mercredi 3 juillet 2024

CRITIQUE, concert. MONTPELLIER, Opéra Berlioz, le 31 mai 2024. BEETHOVEN / MAHLER. Orchestre National Montpellier Occitanie / Alexandre Tharaud (piano) / Michael Schonwandt (direction).

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Sabine Teulon-Lardic
Sabine Teulon-Lardic
Critique et Musicologue : l'un nourrit l'autre et vice versa ! Sabine a écrit une Thèse sur l'opéra-comique au XIXe siècle.

 

Dans un Opéra Berlioz plein à ras bords, le dernier concert symphonique de l’Orchestre National Montpellier Occitanie ne serait-il pas le meilleur de la saison 23/24 ? Avec le retour du chef d’orchestre Michael Schønwandt et la puissance de jeu du pianiste Alexandre Tharaud, la musique classique est bien notre « patrimoine public » : une expression maniée par le porte-parole des musiciens, en préambule au concert, afin de dénoncer les coupes budgétaires du ministère de la Culture.

 

Plénitude beethovenienne avec Alexandre Tharaud

 

 

Quel brio associer au 3ème Concerto opus 37 de Ludwig van Beethoven ? C’est à quoi s’emploient en connivence Alexandre Tharaud et l’Orchestre National de Montpellier sous la baguette de M. Schønwandt. La large introduction orchestrale dynamise déjà l’Allegro con brio en instaurant la plénitude sonore et le rebond caractéristique du génial symphoniste, amplifié des timbales jusqu’aux autres pupitres. Dans ses pas, le pianiste aborde son entrée via le toucher percutant du thème incisif, puis change de cap pour faire chanter le tendre phrasé du second thème. La Cadenza virtuose s’en souviendra. Au fil du Largo, son dialogue chambriste avec les vents de l’orchestre (flûte, basson, cor) ménage une plage belcantiste de belle tenue. A contrario, la plénitude devient fougueuse dans les épisodes du Rondo conclusif. L’inventivité et la virtuosité du pianiste s’immiscent dans les accentuations que Beethoven, fin rythmicien, sème au cours d’une danse faussement simple. Après les acclamations de l’auditoire, nous sommes moins séduits par le bis du pianiste, froide transcription de la Sicilienne de la Sonate BWV 1031 de J. S. Bach.

 

Alchimie sonore de Mahler sous la direction de Michael Schønwandt

En ce mois de mai où tout bourgeonne, la 4ème Symphonie de Gustav Mahler (1901) déploie ses quatre mouvements comme autant de ramifications du vivant. Irrigué par les thèmes clairement profilés, le frémissement pastoral de la vie envahit le 1er mouvement « Bedächtig, nicht eilen » (Réfléchi, sans se précipiter). Le chef conduit en effet la mobilité giocoso des tempi par le truchement d’excellents pupitres de l’orchestre montpelliérain, notamment des bois et du cor solo. Au cours des mouvements suivants, le sarcastique et le populaire (violon solo), le sublime chant de violoncelles (Poco Adagio) animent le parcours. En combinant l’alchimie des timbres, mais aussi celle des nuances différenciées par pupitre, l’expressivité mahlérienne se dévoile. Cette hypersensibiliité culmine lors de l’éclat fortissimo du tutti ; quelle ardeur chez les musiciens réunis autour de leur ancien directeur musical ! Si la ductilité et l’aigu angélique de la soprano Cyrielle Ndjiki sont appropriés au Lied de l’Himmlische Leben (La Vie céleste, tirée du Cor merveilleux de l’enfant), sa conduite de phrases manque de direction. Néanmoins, ce final extatique, d’une innocence sans équivalent, emballe le public enthousiaste de l’Opéra Berlioz. 

 

« Dodo Tharaud » en prime !

En troisième mi-temps du concert, aux alentours de 23 heures, le public peut accéder au « Dodo Tharaud » pour la modique somme de 10 euros. Ce nouveau concept consiste en une sorte de sérénade nocturne a mezza voce, initiée par les propos apaisants et thérapeutiques du pianiste à ses auditeurs allongés dans la pénombre de l’arrière-scène (Opéra Berlioz). Elle associe la détente corporelle et psychique de l’auditoire à une sélection de pièces interprétées par six complices – soit des musiciens du concert symphonique, réunis autour du soliste et du chef d’orchestre. Tissant une voûte étoilée, la 1ère Gnossienne d’Erik Satie s’étire jusqu’aux pas félins d’une clarinette basse, Molto tranquilo (3 Pièces d’Igor Stravinsky), puis vers les chuchotements de Summertime ou de la Habanera de Kurt Weill (Youkali). Le conte de la Belle au bois dormant (Ma mère l’Oye de Maurice Ravel) enjambe ces fragments jusqu’aux Tränen translucides de J. Widmann (violon, clarinette et piano). En interlude, la lecture de poèmes en danois (Emil Aarestrup, Tove Ditlevsen, Inger Christensen) embarque le dormeur éveillé vers des horizons chimériques qui se diluent dans la chanson de Barbara, « Septembre ». Sans applaudissements (proscrits), les musiciens s’éclipsent à pas de velours. Auditrices et auditeurs s’ébrouent, captivés et même capturés par cette déambulation poétique aux portes de la nuit.

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CRITIQUE, concert. MONTPELLIER, Opéra Berlioz, le 31 mai 2024. BEETHOVEN / MAHLER. Orchestre National Montpellier Occitanie / Alexandre Tharaud (piano) / Michael Schonwandt (direction). Photos (c) Marc Ginot.

 

VIDEO : Alexandre Tharaud interprète « Les Barricades mystérieuses » de François Couperin

 

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