Après un concert dirigé par le chef allemand Michael Sanderling aux côtés de la violoniste bulgare Liya Petrova, en février, c’était au tour de la très médiatique cheffe ukrainienne Oksana Lyniv (accompagnée par la violoniste néerlandaise Simone Lamsma) de diriger l’Orchestre Philharmonique de Strasbourg dans ses murs de la Salle Erasme à Strasbourg.
En guise de mise en bouche (mais quel tour de chauffe !), rien moins que l’Ouverture de Parsifal puisque Oksana Lyniv, on le sait, a désormais ses entrées au prestigieux Festival de Bayreuth. Elle en livre une lecture pétrie d’élégance et finement nuancée, notamment les cordes qui tissent des unissons puissants. Puis c’est la violoniste hollandaise Simone Lamsma de faire son entrée, pour délivrer le célèbre Concerto pour violon de Jean Sibelius. Dès les premières mesures, dans un son mystérieux, pianissimo et lointain, la cheffe et sa soliste ont trouvé un parfait accord qui s’est amplifié tout au long de leur majestueuse interprétation. Si la première fait tonner l’orchestre, elle obtient également des nuances d’une grande subtilité, laissant les solistes instrumentaux s’exprimer, toujours en mettant en valeur le jeu de la violoniste néerlandaise qui, avec une grande délicatesse, participe à cette fête. Sa sonorité personnelle est pleine, pure et délicatement nuancée, les phrasés sont amples et la virtuosité crânement maîtrisée. Les pianissimi planent haut comme dans le plus pur belcanto, mais les accents peuvent se vivifier et monter en puissance, comme par exemple dans certaines doubles cordes. La délicate violoniste va revenir plusieurs fois saluer en réponse aux acclamations du public et offre au public alsacien deux bis, le premier en duo avec son ami Violoncelle solo de l’OPS, le très court “Water droplets” du même Sibelius, puis en solo les incroyables “Furies” extraites de la Sonate pour violon seul n°2 d’Eugène Ysaye, vivement acclamées par une audience médusée !
En seconde partie de soirée, l’énergie de la première partie continue de rayonner, portée par une Deuxième Symphonie de Robert Schumann riche en nuances et d’une fluidité remarquable, bien qu’elle puisse parfois sembler un peu trop impétueuse. Son lyrisme exubérant évoque presque l’opéra verdien, ajoutant une dimension théâtrale à l’œuvre. L’Allegro maestoso, solidement construit et mélodieux, est suivi d’un Scherzo d’une vitalité irrésistible. L’Adagio espressivo est exécuté tout de lumière et profondeur mystérieuse, tandis que la densité orchestrale se fait peut-être trop sentir dans le mouvement extrême qu’est le Finale – une tendance qui peut rappeler certaines limites de la direction à l’opéra. Malgré cela, la performance reste d’un niveau exceptionnel, avec un orchestre parfaitement maîtrisé. Et la directrice musicale du Teatro comunale de Bologne confirme qu’elle excelle bien au-delà du simple rôle de cheffe d’orchestre d’opéra !
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CRITIQUE, concert. STRASBOURG, Salle Erasme, le 6 mars 2025. SIBELIUS / SCHUMANN. Simone Lamsma (violon), Oksana Lyniv (direction). Crédit photos © Grégory Massat