mercredi 14 mai 2025

CRITIQUE, concert. PARIS, Paris Opera Festival (Sainte Chapelle), le 15 avril 2023. Récital de Charles Castronovo, ténor (Claire Habbershaw, piano / Ysaline Lentze, harpe).

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Emmanuel Andrieu
Emmanuel Andrieu
Après des études d’histoire de l’art et d’archéologie à l’université de Montpellier, Emmanuel Andrieu a notamment dirigé la boutique Harmonia Mundi dans cette même ville. Aujourd’hui, il collabore avec différents sites internet consacrés à la musique classique, la danse et l’opéra - mais essentiellement avec ClassiqueNews.com dont il est le rédacteur en chef.

 

 

Au lendemain d’un récital de Fabienne Conrad en duo avec le baryton Régis Mengus, le Paris Opera Festival invitait l’un des chanteurs parmi les plus demandés des scènes lyriques internationales, le ténor italo-américain Charles Castronovo, qui faisait escale à Paris entre son Don José (Carmen) au Lyric Opera de Chicago (qu’il interprétait une semaine plus tôt) et son Des Grieux (Manon) à l’Opéra de Vienne (à partir du 30 avril) – comme ne manque pas de le souligner la maîtresse de cérémonie et directrice artistique du festival parisien, Fabienne Conrad, dans sa présentation du concert. Autant dire une autre « belle prise », après les venues de Patrizia Ciofi, Gaëlle Arquez ou Patricia Petibon – et un nouveau joyau vocal particulièrement digne de l’écrin de la sublime salle haute de la Sainte Chapelle de Paris. C’était par ailleurs son premier récital (en solo) dans la Capitale !

Accompagné par deux jeunes et talentueuses musiciennes, la pianiste britannique Claire Habbershaw et de la harpiste belge Ysaline Lentze, e fringant ténor apparaît, pour délivrer son premier air issu de ce répertoire français qu’il affectionne tant et qui lui va si bien : « Ô nature, enivre-moi de parfums » (Werther de Jules Massenet), où l’on goûte sans retenue sa diction parfaite de notre idiome, son sens des nuances et de la demi-teinte, des aigus en voix mixte parfaitement en situation et profondément émouvants. Il n’est pas l’un des chanteurs les plus recherchés dans ce répertoire par hasard, et sa voix se coule magnifiquement dans la délicate musique de Massenet.

Ensuite, répertoire italien, et plutôt vériste, avec des airs de Mascagni, Cilea et Tosti. Du premier, il entonne la « Serenata » ainsi qu’un air extrait de son opéra Iris (« Apri la tu finestra »), dans lesquels il séduit sans réserve, avec sa voix gorgée du soleil de la Sicile dont il est originaire (par son père), et des aigus émis de manière sûre et puissamment projetés. Dans le fameux air « E la solita storia » extrait de L’Arlesiana de Cilea, Castronovo trouve des accents déchirants et offre des demi-teintes désolées, absolument magnifiques.

Mais c’est surtout à un festival Tosti qu’il s’adonne essentiellement, avec pas moins de cinq Canzone empruntées à l’immense corpus mélodique du compositeur italien natif d’Ortona (« Tristezza », « Ideale », Ninna Nanna »…), auxquelles il parvient à donner le caractère intime et langoureux qu’elles appellent, avec son timbre suave et lancinant. Là aussi ses origines parlent d’elles-mêmes, et c’est avec la plus authentique simplicité et sensibilité qu’il les délivre. Il y incorpore cependant un air rare de Giuseppe Verdi, « O mio castel paterno » (« I Masnadieri ») qu’il a chantés à la scène l’hiver dernier au National Theater de Munich. Il l’interprète avec beaucoup de brio, en rendant justice à l’héritage belcantiste de cette musique, tout en distillant mille nuances et couleurs, avant de faire preuve de la vaillance indispensable pour la cabalette conclusive.

Excellentes musiciennes, la pianiste comme la harpiste (parfois en solo, parfois en duo) lui ouvrent systématiquement le chemin avec un toucher toujours sensible, et l’on sera particulièrement impressionné, pour ne pas dire « scotché », par l’exécution du thème d’Eugène Onéguine composé par Ekaterina Walter-Kühne (pour la harpe).
Deux rappels sont offerts à un public ne boudant pas son plaisir, la célèbre chanson napolitaine « Core ‘ngrato » (avec les deux instrumentistes), puis en solo, après avoir été cherché une guitare, la canzone sicilienne « Lu sciccareddu » – qu’il dédie à son père sicilien -, et qu’il délivre presque susurrée, avec une ineffable poésie et tendresse…

Le festival n’est pas fini : un 5ème et dernier week-end, du 29 avril au 1er mai, promet de bien belles émotions musicales, avec la venue d’abord de la mezzo franco-suisse Marina Viotti qui interprétera son dernier disque « Porque existe otro quere » (aux côtés de Gabriel Bianco), puis le lendemain 30, une « carte blanche » sera offerte au sémillant contre-ténor polonais Jakub Jozef Orlinski. Quant au concert de clôture du festival, le 1er mai, Fabienne Conrad se produira pour la quatrième fois – dans un récital « Grands airs et duos d’amour » – aux côtés du ténor français Christophe Berry.

Longue vie à cet attachant festival, ancré dans l’un des lieux les plus magiques et fascinants de notre Capitale !

 

 

 

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CRITIQUE, concert. PARIS, Paris Opera Festival (à la Sainte Chapelle), le 15 avril 2023. Récital de Charles Castronovo, ténor (Claire Habbershaw au piano et Ysaline Lentze à la harpe). Photos © Antoine Monfajon

 

 

VIDÉO / Charles Castronovo chante dans « I Masnadieri » de Verdi à l’Opéra de Munich :

 

 

 

 

 

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