vendredi 5 juillet 2024

CRITIQUE, concert. PARIS, Théâtre des Champs-Elysées, le 24 mai 2024. STRAUSS / BRAHMS. Sächsische Staatskapelle Dresden, Marie Jacquot (direction).

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La venue en France d’un orchestre aussi prestigieux que la Sächsische Staatskapelle Dresden, l’un des orchestres les plus anciens au monde (…1548 tout de même !), constitue toujours un événement. Il l’est encore plus quand le chef titulaire, le célèbre Christian Thielemann est absent, annoncé souffrant, et est remplacé au pied levé par une jeune cheffe française, en l’occurrence Marie Jacquot, qui plus est pour un programme musical qui est le cœur de la musique romantique allemande !

 

 

La tâche pour cette jeune musicienne, formée en grande partie à l’école allemande et qui s’apprête à prendre la direction musicale de l’Opéra de Copenhague, était donc immense. Double difficulté, et sans doute triple difficulté, car les œuvres inscrites au programme étaient des œuvres particulièrement bien connues des mélomanes. A savoir : deux Poèmes Symphoniques de Richard Strauss fréquemment inscrits au répertoire, et en seconde partie, la 4ème Symphonie de Johannes Brahms… Le choix de débuter ce programme (modifié par rapport à celui prévu par Thielemann) par le Poème symphonique « Don Juan » opus 20 de Strauss, inspiré par la lecture du poète romantique Nikolaus Lenau et créé en 1889, n’est pas anodin. C’est une pièce brillante et pleine d’élan, rutilante pourrait-on même dire: un narratif prévisible, avec son thème central, le motif du « Désir » très clairement identifiable, fier et hautain, et son merveilleux et apaisant chant du hautbois…

La SSD possède pleinement cette pièce ; mais, comme la suivante, »Till l’Espiègle« , elle est piégeuse… petite confusion des cuivres, au tout début de la pièce. Marie Jacquot la dirige sans encombre, avec une battue énergique; peut-être un rien tendue, avec un peu de précipitation ?… Elle nous a semblé plus à l’aise dans l’opus 28 de Richard Strauss, le fameux poème symphonique « Till Euleuspiegiel« , dont le titre complet mérite d’être cité: « Plaisantes facéties de Till l’Espiègle, d’après l’ancien conte fripon, en forme de rondeau« , pièce créée en novembre 1895. « Rondeau », c’est à dire: alternance de couplets, de refrain; cette pièce se présente comme une sorte de conte musical dans lequel on retrouve les péripéties de notre héros, caractérisées par tel ou tel motif musical soutenu par tel ou tel instrument soliste: ici les cors ou le violon solo; là, la clarinette…pièce regorgeant d’humour et de tableaux en musique. La SSD fait merveille et s’amuse dans cette pièce brillante et heureuse, bien maîtrisée par Marie Jacquot.

La Quatrième Symphonie de Johannes Brahms est la dernière symphonie du compositeur. Elle est en mi mineur, opus 98, et a été créée en octobre 1885. Si elle n’est pas testamentaire (Brahms disparaîtra douze ans plus tard), son mode mineur, sa densité thématique, ses couleurs automnales, lui confèrent une tonalité conclusive, et prend presque la forme d’un discours d’adieu à la symphonie. La SSD joue dans son jardin et défend avec force son répertoire traditionnel. Si le son n’est pas monolithique, il est cependant d’une très grande homogénéité,  les cordes puissantes et timbrées l’emportant parfois sur le discours orchestral. Par bonheur, les instruments solistes prennent aussi toute leur place, tel le sublime solo de flûte dans le dernier mouvement de la symphonie (« Allegro energico e passionato« ),  où abondent les variations et dont le thème central est emprunté, avec quelques modifications, à la Cantate BWV 150 « Nun Dir Herr… » de Jean Sébastien Bach. Marie Jacquot a relevé le défi avec l’énergie, parfois explosive, qui est indissociable de son talent de cheffe. L’urgence et la tension de la musique de Brahms sont là.  Absence parfois d’un certain phrasé… Mais il ne faut pas oublier qu’il s’agit d’une prise en main, au pied levé, d’un orchestre très fidèle à sa tradition symphonique saxonne. Marie Jacquot s’est révélée à la hauteur du défi en ces circonstances. On doit lui reconnaître l’apport d’une nouvelle lecture, tonique et originale, d’un classique du répertoire symphonique.

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CRITIQUE, concert. PARIS, Théâtre des Champs-Elysées, le 24 mai 2024. STRAUSS / BRAHMS. Sächsische Staatskapelle Dresden, Marie Jacquot (direction). Photo (c) DR.

 

VIDEO : Christian Macelaru dirige ‘Till l’Espiègle » de Richard Strauss 

 

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