La volubilité est à l’affiche de ce concert éclectique dont la richesse des styles européens et asiatiques, exige une adaptabilité et une souplesse expressive ; ce que réalise au fur et à mesure du concert l’orchestre de chambre hongkongais, « Musicus Solists Hong-Kong » / MSHK, qui se composent de 16 instrumentistes, uniquement des cordes.
Leur forte cohésion et le sens des équilibres entre pupitres relèvent les nombreux défis du concert, distincts selon les compositeurs ; baroques, avec Rameau et Vivaldi ; modernes avec Bartok ; encore plus récent avec le Concerto pour violon, alto, pipa du compositeur hong-kongais Willis Wong ou la création mondiale du double Concerto « Umbra » pour violoncelle et ondes Martenot de la compositrice coréenne Seung-Won Oh.
Le jeu des instrumentistes se chauffe en cours de soirée ; encore légèrement instables et un soupçon timides dans les premiers Rameau (extraits des Concerts en sextuor) – une difficulté étonnamment programmée en début de programme ; mais qui finit par porter ses fruits ; après les Forqueray (belle articulation et fluidité) et Cupis (languissante et transparente), saluons la cohérence agogique de la pièce finale, La Marais : élégance, suggestion, mise en place et clarté de la trame contrapuntique en assurent la séduction nostalgique. La pièce principale du programme demeure le double Concerto de Seung-Won Oh, joué en première mondiale ainsi à Paris : un beau cadeau pour Gaveau, dans le premier concert français de la phalange hong-kongaise. D’abord le jeu staccato des cordes tisse un tapis heurté, vivant, palpitant sur lequel s’élancent et s’inscrivent les longues phrases du violoncelle (Trey Lee, fondateur de l’ensemble MSHK) et des ondes Martenot (accents mordants). Dès le début de la pièce, la compositrice sait exploiter toutes les performances du spectre sonore ample et comme angoissé, des Ondes Martenot (jeu très précis et nuancé de Nadia Ratsimandrey), la capacité du clavier électronique à produire toute une palette d’accents : large ondes sonores du clavier, coups et attaques des notes qui se rapprochent des coups d’archet des cordes (sans omettre le dispositif de réverbération avec haut parleur) ; l’écriture est contrastée et souvent facétieuse. L’œuvre dessine un parcours vivace, bondissant, et même âpre, comme une course, une poursuite électrique où les ondes Martenot chantent dans l’aigu, repris par le violoncelle en relation (parfois) très intime et complice avec le clavier.
Se détache en particulier une séquence centrale délirante dans les aigus avec un humour à peine voilé, comme une remise à zéro dans les suraigus. Le clavier joue sur les glissandi suscitant le violoncelle qui l’imite, dans le sens d’une amplification avec des effets de fritures d’ondes radios… Toute la partie finale exprime une lente et irrépressible élévation, passage désormais jalonné, de l’ombre à la lumière.
Dans le 2è partie, les jeunes instrumentistes relèvent haut la main les autres défis d’un programme particulièrement diversifié ; ils se montrent tout aussi convaincants dans les danses roumaines de Bartok dont ils expriment la saveur folklorique, en rien factice mais douée d’une sincérité de couleurs et une belle vitalité rythmique (les cordes sont en cela finement articulées). Les amateurs de rapprochement et d’échange entre Paris et Hong-Kong ont été comblés, avec l’autre partition contemporaine : « Sampling Tea », pièce spéciale d’inspiration chinoise pour violon, alto et pipa du compositeur hongkongais Willis Wong.
Éclectique, le programme des MSHK Musicus Soloists Hong Kong à Gaveau souligne les qualités expressives des musiciens, tous solistes dont le sens de l’écoute, le plaisir du jeu collectif réalisent un superbe parcours stylistique. La présence des caméras pendant la performance laisse présager une captation ou a minima des extraits vidéo de ce concert plutôt convaincant. A suivre.
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CRITIQUE, concert. PARIS, Salle Gaveau, le 16 nov 2024. MSHK Musicus Soloists Hong-Kong, Trey Lee (violoncelle). Rameau / Vivald / Bartok / Seung-Won Oh : « Umbra » (création mondiale). Nadia Ratsimandrey (Ondes Martenot).