jeudi 4 juillet 2024

CRITIQUE, concert. LYON, Auditorium Maurice Ravel, le 15 juin 2024. SAINT-SAËNS / BERLIOZ. Orchestre National de LYON, Marie-Ange Nguci (piano), Nikolaj Szeps-Znaider (direction).

A lire aussi
Emmanuel Andrieu
Emmanuel Andrieu
Après des études d’histoire de l’art et d’archéologie à l’université de Montpellier, Emmanuel Andrieu a notamment dirigé la boutique Harmonia Mundi dans cette même ville. Aujourd’hui, il collabore avec différents sites internet consacrés à la musique classique, la danse et l’opéra - mais essentiellement avec ClassiqueNews.com dont il est le rédacteur en chef.

 

C’est en beauté que s’est conclue la saison 23/24 de l’Auditorium-Orchestre de Lyon, avec la formation symphonique “maison” que dirigeait son directeur musical, le chef-violoniste danois Nikolaj Szeps-Znaider – qui nous avait enthousiasmés dans une bouleversante 9ème Symphonie de Mahler, in loco, en mars dernier

 

 

Comme tour de chauffe, le chef et la phalange lyonnaise offrent un court extrait du “Ludus Pro Patrio” (“La Nuit et l’Amour”) d’Augusta Holmés, très belle pièce symphonique qu’ils ont gravée récemment ensemble pour le label du Palazetto Bru Zane. C’est ensuite le plus roboratif Concerto pour piano n°2 de Camille Saint-Saëns qui est donné à entendre, ici interprété par la pianiste française Marie-Ange Nguci – qui nous a, quant à elle, beaucoup impressionnés dans le Concerto n°3 de Beethoven à Nantes en début de saison. Ce concerto est tout dédié à la virtuosité du soliste et exige de l’orchestre des qualités d’accompagnement à l’équilibre délicat et des moments chambristes d’une grande subtilité. Dès sa première et somptueuse intervention solo, Marie-Ange Nguci se montre magistrale : la puissance et l’élégance mêlées. Comme porté par cette excellence, le chef obtient de son orchestre des accords pleins et expressifs avant de laisser le hautbois chanter avec le piano. Le tapis délicat des cordes, la subtilité des cors, subjugue le public par une fusion complète avec la pianiste. Puis le dialogue s’avère vivant, émouvant et éblouissant de vérité. Une pianiste, toutes oreilles ouvertes, et des musiciens d’orchestre laissant circuler cette musicalité partagée, stimulés de la délicate gestuelle de Szeps-Znaider. Particulièrement acclamée, la soliste offrira deux bis à un public conquis. 

En seconde partie de soirée, place à ce qui est peut-être le cheval de bataille de la phalange lyonnaise : la Symphonie fantastique de Hector Berlioz. L’interprétation captive dès les premières mesures, grâce à des phrasés d’une subtilité exaltante, et des couleurs ciselées et variées. En architecte, le danois porte l’orchestre jusqu’à ses ultimes limites expressives, dévoilant une écoute dramatique d’autant plus juste que Berlioz précise, dans son fameux avertissement destiné au public, que la Symphonie a été conçue comme un opéra – et comme un théâtre émotionnel qui convoque le coeur, l’esprit, la passion et l’âme d’un être amoureux, possédé par une vision obsédante et vénéneuse. La clarté de l’approche séduit et saisit jusqu’au tumulte infernal du sabbat nocturne. Elle met en lumière le plan dramatique de cet “opéra symphonique” et l’extrême raffinement de son orchestration où tous les pupitres sont mis en avant sans exception : combinaisons de timbres spécifiques, solos éblouissants (notamment les bois), Berlioz jubile en une langue nouvelle et régénérée, qui porte désormais la marque de toute la génération romantique. Le chef ouvrage avec un tact exceptionnel chacun des épisodes de cette vie d’artiste marquée par l’impuissance, la solitude, et la folie. Tout va croissant sur un rythme diabolique dans le tableau final (la 5ème partie) : hallucinations, délire et fièvre, coups du destin (morsures et grimaces des bassons idéalement sardoniques), chef et musiciens font entendre un seul corps palpitant soumis à des saccades rythmiques convulsives, des déformations monstrueuses et terrifiantes, en une course à l’abîme saisissante de vertiges et de secousses aiguës. Nikolaj Szeps-Znaider marque, sans appui et avec une grande clarté, chaque étape de cette descente aux enfers qui fait de la nuit de Sabbat le point ultime d’une chevauchée sans issue. Est-il besoin de préciser que c’est un triomphe ?…

 

__________________________________________

CRITIQUE, concert. LYON, Auditorium Maurice Ravel, le 15 juin 2024. SAINT-SAËNS / BERLIOZ. Orchestre National de LYON, Marie-Ange Nguci (piano), Nikolaj Szeps-Znaider (direction). Photos(c) Emmanuel Andrieu.

 

VIDEO : Leonard Slatkin dirige un extrait de la “Symphonie fantastique” de Berlioz à la tête de l’Orchestre National de Lyon

 

- Sponsorisé -
- Sponsorisé -
Derniers articles

OPÉRA de RENNES : programmation spéciale été 2024 – jusqu’au 17 juillet 2024. Carmen, « Ça vous dérange », concert des étoiles au clair de lune…

A l’instar des grandes institutions musicales en France, (telle l’Orchestre National de Lille et son festival lyrique estival «...
- Espace publicitaire -spot_img

Découvrez d'autres articles similaires

- Espace publicitaire -spot_img