Pour sa 4ème édition, le Festival “Résonances” – sis dans le sublime écrin de la Sainte-Chapelle de Paris – met à nouveau le Clavier sous le feu des projecteurs, tant par le nombre d’artistes invités (onze en tout…) que par la variété des instruments mis en avant (clavecin, pianoforte, et piano Steinway). Et c’est sur un pianoforte viennois de 1802, d’après Walter & fils et réalisé par Paul McNulty, que la pianiste biélorusse (également professeure de piano dans divers Conservatoires en France… où elle est basée depuis 30 ans) – Daria Fadeeva – interprète, en cette troisième soirée de Festival (lundi 12 juin), un programme regroupant des œuvres de Mozart, Beethoven, C.P.E. Bach ainsi que du plus méconnu Hyacinthe Jadin (1776-1802). Pleine à craquer (le concert affichant complet), le mirifique joyau gothique, en cette heure vespérale de 20h (comme tous les autres concerts), brille de 1000 feux avec ses 670 m2 de vitraux colorés (du 13ème siècle) qui déteignent jusque dans la nef…
Et c’est avec le Génie de Salzbourg que la soirée débute, après une première salve d’applaudissements d’un public très éclectique et international (on y aura à peu près entendu la plupart des principales langues de la Planète !…), pour bien sûr encourager l’artiste, de son côté habillée d’une veste en dentelles dorées, comme pour faire honneur (ou “pendant”) à l’éclat majestueux des lieux. Et après un “Rondo en la mineur” KV511 tout en volutes et légèreté, c’est à la plus conséquente “Sonate en fa majeur” KV280 que la pianiste s’attaque. Si le premier mouvement est ici empreint d’élégance et, par moments, de brio, et si le finale se pare d’espièglerie enjouée, la pianiste parvient à parer la partie médiane de l’œuvre (Adagio) d’une douloureuse et touchante mélancolie, puisqu’elle se veut la traduction, en notes, de la prière d’un être déprimé.
Le compositeur français Hyacinthe Jadin, mort à l’âge de 24 ans en 1800, a quand même eu le temps de composer toute une littérature pianistique, dont la “Sonate en do dièse”, op. 4 N°3 que défend ici Daria Fadeeva, qui laisse découvrir une sensibilité à fleur de peau (il est surnommé le “Schubert français”), et des humeurs changeantes, des passages tourmentés, des modulations expressives et autres élans passionnés qui préfigurent le “Romantisme” à venir.
Et c’est avec le plus tourmenté des compositeurs, le géant Ludwig van Beethoven, qu’elle achève son concert (d’une durée d’une heure environ), avec la “Sonata quasi una fantasia” op.27 n°2. Dans cette “Treizième Sonate” beethovénienne (1801), la pianiste lisse quelque peu les excentricités de cette « quasi-fantaisie », pour une lecture très maîtrisée, sans affectation, aux tempi véloces, fondée sur un jeu typique de l’école française dont elle semble plus pénétrée que d’école slave, privilégiant ainsi la clarté et l’articulation sur la rondeur ou la puissance.
Devant l’accueil enthousiaste d’un public qui lui réserve une “standing ovation”, elle lui offre en bis une autre pièce pleine de malice et de verve de C.P.E Bach !
Et le Festival se poursuit ce soir 16 juin – et jusqu’au 25 juin – avec la venue du pianiste coréen Huyk Lee (Lauréat du prestigieux Concours International de Piano Long Thibaud l’an passé !), pour un programme intégralement dédié à Mozart (Sonates KV 310? 311 & 331).
Le lendemain samedi 17 juin, c’est la pianiste Aya Okuyama (née à Tokyo en 1973) qui sera invitée à faire montre de son talent pianistique, dans un récital consacrée à l’Espagne, au travers de ses plus illustres musiciens (Albéniz et De Falla) comme de ceux qui se sont grandement inspirés de ses ensorcelantes alchimies sonores (Debussy et Ravel).
Le 18 juin, c’est à un “Récital romantique” que nous convie le Festival, avec aux manettes le pianiste breton Romain David (né en 1978), dans un programme Beethoven, Liszt et Chopin.
Le lundi 19, c’est une star qui illuminera de son talent l’édifice voulu par Saint-Louis pour accueillir la couronne d’épines du Christ, la grande Vanessa Wagner, qui défendra avec la flamme qu’on lui connaît des ouvrages de Brahms, Grieg, Sibelius et Mozart.
Après quelques jours de répit, le festival reprendra (pour son We de clôture) le vendredi 23 juin, avec la venue de la toute jeune pianiste française Angelina Natal, seulement âgée de 16 ans – mais déjà bardée de trophées internationaux ! -, pour un récital consacré à Fauré (Barcarolle), Liszt (Rhapsodie hongroise) et Rachmaninov (Etudes-Tableaux et Préludes).
Le 24 juin, autre star du piano français, c’est Romain Descharmes qui honorera de sa présence le Festival “Résonances”, pour une interprétation d’ouvrages rares, comme “Un reflet dans le vent” de Messiaen, la “Sonate” de Dutilleux ou encore des ouvrages du méconnu pianiste/compositeur américain (d’ascendance polonaise) Frederic Rzewski.
Enfin, le festival clôturera sa mouture 2023 par de la musique de Jazz, performée par le fameux Trio Avishai (composé par le pianiste Yonathan Avishai, le contrebassiste Yonel Zelnik et Donald Kontomanou aux percussions), qui donnera à entendre (25 juin) un “American songbooks” avec les plus belles pages de Duke Ellington ou Cole Porter… Longue vie au Festival “Résonances” !
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CRITIQUE, concert. Paris, Festival “Résonances” (Sainte Chapelle), le 12 juin 2023. Mozart, Beethoven, C.P.E. Bach, H. Jadin. Daria Fadeeva (piano). Photo © Emmanuel Andrieu