau symbole.

 

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CRITIQUE, concert. COMPIEGNE, le 7 juillet 2023. JANACEK, SAINT-SAËNS, ESCAICH, F. JOOSTEN, SMETANA. Festival des forêts 2023. Philharmonie de Baden Baden / Heiko Mathias Förster, direction.

 

 

 

 

AGENDA :
Lev Sivkov est à l’affiche du Festival des Forêts, mar 11 juillet 2023, 20h30, dans un récital Schubert, Debussy, Borodine (avec Nikita Mndoyants, piano) ; plus d’infos ici : https://festivaldesforets.fr/evenement/sonate-arpeggione/

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