lundi 21 avril 2025

CRITIQUE, concert. PARIS, TCE, le 28 avril 2024. ORCHESTRE COLONNE, les 150 ans. DUKAS, PIERNÉ, STRAVINSKY, RAVEL, SZYMANOWSKI. Orchestre Colonne, Mélanie Laurent (harpe), Julien Leroy et Marc Korovitch (direction).

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Poursuivant sa saison en cours, celle de ses 150 ans, l’Orchestre Colonne, fondé par Édouard Colonne en 1873, investit le vaste plateau du Théâtre des Champs-Élysées, avenue Montaigne, pour un programme aussi ambitieux qu’original et redoutable. 

 

D’audace, l’Orchestre ne manque pas ; mais il est vrai, porté par sa prestigieuse histoire et les chefs légendaires qui ont présidé après Édouard Colonne à sa destinée, le collectif a toute légitimité pour revendiquer une place d’honneur parmi les ensembles majeurs de la Capitale. Gabriel Pierné, Paul Paray, Charles Munch, Pierre Dervaux et plus récemment, avant l’actuel directeur musical – présent ce soir (Marc Korovitch), Antonello Allemandi et Laurent Petigirard… autant de tempéraments de la baguette, certains compositeurs, qui restent dans les mémoires. 

De fait ce soir, l’Orchestre Colonne joue plusieurs œuvres phares du XXème français – abordant piliers du répertoire symphonique (Dukas) et partitions moins connues comme le Concerto pour harpe de Pierné justement, car l’Orchestre a depuis ses débuts joué régulièrement les auteurs contemporains. 

Le Dukas pose d’emblée les qualités de l’Orchestre : expressivité, clarté, cohésion sonore. On constate que l’œuvre précédemment enregistrée par Pierre Dervaux et l’Orchestre Colonne (en un document à présent référentiel), continue d’inspirer la phalange parisienne. Outre l’engagement expressif qui suit très précisément le déroulement narratif, – l’insouciance de l’Apprenti Sorcier, sa naïveté dépassée par le sortilège, avant que son Maître ne rétablisse l’ordre initial, la tenue de chaque soliste suscite l’adhésion par sa franchise et la caractérisation instrumentale ; à travers basson, hautbois, clarinette,.. (entre autres), l’urgence et même la transe de ce poème symphonique en forme de vertigineux Scherzo, se réalisent avec une acuité analytique, une vision dramatique claire. C’est bien la panique du jeune sorcier qui s’empare de tout l’orchestre ; la tempête déchaînée électrisant chaque instrument, déferle depuis la scène du TCE.

Tout aussi raffinée, la partition de Gabriel Pierné, – son Concertstück pour harpe et orchestre opus 69 (1903) : à la fois suave et fluide, la virtuosité de la harpiste Mélanie Laurent s’accorde idéalement à l’orchestre dont l’unité et l’équilibre composent le meilleur partenaire.

Berliozien, l’Orchestre Colonne l’est plus que tout autre. Il n’a cessé de jouer La Damnation de Faust, et pour la 100ème, l’orchestre commanda une affiche spécifique où l’ombre de Berlioz apparaît devant le chef Edouard Colonne, saisissant ce dernier par les épaules en une accolade fraternelle. L’affiche était visible dans le foyer pendant l’entracte. Ce soir, place à la Symphonie Fantastique à travers deux extraits : Un bal puis la Marche au Supplice ; les musiciens s’y révèlent très inspirés. A la valse éthérée, aérienne, succède la sauvagerie de la Marche, ses apparitions faustéennes, ses crépitements fantastiques en forme d’hallucinations. Là encore, tout l’orchestre déploie une expressivité à la fois mordante et somptueuse.

Une même âpreté, une même sensibilité aux couleurs s’affirment dans les extraits de l’Oiseau de feu de Stravinsky (1910). Le choix est d’autant plus légitime que ce sont les musiciens de l’Orchestre Colonne qui assurèrent la création de l’œuvre à l’Opéra de Paris sous la direction de Gabriel Pierné, dans le cadre des Ballets Russes (au cours de sa 2ème saison parisienne). Les instrumentistes ajoutent aux caractères précédents, celui de l’ivresse et de la magie, dans un déferlement poétique qui s’avère des plus juste. Ce sont ces mêmes musiciens qui allaient créer le Sacre du printemps en 1913 ici même au TCE, avec le scandale que l’on sait. 

Les instrumentistes gagnent une marche supplémentaire avec l’œuvre qui suit, non des moindres, elle aussi liée aux Ballets Russes de Diaghilev : la Suite n°2de Daphnis et Chloéde Maurice Ravel (1912), avec à son début, l’inoubliable lever du soleil… Le flux organique de l’orchestre accomplit un festival de nuances ; ce miroitement atmosphérique propre à Ravel, génie de l’orchestration dont le spectre englobe l’infime éclat des castagnettes ou du triangle (entre autres), jusqu’à la transe, extatique, orgiaque d’une énergie explosive de la dernière séquence. L’Orchestre Colonne fait mouche dans ce défi pour le chef et tous les instrumentistes : le souffle onirique, le relief des timbres, la brume évanescente que distille le collectif comme un scintillement enchanté, enivré (avant l’extase dyonisiaque de la fin)… Tout Ravel est présent dans un geste global qui respire et suggère, dans une subtilité et une sauvagerie là encore, idéalement fusionnées.

Et pour finir cette soirée riche en accomplissements, l’orchestre sous la direction de son directeur musical actuel, Marc Korovitch, joue « l’œuvre mystère », final désormais emblématique de chaque concert de l’Orchestre Colonne. Aux auditeurs de deviner l’identité de son auteur ! Sous sa parure flamboyante qui cite Richard Strauss comme la démesure et l’opulence wagnérienne, se précise peu à peu une ouverture de jeunesse du polonais… Karol Szymanowski. Généreux, lyrique, à la fois détaillé et dramatique, l’Orchestre Colonne déploie une somptueuse cohérence sonore.

RDV est pris pour le prochain concert, vendredi 24 mai prochain (Requiem de Duruflé, couplé avec la création mondiale de « Au Château d’Argol » de la compositrice LISE BOREL) à a Basilique Sainte-Clotilde de Paris à 20h !

 

PLUS D’INFOS sur le site de l’Orchestre COLONNE :
https://www.orchestrecolonne.fr/

 

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CRITIQUE, concert. PARIS, TCE, le 28 avril 2024. ORCHESTRE COLONNE, Concert des 150 ans. DUKAS, PIERNÉ (Mélanie Laurent, harpe), STRAVINSKY, RAVEL, … SZYMANOWSKI. Orchestre Colonne, Julien Leroy et Marc Korovitch, direction

 

 

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