La Neuvième symphonie de Gustav Mahler fait partie de ces œuvres monumentales que l’on n’entend en concert que deux ou trois fois dans sa vie. Pas question, donc, de rater le concert qui était donné à la Philharmonie de Paris par l’Orchestre de Paris dirigé par son jeune directeur musical (28 ans !), Klaus Mäkelä. On eut droit à une interprétation étourdissante, bouleversante, mémorable de cette œuvre hors du commun.
Crédit photo © André Peyrègne
Un an avant sa mort, Mahler a concentré tout son génie dans sa Neuvième symphonie. Sans avoir recours aux chanteurs et aux chœurs comme dans ses symphonies précédentes, il a investi son inspiration de démiurge dans un orchestre seul. Cette œuvre est son testament. Tous les styles auxquels il nous a habitués auparavant s’y retrouvent sublimement réunis : ses envolées monumentales, ses éclats dantesques, ses élans romantiques, ses confidences rêveuses, ses rythmes capricieux, sa grâce virevoltante, ses passages « populaires » ou burlesques, ses alternances d’espoir et de désespoir, ses marches funèbres, ses envols vers le Ciel. Le dernier mouvement se termine sur un sublime et poignant retour au silence. La musique s’achève, pianissimo, et même pianississimo. Mahler dit adieu à la vie. On a le frisson !
Pendant l’heure et demie que dure cette œuvre babylonienne, il y avait de quoi se perdre. Mais Klaus Mäkelä était là. Ce merveilleux jeune chef, aux allures d’ado, sut constamment capter notre attention, nous rattraper, nous guider. Il avait en mains à la fois son public et ses musiciens. Ses musiciens, il les électrisent. On sentait que tous donnaient le meilleur d’eux-mêmes, qu’ils soient solistes ou musiciens du rang. Et il y eut cette fin où la musique avait rendez-vous avec le néant. Les sons, peu à peu, s’amenuisaient pour finir par s’éteindre. La salle retenait son souffle. L’orchestre produisait des sons si ténus, précis, soignés, et si frémissants… que vingt violons ne semblaient être plus qu’un. On percevait des notes infimes, transparentes au point qu’on croyait entendre le silence. On n’osait plus bouger, comme pétrifiés d’admiration. Puis, soudain, la Philharmonie toute entière explosa en bravos – une explosion formidable comme il s’en produit à la fin des grands concerts ou des grands opéras. On venait d’entendre une mémorable Neuvième de Mahler.
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CRITIQUE, concert. PARIS, Philharmonie, le 2 oct 2024. MAHLER: Symphonie n°9. Orchestre de Paris / Klaus Mäkelä (direction).
VIDÉO : Claudio Abbado dirige la 9ème symphonie de Gustav Mahler au Festival de Lucerne