jeudi 4 juillet 2024

CRITIQUE, concert. MENTON, Palais de l’Europe, le 2 août 2023. MARATHON YAMAHA des jeunes pianistes. CALLUM MCLACHLAN, MATEUSZ KRZYZOWSKI, KAMILE ZAVECKAITE

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Heureux festivaliers à Menton qui peuvent suivre et goûter les progrès des jeunes pianistes invités à exploiter en un marathon tremplin formateur, toutes les ressources des claviers Yamaha. Dans le vaste salon de Grande Bretagne au 2e étage du Palais de l’Europe, une place privilégiée est réservée à l’émergence. Pour fortifier et enrichir leur métier, les jeunes pianistes doivent multiplier leur expérience du concert avec public. Une opportunité favorisé par le Festival de Menton, qu’ont saisi les 3 artistes à l’affiche de cette soirée de partage et de découverte.

 

 

Le premier interprète affirme une indiscutable capacité technique au service d’une sensibilité souple et suggestive. Le britannique CALLUM MCLACHLAN cumule distinctions et récompenses collectés dans divers Concours dont celui de Zwickau. De fait son Schumann convainc très immédiatement par la justesse des intentions, le son maîtrisé et nuancé, un engagement qui privilégie précision et flexibilité. Mais à l’amorce de sa prestation, le geste concentré manque parfois encore de spontanéité.

Les études symphoniques de Schumann [1834] révèlent un jeu percutant et liquide à la fois ; une sensibilité qui sait caractériser, jouer habilement des contrastes. La technicité permet de canaliser un flot impétueux voire une houle digitale de belle facture et l’on mesure avec enthousiasme ses passages fluidifiés, de la volonté conquérante à la rêverie enivrée ; soit sur le plan expressif la double nature schumanienne, Florestan et Eusebius alternés ; ce Schumann puissant et précis semble de fait couler sous ses doigts ; le musicien relevant chaque défi contenu dans chaque séquence.

De même, le pianiste convainc dans l’élégie n°4 de Busoni dont il capte la matière éblouissante et furieuse, virtuose et délirante en un jeu libre et de plus en plus souple et incarné. Enfin la gravitas du Prélude en ré mineur de Chostakovitch s’impose sans hésitation ni réserve ; droite, d’abord en un ample portique initial qui conduit peu à peu vers un jardin intime où l’introspection comme souvent chez Chosta, mène au gouffre solitaire et profond, dans le vertige d’une mécanique foudroyée… Il y a comme la dissolution progressive de la forme qui bascule dans le sentiment de renoncement et d’effacement total. Collum Mclachlan est un tempérament à suivre, déterminé et fin qui annonce un prochain enregistrement qui comprendra peut être Schumann, et de façon certaine la Sonate de Barber…

 

 

MATEUSZ KRZYZOWSKI
Avouons avoir été nettement moins convaincu par son jeu trop dur, brutal voir agressif, avec si peu de nuances dans le Debussy [Puerta del vino] ; même dans Szymanowski [Études opus 4 et fantaisie opus 14], la lecture se réduit à un abattage exacerbé, uniformément guerrier et sec dont le spectre reste figé aux forte / fortissimos. Le final de la Fantaisie [partition pourtant passionnante de 1905] laisse envisager teintes et aspirations lisztéennes dont la spiritualité et l’appel mystérieux des hauteurs sont à peine effleurés. Dommage.

 

 

 

KAMILE ZAVECKAITE
Après une pause, place à la dernière jeune sensibilité, celle de la lituanienne Kamile Zaveckaite. Les 8 pièces de Schumann [Bunte Blätter opus 99] portent toute l’invention facétieuse voire fantasque d’un Schumann polymorphe, insaisissable. La pianiste en réussit une exécution encore un peu dure mais dans une caractérisation attentive et fluide.
Un pas est franchi dans la Sonatine de Ravel de 1905 : le jeu se fait plus nuancé, diaphane et sans entrave, clair et transparent, porté par la quête d’une candeur émerveillée.

 

 

Enfin les 3 pièces d’Albeniz, composés à Paris en 1905 [livre 1, Iberia] affirment une indiscutable maîtrise des contrastes, entre élégance racée et incises expressives ; Albeniz qui vécut à Paris et cotoya la Schola cantorum, influençant directement Debussy et Ravel, compose comme un peintre sur le motif, brossant en accents millimétrés et rapides, ce qui fait l’essence de séquences authentiquement ibériques. Le sens des contrastes, l’essor des couleurs, de somptueux accords baignés d’un onirisme soudain et profond … tout concourt à convaincre dans une suggestion maîtrisée. De ce point de vue, c’est bien la première des 3 scènes qui saisit par son élégance et sa sensibilité. L’évocation d’une Espagne à la fois lascive et rebelle se réalise avec un feu intense et précis qui fait surgir l’énergie vif argent de la danse. Ainsi « Evocacion », riche en dynamiques justes et en caractère, affirme ce sens d’une caractérisation brillante et fine qui n’ôte en rien le lyrisme ni l’éloquente poésie de l’écriture. Un Albéniz de premier plan, qui se révèle ainsi très abouti.

 

 

 

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CRITIQUE, concert. MENTON, Palais de l’Europe, le 2 août 2023. MARATHON YAMAHA des jeunes pianistes. CALLUM MCLACHLAN, MATEUSZ KRZYZOWSKI, KAMILE ZAVECKAITE – Photos © Festival de Menton 2023

 

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